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L’HOMME ET LA MORT – Par Gabriel Banon
Edgar Morin – « À la différence de tout être vivant, [l’homme] nie [la mort] par ses croyances en un au-delà ».
Le centenaire Edgar Nahoum dit Edgar Morin, a beaucoup écrit sur la Mort. Parfois il développe des « lapalissades » qui passent par son style souvent scientifique. « La mort est ce qui identifie l’homme à l’animal et ce qui l’en différencie, écrit-il, comme tout être vivant, l’homme la subit. À la différence de tout être vivant, il la nie par ses croyances en un au-delà ». On ne peut qu’être d’accord avec cette introduction à un sujet si grave.
Les attitudes fondamentales de l’homme à l’égard de la mort sont constantes, depuis la nuit des temps. Il l’ignore, tout au long de sa vie et à l’approche du départ, se console en revenant aux croyances, religieuses ou métaphysiques, qui l’assurent d’un au-delà.
Que de mythes ont été développés autour du dernier saut vers « cet » inconnu ! D’abord la survie dans un monde idéalisé, parfois redoutable, où l’imaginaire vous envoie vers un tribunal sans plaideurs. Pour certains, c’est l’horreur qu’elle suscite, pour d’autres c’est la curiosité : enfin savoir ! C’est que personne n’est revenu pour raconter …
Certaines croyances asiatiques ont réglé le problème par la réincarnation, la renaissance. La réincarnation ? un processus de survivance après la mort par lequel l’âme accomplirait des passages de vies successives dans différents corps, humains, animaux ou végétaux, selon les théories.
Elle est assimilée à travers la littérature à la transmigration des âmes, aux concepts de métempsychose, de métensomatose, de palingénésie ainsi qu'à l'Éternel retour.
On la retrouve dans diverses religions et philosophies depuis l'antiquité, mais aucune unanimité théologique ou dogmatique n’accompagne le phénomène décrit. C’est à la fin du XIXe siècle que la réincarnation a été popularisée en Occident par divers courants ésotériques et spirites. L’ennui, si renaissance il y a, c’est sans mémoire de sa vie précédente. Aussi, tout reste à prouver. Les grandes civilisations historiques ont toutes tenté d’y apporter une réponse, avec plus ou moins de bonheur. La crise contemporaine d’identité que connaissent les sociétés actuelles, s’accroche aux nouvelles conceptions biologiques qui pourraient apporter un nouvel éclairage sur les relations entre la vie et la mort.
Edgar Morin à travers ses livres, comme Les Stars ou L’Esprit du temps, L’Homme et la Mort, se découvre le sociologue de la culture de masse et de l’imaginaire moderne. Il fut, un temps, l’intellectuel emblématique de la gauche critique et antistalinienne. Son livre Le Paradigme perdu, est-il la matrice originelle des interrogations anthropologiques et épistémologiques qui l’occupent désormais ?
Des synthèses marquantes comme L’Anthropologie de la mort de Louis-Vincent Thomas et Les Vivants et les Morts de Jean Ziegler, couronnent, au milieu des années 70, la première grande vague de travaux sur le problème de la mort. Elles attestent, par leurs nombreuses références aux hypothèses d’Edgar Morin et par la façon dont leurs analyses adoptent sa problématique, l’influence que son livre continue d’avoir dans les sciences humaines, plus de vingt-cinq ans après sa parution.
Mais l’historiographie de la Mort reste à écrire.