Etats-Unis : Après Trump... ''le trumpisme’’

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Donald Tump de retour à la Maison Blanche après une partie de golf le jour de l’annonce de la victoire de Joe Biden

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C'est donc plié : Donald Trump, locataire actuel de la Maison Blanche depuis 2016, aura pour successeur Joe Biden. Un démocrate va succéder à un républicain avec plus de 3 millions de voix le plus et un chiffre historique de 74 millions de voix. Ce qui ressort, en autres, de ce scrutin n'est-ce pas la capacité de Donald Trump avec 71 millions de bulletins à mobiliser ses troupes autour de ce que l'on pourrait appeler le "trumpisme" un style, une notion et un contenu à revisiter. 

Depuis quatre ans, il faut rappeler qu'une certaine lecture prévalait : celle de l'élection de Trump en 2016 comme étant un accident. N'avait-il pas été élu de justesse dans quelques Etats du Midwest, avec quelque 63 millions de suffrages contre près de 65 millions pour Hillary Clinton. Il a été avantagé par l'archaïsme du Collège des grands électeurs avec 304 votants contre 227 en faveur de sa concurrente. 

Le trumpisme ne va-t-il pas laisser un héritage politique tant aux Etats-Unis qu'ailleurs ? Un débat qui s'ouvre déjà... Ce serait un mélange de nationalisme décomplexé, de réaffirmation et d'affichage de valeurs traditionnelles de la nation, de xénophobie. Et de libéralisme économique tempéré par une forte dose de protectionnisme. C'est enfin une affirmation de soi permanente avec un total mépris pour des faits - pas seulement scientifiques - qui ne 1' arrangent pas. Le trumpisme ? Ce n'est seulement pas une version nord-américaine d'une tendance générale que l'on observe chez de nombreux Etats depuis une vingtaine d'années, sous diverses latitudes; c'est aussi autre chose: la remontée d'une politique organisée autour d'un homme fort - un profil se portant garant de valeurs nationalistes, s'appuyant sur tout et partie des grands capitalistes de son pays. C'est aussi la volonté d'éviter toute future alternance au pouvoir, l'essence même de la démocratie libérale. A l'international, avec bien des différences, que trouve-t-on dans le prolongement de cette tendance ? La Russie, l'Inde, la Hongrie, la Turquie, etc... Autant de variantes sans doute mais reposant sur un développement économique à l'arraché, minorant les contraintes écologiques et sociales pouvant le ralentir ou l'orienter vers un capitalisme "social" et/ou "vert". Par rapport aux élites du système Clinton, Bush et Obama avec pour référentiel "la mondialisation heureuse", Trump, lui, est venu revigorer le conservatisme ; il a voulu lui donner les moyens d'arriver au pouvoir ; sa perception du monde c'est " la guerre de tous contre tous".

Le Donald Trump de 2020 comme celui de 2016 d'ailleurs - ne parle pas qu'aux classes populaires, comme on pourrait le croire; il est aussi l'homme d'une grande réforme fiscale de baisse de l'impôt réduisant l'IS de %35 à 21% , profitant également aux classes moyennes supérieures ainsi qu'aux plus pauvres. Il a aussi fortement encouragé la Réserve Fédérale à une politique de taux d'intérêt ultra-bas ; il a fait baisser le chômage à 3,5% en 2019, avant la pandémie actuelle. En somme, le "trumpisme" a parlé et pris en compte les deux bouts de la hiérarchie économique. Il s'est ainsi inscrit dans une longue histoire des partis conservateurs, libéraux, nationalistes. Ils sont en effets arrivés à mobiliser une partie des classes populaires, sans oublier une partie des classes moyennes et supérieures, sur des valeurs conservatrices, nationalistes, souvent avec une matrice religieuse, aujourd'hui quelque 92 millions d'évangéliques, soit 27% de la population. 

Trump c'est aussi, au-delà du vote de chacun en fonction de sa position économique sur le seul axe capital/travail ou de celui du protectionnisme, un appel incessant à redonner sa dignité perdue à l'homme blanc, à 1'Américain ordinaire, à la référence à un paramètre nativiste. D'où le discours de refus de l'immigration - tel le fameux "mur" avec le Mexique - de "guerre culturelles " par exemple sur l'avortement sans oublier des références s'apparentant au racisme avec sa neutralité voire sa complaisance à l'endroit des suprémacistes. Une version européenne se décline en Europe : avec la priorité au "travail français" ; le refus de toute immigration, la xénophobie voire le racisme ; et l'appel à un socle moral présumé immuable de la société, totalement interclassiste. L'une des différences avec Trump et le "trumpisme " a trait à la place de l'islam dans la société : elle n'est pas un point d'ancrage ni d'altérité outre-Atlantique. 

Au dehors, comment interpréter le "trumpisme" ? L'on a affaire à une vision et à une pratique de politique étrangère inédites traduisant des vecteurs d'une transformation du leadership américain dans le monde. D'abord, ceci : la déconstruction de l'idée même d'une "communauté internationale" et en même temps du rapport entre les intérêts américains et l'ordre international libéral. C'est aussi le souci de passer des deals présentés volontiers comme autant de victoires, C’est enfin l'affirmation - ou l'affichage ? - d'un leadership inséré dans l'équation d'une compétition politique, économique et militaire avec la Chine. 

Son approche a été celle d'un président populiste, anti-élites et porteur d'une certaine colère : rompre avec le statu quo. Il veut ainsi effacer le bilan de l'administration Obama. En témoignent les retraits successifs du Partenariat Trans-Pacifique (TPP), de l'accord de Paris de 2015 sur le climat, de l'accord sur le nucléaire iranien, ou encore sur le rapprochement avec Cuba. Dans ce même sens, il faut noter, pour se distinguer d'Obama, la frappe de la Syrie après l'utilisation d'armes chimiques ou la livraison d'armes à l'Ukraine. Ces derniers mois encore, en pleine pandémie COVID -19, il qualifie de "désastre complet" la gestion de la grippe HINI dix ans plus tôt... Par suite des interférences russes en sa faveur en 2016 - confirmées a posteriori, notamment par le Sénat - cette ombre-là a pesé sur son mandat ; elle a ainsi poussé à une politique moins pacifiée avec Moscou et à certaines tensions bilatérales. 

A long terme, les priorités stratégiques seront de contenir la Chine, désigné comme le seul réel rival dans le monde. Telle est d’ailleurs la conclusion des évaluations de deux organismes fédéraux comme la "National Security Strategy " et surtout de la "National Defense Strategy ". Elles ont toutes deux insisté sur les multiples aspects de cette compétition : militaire, économique, technologique, politique et culturel. Voilà un domaine d’où un consensus partagé entre Républicains et Démocrates. Une rivalité "systémique" ; elle paraît avoir supplanté quelque peu la "guerre mondiale contre le terrorisme" de Bush et plus discrètement d'Obama. Il y a là un changement de paradigme. 

Sur d’autres espaces, le "trumpisme" va peser de tout son poids Sur le mandat du Démocrate Joe Biden, s'il est élu. Il n'y aura plus sans doute l'imprévisibilité de l'administration Trump qui inquiète tant les partenaires internationaux autant qu'elle déconcerte les diplomates et les administrations fédérales. Mais la trame de fond, l'ADN de Trump, à savoir l'unilatéralisme, seront-ils pour autant abandonné ? Il y a en effet plusieurs facteurs à prendre en considération : l'état d'esprit d'une partie de l'opinion américaine autour du slogan "America First", une majorité républicaine au Sénat, un détricotage du système des Nations Unies et d'organisations internationales (Unesco, OMS, OMC,...). La politique étrangère américaine enregistrera moins de politisation mais ses fondamentaux ne vont-ils pas être préservés ? Sur la question palestinienne et le Moyen –Orient, il y a des données majeures sur la table : transfert de l'ambassade US à Jérusalem, d'Abraham du 15 septembre dernier relatifs à la normalisation entre Israël et des pays arabes ( E.A.U., Bahrein) puis prochainement avec le Soudan, tension et de sanctions contre l'Iran… Des pesanteurs "trumpiennes" continueront certainement à peser sur l'administration Biden. D'autant qu'un Donald Trump, non réélu, veillera à donner de la voix pour interpeller celle-ci avec des relais du côté des Républicains...