L’Algérie futur champ de bataille d’AQMI et de l’EI ?

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L’Algérie est devenue un véritable théâtre de violence pour les alliés d’Al-Qaida et de l’EI qui s’y développent à foison depuis quelques années. Les autorités algériennes tentent, tant bien que mal, de contrer les actions de ces groupes terroristes, face à une saignée qui semble pourtant interminable.

Le ministère de la Défense algérien a annoncé dans ce sens, avoir réussi à abattre dans la région de Constantine « deux dangereux terroristes », à savoir Noureddine Laouira alias Abou Hammam, considéré comme le chef de Daech en Algérie, et de Halfaoui Hocine alias Abou Souheib.

Les autorités expliquent que l’éradication des bidonvilles et l’exode des habitants vers la ville d’Ali Mendjeli (nord de l’Algérie) sont les facteurs qui ont favorisé principalement l’expansion du terrorisme dans cette région. La même source a fait savoir que les deux terroristes tués ce weekend ont été précédemment identifiés et interceptés en raison des informations émanant à leur sujet des services de renseignements américains. Ils ont également affirmé avoir trouvé sur Abu al-Hammam l'arme exacte, un Beretta 92, utilisée pour tirer sur Amar Boukaabour, un policier assassiné en octobre à Constantine, ce meurtre a été d’ailleurs revendiqué par la suite par l’Etat Islamique.

En dépit de ces attaques rudes, à l’instar de l’enlèvement et de la décapitation du guide touristique français Herver Gourdel en septembre 2014, l’EI n’a toujours pas réussi à instaurer sa « Wilaya Al Djazeir », littéralement province d’Algérie, il s’agit effectivement du nom donné par l’EI à toutes les cellules et les divisions armées qui lui sont affiliées dans les montagnes algériennes.

Si l’on en croit les autorités algériennes, les alliés de l’EI en Algérie ne dépasseraient pas 80 hommes, répartis sur trois groupes. « À l'est, il y a la milice el-Ghoraba, dans la région de Constantine, ainsi que la milice al-Itissam dans la région de Skikda, également connue sous son nouveau nom Ansar al-Khilafa. Seuls, ces deux groupes comptent une cinquantaine d'hommes. Il y a aussi les «anciens soldats du GIA, une organisation armée des années 1990, dont le rôle est principalement lié à la coordination et à la logistique», affirme une source militaire.

Le groupe « Ansar al-Khilafa » est né de « Katiba de Shuhada » d'AQMI. La Katiba de Shuhada s'était installée dans la région difficile d’accès et boisée autour de Skikda, sur le golfe de Stora, au nord-est de Constantine, au début des années 2000. Ce groupe, qui est encore actif, aurait été dirigé par Amar Lemloum, alias Zakaria al-Djidjeli. Depuis l'été 2015, l'armée algérienne a déployé plus de 4 000 hommes, dans des opérations qui ont vu beaucoup de sang couler.

« Au centre, dans le triangle de Bouira-Boumerdes-Bejaia [Kabylie, NDLR], [les terroristes, NDLR] s’appellent Jund al-Khilafa, qu’on pourrait traduire par “les soldats du Califat”. Cependant, depuis que son chef présumé, Othmane al-Acimi, a été tué en mai 2015, l'identité de son émir actuel est inconnu », a expliqué la source militaire, avant d’ajouter « Nous ne savons pas qui est l'émir qui dirige tous les groupes. Le nom d'Abu al-Hammam a été présenté, mais nous savons que ce n'est pas le cas ».

Il est, de surcroît, peu probable qu’Abu Al-Hammam ait été le leader général de l’EI en Algérie. Car il n’est devenu combattant qu’en 2008 et avant cette date, il n’était qu’un membre junior de l’AQMI. La même source note d’ailleurs que l’émir de la wilaya Al-Djazair, n’aurait pas pris part personnellement à une attaque quelconque, comme celle de l’assassinat du policier à Constantine.

Par ailleurs, l’armée algérienne tue environ 200 hommes, alliés à ces groupes terroristes en question, chaque année, ce qui complique davantage leur situation, malgré leur recours constant au recrutement de nouveaux combattants, généralement des pays voisins comme la Tunisie, le Mali, le Niger ou la Lybie.

Ceci-dit, les services de renseignements algériens, eux, ne partagent pas forcément cet avis teinté d’enthousiasme. « Il est vrai qu'ils ont été affaiblis et, pour certains, extrêmement isolés. Cependant, il ne faut pas oublier que pour un terroriste, la plus grande victoire est de rester en vie », a déclaré dans ce sens un expert anti-terroriste.

« Ils savent qu'ils ont tout à gagner à rester cachés en attendant une situation plus favorable, comme par exemple l'instabilité politique. Dans ce cas-là, ils peuvent du jour au lendemain refaire face et redevenir opérationnels. L'éradication complète de ces groupes est impossible et c'est là où réside le véritable risque », ajoute-t-il.

D’autre part, l’émir d’AQMI, lui, a l’air d’être plus confortable dans ses fonctions. Abdelmalek Droukdel, âgé de plus de 50 ans, est devenu très isolé au cours des dernières années. Depuis les montagnes de Kabylie au nord du pays, où il est censé se dissimuler des regards, il a pu assister au développement de son groupe et a également progressivement gagné de l'influence dans la région du Sahel.

Il est, de surplus, resté spectateur du dernier pas franchi par l’AQMI, lorsque la fusion a été annoncée dans une vidéo du groupe dirigé par Mokhtar Belmokhtar (al-Mourabitoune) avec le groupe dirigé par Malian Touareg Iyad Ag-Ghali (Ansar Dine) et celui de Djamel Okacha, alias Yahia Abou al-Hammam (Emirat du Sahara, une branche d'AQMI).

Pour sa part, Le nouveau mouvement, appelé « Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans » a quant à lui, juré allégeance à Ayman al-Zawahiri, le chef actuel d'al-Qaïda. Les services de sécurité occidentaux avaient intercepté, en novembre et décembre dernier, des emails échangés entre Ayman al-Zawahiri, Iyad ag-Ghali et Djamel Okacha.

AQMI a, de son, côté perdu beaucoup de combattants, mais fait toujours montre d’une grande capacité d’adaptation. Le groupe compte d’ailleurs aujourd’hui plus de 500 membres.

Une source militaire précise que « l’avantage que possède AQMI par rapport à l’EI, réside dans sa vaste connaissance du terrain dans son expérience dans les attaques terroristes accumulée au fil des années ».  

L’Algérie semble ainsi devenir un véritable champ de bataille. La menace terroriste s’amplifie jour après jour, malgré les efforts déployés par les autorités responsables pour annihiler ce phénomène. Une simple étincelle pourrait faire exploser la situation. L’instabilité politique que pourrait engendrer la crise économique, pourrait faire office de bluette et engendrer une situation similaire à celle de la Syrie ou encore de la Libye.