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Espagne : avertissement pour Sánchez à deux ans des élections nationales
La candidate de droite et Isabel Diaz Ayuso célèbre sa victoire aux élections régionales de Madrid au côté du leader du Parti populaire Pablo Casado, le 4 mai 2021
A deux ans des prochaines élections législatives en Espagne, la droite s'est mise en ordre de marche pour tenter de reproduire au niveau national son triomphe aux régionales de mardi à Madrid, un clair avertissement pour le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez. Dans la foulée, cette victoire a fait une victime à l’extrême gauche, contraignat le chef de file de Podemos, Pablo Iglisias à jeter l’éponge et à quitter la politique partisane.
Pablo Iglesias, le leader controversé du parti de gauche radicale Podemos, partenaire du Parti socialiste au sein de la coalition au pouvoir en Espagne, a annoncé son retrait de la vie politique après la déroute de la gauche aux élections régionales mardi à Madrid.
Grâce à une campagne populiste surfant sur le ras-le-bol des Madrilènes à l'égard des restrictions sanitaires, Isabel Díaz Ayuso, la présidente régionale sortante membre du Parti Populaire (PP), a doublé son score du précédent scrutin de 2019 et frôlé la majorité absolue au parlement local. Du coup, sa victoire a contraint le gauchiste Iglisias
Elle devra compter sur un soutien de l'extrême droite de Vox, qui a maintenu ses positions.
En face, malgré l'implication personnelle de Pedro Sánchez et la candidature du chef du parti Podemos, allié aux socialistes dans la coalition au pouvoir, Pablo Iglesias, qui avait quitté pour cela le gouvernement central, la gauche a subi un revers cinglant. M. Iglesias a pris acte de cette déroute en annonçant mardi soir son retrait de la vie politique.
Le Parti socialiste de M. Sanchez a même été devancé à gauche par Más Madrid, une formation née d'une scission de Podemos il y a à peine plus de deux ans.
Si Madrid, un bastion du PP depuis 26 ans, peut difficilement être comparé à l'ensemble de l'Espagne de par ses caractéristiques sociologiques, le parti conservateur veut se saisir de ce triomphe pour entamer sa reconquête du pouvoir, dont il a été privé au niveau national par M. Sánchez en 2018.
Vote sanction contre Sanchez
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez lors d'un meeting de campagne du Parti socialiste pour les régionales, le 2 mai 2021 à Madrid
"Les jours sont comptés" pour le gouvernement, a clamé mardi soir Mme Díaz Ayuso, une figure montante du PP.
Pour José Ignacio Torreblanca, du Centre européen sur les Relations étrangères (ECFR), la déroute de la gauche au cours de ce scrutin local est clairement à mettre sur le compte d'"un vote sanction contre Sánchez et Iglesias, contre le gouvernement de coalition" formé par les socialistes et Podemos il y a près d'un an et demi.
L'Espagne étant l'un des pays d'Europe les plus endeuillés par le Covid-19 et ayant décrété l'an dernier l'un des confinements les plus stricts du monde, le PP a "su très bien capitaliser sur la fatigue de la pandémie", ajoute cet analyste.
Reste désormais à savoir si le PP saura transformer l'essai au niveau national en 2023, l'année des prochaines législatives.
"Le scénario de ce scrutin commence à se bâtir aujourd'hui et c'est un scénario dans lequel la droite mène la danse, vu ce qu'il s'est passé hier à Madrid", analyse Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone.
Nouveau cycle ?
Pour l'heure, le Parti socialiste de M. Sánchez devance le PP dans les enquêtes d'opinion au niveau national.
Mais le Parti Populaire va "mettre en marche une opération de communication afin de créer dans l'électorat l'idée que nous sommes face à un nouveau cycle, que celui de la gauche est terminé et que c'est maintenant au tour de la droite", ajoute-t-il.
Depuis le début des années 1980, socialistes (1982-1996, 2004-2008 et depuis 2018) et PP (1996-2004 et 2011-2018) ont alterné à la tête de l'Espagne.
Un premier indice de ce nouveau cycle est la disparition dans la région de Madrid de Ciudadanos, la formation qui avait mis fin avec Podemos, aux élections nationales de 2015, au bipartisme Parti socialiste/PP qui régissait la vie politique espagnole depuis des décennies.
Depuis lors, l'Espagne est plongée dans une grande instabilité politique et les socialistes et les conservateurs n'ont plus la majorité absolue, ce qui les contraint à nouer de complexes alliances au Parlement.
"Ce qu'a prouvé Ayuso à Madrid en brisant le plafond de verre" du PP de ces dernières années, "c'est que le bipartisme, que tout le monde voyait mort", ne l'est pas, souligne José Ignacio Torreblanca. Ce qui représente "un changement de panorama" en vue des prochaines législatives.