L'ombre de la violence politique plane sur l’Afrique du Sud à la veille des élections locales

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En 2016 déjà, le ministère de la Police avait noté que le pays avait enregistré 25 crimes violents à motivation politique, dont 14 cas de meurtre et de tentative de meurtre.

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Par Ilias Khalafi (MAP)

Johannesburg - À l'approche des élections locales en Afrique du Sud, prévues le 1er novembre prochain, l’ombre de la violence politique plane déjà avec plusieurs incidents sanglants rapportés dernièrement dans le pays de Nelson Mandela.

La semaine dernière, trois militantes du Congrès national africain (ANC au pouvoir) ont été assassinées dans une fusillade survenue dans la province du KwaZulu-Natal (est), peu après avoir assisté à une réunion pour finaliser la sélection des candidats au scrutin local.

Des violences politiques de cette ampleur ne sont pas un phénomène nouveau dans la Nation arc-en-ciel. En remontant dans l'histoire contemporaine, la ville de Pietermaritzburg avait connu en 1990 des affrontements violents entre le Parti de la liberté Inkatha (IFP) et le Front démocratique uni, faisant au moins 80 morts.

«Aujourd’hui, les choses n’ont pas changé», a déploré Sunday Paul Onwuegbuchulam, chercheur au sein d’un centre d'études relevant de l'Université de l'État libre, soulignant que «les assassinats politiques constituent un autre phénomène qui contribue aux statistiques des crimes violents dans le pays».

Dans un rapport publié à la veille des dernières élections municipales sud-africaines, tenues en 2016, le ministère de la Police avait noté que le pays avait enregistré 25 crimes violents à motivation politique, dont 14 cas de meurtre et de tentative de meurtre.

Le rapport a noté également que le KwaZulu-Natal avait enregistré le plus grand nombre de cas de meurtres politiques ou de tentatives de meurtres (25) entre mai et juillet de la même année, impliquant principalement des membres de l’IFP et de l'ANC.

Lors d'une visite sur les lieux après la fusillade qui a secoué récemment la province, le ministre de la Police, Bheki Cele, a déclaré que les services compétents ont jusqu'à présent inculpé 271 personnes pour des crimes liés à la violence politique dans la province. «La violence au KwaZulu-Natal est si grave que cette province est considérée comme le champ de bataille de l'Afrique du Sud», a regretté Onwuegbuchulam.

«Les divergences de points de vue font partie du processus politique. Si certains ne sont pas satisfaits des politiques mises en place, ils ont le droit de les contester, mais sans que cela dégénère en actes de violence», a-t-il soutenu.

Par ailleurs, les tensions sociales dans la province sont à leur comble, notamment après les récentes émeutes violentes qui s’y sont déclenchées suite à l’incarcération de l’ancien président sud-africain, Jacob Zuma, pour outrage à la justice.

Selon un rapport de l’ONG Global Initiative Against Transnational Organized Crime, sur les 1,2 million de cartouches volées lors de ces troubles, plusieurs milliers n’ont toujours pas été recouvrées par les services de police. «Ces munitions, associées au flot d'armes illégales qui circulent librement dans le pays, pourraient contribuer à alimenter la violence criminelle et politique dans cette région déjà instable, qui enregistre le taux d'assassinats politiques le plus élevé du pays», averti le rapport.

Le bilan humain des violences qui ont ravagé plusieurs régions du pays était très lourd, avec plus de 330 morts, selon les chiffres officiels.

Les tensions raciales entre les différents groupes ethniques de la province, notamment la communauté d’origine indienne et les Sud-africains noirs, constituent un autre facteur qui pourrait déclencher des affrontements durant la période de la campagne électorale.

L'analyste politique Daniel Silke a signalé que les élections en Afrique du Sud ont toujours constitué une période de tension croissante au sein des partis politiques. Il a fait observer que l’exemple le plus frappant est celui de l'ANC qui connait actuellement «un degré élevé de factionnalisme», notamment avec l’emprisonnement de M. Zuma et la suspension du puissant Secrétaire général du parti, Ace Magashule.

Décidément, les prochaines élections locales seront un test sérieux pour le gouvernement sud-africain, non seulement en ce qui concerne la consécration de l’acquis démocratique, mais aussi sa capacité à maintenir la paix sociale dans le pays qui a déjà payé un lourd tribut durant les troubles du mois de juillet dernier.