Iran: un assassinat qui risque de compliquer la tâche de Biden

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Le scientifique iranien Mohsen Fakhrizadeh, assassiné vendredi, lors d'un entretien avec le guide suprême iranien Ali Khamenei le 23 janvier 2019 à Téhéran

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L'assassinat d'un scientifique iranien du nucléaire, attribué à Israël, risque d'attiser les tensions dans la région et de compliquer la tâche du président élu américain Joe Biden, qui a signalé son intention de reprendre le dialogue avec Téhéran.

L'Iran a accusé vendredi Israël d'avoir voulu semer le "chaos" en tuant Mohsen Fakhrizadeh, 59 ans, un scientifique de haut rang du programme nucléaire iranien, laissant entendre que l'Etat hébreu a agi avec la bénédiction des Etats-Unis.

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(ARCHIVES AFP) Photo remise par l'US Navy du porte-avions USS Nimitz et du croiseur USS Philippine Sea dans le détroit d'Ormuz le 18 septembre 2020

Washington n'a pas commenté officiellement cette opération, mais le président sortant Donald Trump a retweeté un article et des commentaires sur l'affaire.

M. Trump a sorti son pays de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015, au nom d'une politique de "pression maximale" contre l'Iran, que son gouvernement est déterminé à appliquer jusqu'à la fin de son mandat.

Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, qui vient d'effectuer une visite en Israël, a encore imposé vendredi de nouvelles sanctions économiques contre quatre sociétés chinoises et russes accusées d'avoir soutenu le développement du programme nucléaire iranien.

"Cette administration est là jusqu'au 20 janvier" et "elle continuera à mettre en oeuvre ses politiques jusqu'à la fin", a assuré récemment un haut responsable du département d'Etat, qui a requis l'anonymat. 

"J'espère que ce rapport de forces favorable que l'administration tente tellement d'obtenir", le prochain gouvernement américain "en fera bon usage pour pousser les Iraniens à se comporter comme un pays normal", a-t-il ajouté.

"Sabotage de la diplomatie" 

Mais pour la plupart des analystes américains, l'assassinat de Mohsen Fakhrizadeh est dangereux et affaiblit la position de Joe Biden qui, désireux de rompre avec l'unilatéralisme de Donald Trump, a dit vouloir offrir "à l'Iran une voie crédible de retour à la diplomatie" en vue d'une réintégration des Etats-Unis à l'accord sur le nucléaire iranien. 

Pour John Brennan, ancien patron de la CIA, c'est un "acte criminel et extrêmement dangereux", qui risque d'entraîner des "représailles létales et une nouvelle phase de conflit régional".

M. Brennan, qui était à la tête de l'agence de renseignement américaine de 2013 à 2017, sous la présidence de Barack Obama et alors que Joe Biden était vice-président, a exhorté l'Iran à "résister à l'envie" d'exercer des représailles et d'attendre "le retour de dirigeants américains responsables sur la scène internationale".

Alors que les Etats-Unis ont envoyé dans le Golfe le porte-avions USS Nimitz, tout en assurant que cela n'avait rien à voir avec l'assassinat du scientifique iranien, l'Allemagne a mis en garde samedi contre "une nouvelle escalade de la situation" tandis que les Nations unies ont exhorté les parties "à la retenue". 

"A quelques semaines de l'entrée en fonction du nouveau gouvernement aux Etats-Unis, il s'agit de conserver les marges existantes de dialogue avec l'Iran afin de pouvoir régler par la négociation le conflit sur le programme atomique iranien", a indiqué à l'AFP un porte-parole du ministère des Affaires étrangères allemand.

Un avis partagé par Ben Friedman, professeur à la George Washington University, pour qui cet assassinat "aidera probablement l'aile dure en Iran qui veut des armes nucléaires". C'est aussi "un acte de sabotage visant la diplomatie et les intérêts des Etats-Unis", a-t-il tweeté.

"C'est une action scandaleuse, destinée à saper les relations diplomatiques entre un nouveau gouvernement américain et l'Iran", a estimé pour sa part Ben Rhodes, ancien conseiller diplomatique de Barack Obama. "Il est temps que cette escalade continue cesse".

Certains pourtant voient dans cette opération un levier que le gouvernement Biden pourrait utiliser dans d'éventuelles discussions avec Téhéran.

"Il reste encore deux mois avant que Joe Biden prenne ses fonctions", a noté Mark Dubowitz, directeur du centre de réflexion conservateur Foundation for Defense of Democracies. "C'est bien suffisant pour que les Etats-Unis et Israël infligent des dommages sévères au régime en Iran et donner des moyens de pression à l'administration Biden".