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GUERRE OU PAIX, LE CHOIX IMPOSSIBLE – Par Gabriel Banon
Représentation artistique du missile russe Zircon hypersonique, nouvelle arme brandie par Moscou qui craint l’encerclement de l’OTAN. Selon ses concepteurs Zircon pourrait atteindre la vitesse de Mach 7
Il est inquiétant que les doctrines et stratégies militaires, aujourd’hui, ne soient plus axées sur la préservation de la Paix, mais sur la préparation de la guerre.
En octobre dernier, a été rendu public un document exposant la vision stratégique du général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées françaises.
Très officiellement, ce dernier abandonne les notions de « paix-crise-guerre » au profit de « compétition-contestation-affrontement ». C’est un retour à l’ancien adage : « Si tu veux la paix, prépare le guerre ».
La publication de la nouvelle doctrine du Général Burkhard, n’est pas un fait anodin. Veut-on préparer l’opinion public ? La question s’impose, car l’actualité confirme ses inquiétudes, avec la possibilité d’une intervention militaire russe en Ukraine. Le président, Vladimir Poutine, n’a pas caché qu’il envisage une réponse militaire à la politique des Occidentaux, jugée menaçante. En effet, il est envisagé d’inclure l’Ukraine dans le dispositif de l’OTAN, c’est-à-dire parfaire ainsi l’encerclement par les forces américano-OTAN de la Fédération de Russie.
C’est un signe des temps qui n’est pas rassurant sur l'état du monde. La vision stratégique du chef d’état-major des armées françaises, présentée sous la forme d’une brochure de 24 pages, marque un tournant à l’heure où les bruits de botte se font entendre en Europe et que les tensions militaires s’accroissent entre les États-Unis et la Chine. D’après les militaires, « la conflictualité a évolué ». Il faut, aujourd’hui, abandonner les visions d’hier fondées sur les notions de « paix-crise-guerre ». On doit désormais préparer une stratégie militaire à la lumière de trois notions : compétition-contestation-affrontement ». La paix ne peut plus être comprise comme un objectif d’une politique de défense.
Notre monde est devenu celui de la « compétition » entre les Nations, c’est « l’ordre normal de l’affirmation de la puissance » affirment les états-majors. C’est une rupture importante par rapport aux visions post-guerre froide. Il s’agissait alors, pour les armées, de maintenir ou de rétablir la paix, avec, si besoin, l’emploi de la force.
Durant la guerre froide, jusqu’aux années 80, la dissuasion nucléaire visait à empêcher la guerre. Sans tambour ni trompette, tout doucement, nous sommes en train d’entrer dans un autre univers, où la paix est passée par pertes et profits.
Il faut souligner que cette nouvelle politique de puissance, cette « vision stratégique » ne fait l’objet d’aucun débat politique, dans aucun pays, y compris la France.
Il faut désormais « gagner la guerre avant la guerre ». La formule est habile. On est toujours « avant la guerre », mais il s’agit bien de la « gagner » et non plus de l'éviter, comme on l’a longtemps souhaité. La « politique de puissance » est désormais clairement assumée par les divers états-majors.
Mais l’armée française, par exemple, pourrait-elle passer à une logique d'« affrontement » avec une puissance militaire, comme la Russie ?
Sommes-nous toujours dans une stricte logique de dissuasion, comme l’a été la doctrine gaullienne ? Une réaction militaire ne peut se faire, dans le cas de la France, qu'à l’abri de la dissuasion nucléaire. En cela, on rejoint la pensée du président Poutine qui assume l’utilisation des armes nucléaires tactiques en cas de conflit.
Des exercices majeurs, évoquant ceux de la guerre froide, sont désormais organisés entre les alliés. On tourne la page du contre-terrorisme avec des ennemis se déplaçant à moto dans la brousse pour faire face à des armées modernes. C’est aussi le choix des Américains qui se retirent du Moyen-Orient pour mieux se préparer à une guerre contre la Chine.
La remontée en puissance ne se fait pas dans un cadre strictement national, bien au contraire, car un conflit de haute intensité ne se conduit pas seul. La simulation de combats en Europe de l’Est qui s’est tenu aux États-Unis au printemps dernier, « même si les forces alliées étaient victorieuses à la fin, le bilan des pertes s'élevait à plus d’un millier de morts », évidemment virtuels.
C’est aussi ainsi que l’on assassine la paix.