Présidentielle 2024 au Sénégal : Cascades de candidatures et chasse aux parrainages

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L’ombre d’Ousmane Sonko, l’un des adversaires les plus virulents de Macky Sall, sous les verrous et son parti les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), dissous, plane sur la présidentielle de février 2024

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Par Abdelkrim Kninah (Bureau de MAP à Dakar)

La date du 03 juillet 2023 aura certainement marqué l’histoire politique du Sénégal, mais également elle sera gravée dans la mémoire de l’actuel chef de l’État du Sénégal, Macky Sall, pour avoir pris la décision de ne pas briguer un troisième mandat, lors du scrutin présidentiel du 25 février 2024.

Sa renonciation à briguer un troisième mandat a ouvert en fait l’appétit devant nombre de politiques sénégalais qui étaient au début réticents, pour entrer dans la course à la Présidentielle du dimanche 25 février 2024, ouvrant la voie ainsi à une cascade de candidatures tant au sein de la majorité que de l’opposition de ce pays de l’Afrique de l’Ouest.

Etape incontournable avant l’élection de février 2024, la campagne de collecte des parrainages s’était ouverte le 27 septembre dernier et se poursuit sur le plan national. Pas moins de 75 candidats ont déjà fait connaître leur intention de concourir à l’élection de février prochain.

Le top départ avait été donné officiellement le 27 septembre, date limite fixée pour indiquer au ministère de l’Intérieur le nom du coordinateur désigné par chaque candidat à la prochaine présidentielle en matière de recueil des parrainages citoyens.

Deux jours après, la Direction Générale des Elections "DGE" a remis aux intéressés les fiches de collecte des parrainages au format papier et électronique dans le cadres d’une "séance de remise et d’information ". Ce processus permettra de faire un premier tri entre les 75 prétendants aujourd’hui en lice. D’autres candidatures seront dévoilées au cours de ces jours.

Parmi les candidats en lice figure l’actuel chef du gouvernement Amadou Ba, qui avait été investi le 9 septembre par la Coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar (BBY, Unis pou l’espoir en wolof).

Amadou Ba, qui est presque assuré de décrocher les parrainages nécessaires à sa qualification, et qui fait actuellement une tournée dans la région de Saint-Louis (nord), aura toutefois à œuvrer avec force pour asseoir sa légitimité, alors que plusieurs autres poids lourds de l’Alliance pour la République (APR), le parti du chef de l’Etat, ont annoncé leur intention de se présenter eux aussi à ce scrutin. On cite notamment Mame Boye Diao, directeur de la Caisse des dépôts et consignations et maire de Kolda, et les anciens Premiers ministres, Mahamadou Boun Abdallah Dionne et Souleymane Ndéné Ndiaye. Figurent aussi dans la liste des personnalités ayant déposé la candidature le député à l’Assemblée nationale sénégalaise, Cheikh Tidiane Gadio, membre du groupe Benno Bokk Yaakaar, et ancien ministre des Affaires étrangères (avril 2000 -octobre 2009).

Bien que d’autres prétendants issus des rangs de la majorité devraient encore annoncer la couleur, les observateurs et les analystes estiment que cette abondance de candidatures profiterait surtout à l’opposition, qui elle aussi, part dans cette course en rangs dispersés surtout que le dossier de l’opposant, Ousmane Sounko, concernant sa candidature, n’a pas été encore tranché par la justice.

Ousmane Sonko, l’un des adversaires les plus virulents de Macky Sall, est sous les verrous et son parti les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), a été dissous le 31 juillet par le gouvernement.

La Direction Générale des élections, relevant du ministère de l’Intérieur, a déclaré vendredi attendre la décision judiciaire du procès en appel de l’affaire relative à la radiation de Sonko du fichier électoral pour savoir s’il faut ou pas remettre les fiches de parrainage au mandataire de l’opposant sénégalais, arrivé troisième lors de la présidentielle de 2019, remportée par Macky Sall.

Le directeur général des élections, Tanor Thiendella Fall a tenu à préciser dans un communiqué "qu’il n’y a pas encore de décision définitive, l’État du Sénégal ayant décidé d’exercer les voies de recours qui s’offrent à lui", suite à la décision prise récemment par un tribunal de Ziguinchor (sud) consistant à rejeter la radiation de Sonko du fichier électoral.

A rappeler que Ousmane Sonko, candidat à l’élection présidentielle du 25 février prochain, a été inculpé pour des faits d’appel à l’insurrection, d’association de malfaiteurs, d’atteinte à la sûreté de l’État et de complot contre l’autorité de l’État, le 31 juillet. Il a été déclaré aussi coupable le 1er juin de débauche de mineure et condamné à deux ans de prison ferme. Ayant refusé de se présenter au procès qu’il dénonçait comme un complot pour l’écarter de l’élection, il a été condamné par contumace.

Quant au Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), qui avait créé la surprise en 2019 lorsque son candidat, Issa Sall, avait recueilli 4,07 % des suffrages, il ne dispose que de onze députés et devra sacrifier au rituel des parrainages citoyens s’il décide de présenter à nouveau un candidat.

Dans les rangs de l’opposition, figure aussi Khalifa Sall du mouvement "Taxawu Sénégal", qui s’est lancé dans cette précampagne. L’ancien maire de Dakar (entre 2009 et 2018) , qui a été expulsé de la coalition Yewwi Askan Wi (YWI, libérer le Sénégal en Wolof), a débuté une tournée à travers le pays et lancé une plateforme en ligne pour mobiliser ses sympathisants.

Gracié un an après avoir été écarté du jeu politique suite à sa condamnation à cinq ans de prison ferme pour «escroquerie aux deniers publics» , il n’avait pas pu se présenter au scrutin présidentiel de 2019 ni aux élections locales et législatives de 2022. "Le nouveau code électoral nous laisse l’option de chercher le parrainage des élus ou celui du peuple. Nous allons les rassembler département par département", a déclaré Pape Konaré Diaité, son conseiller en communication.

Parmi la très longue liste des candidats à la magistrature suprême figurent également l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, arrivé en deuxième position lors du scrutin de 2019, ainsi que l’ancienne Première ministre Aminata Touré, Déthié Fall du Parti républicain pour le progrès (PRP), Babacar Diop, maire de Thiès, Malick Gackou du Grand Parti, Mary Teuw Niane, ancien ministre de l’enseignement supérieur lors du premier mandat de Macky Sall, ou Thierno Alassane Sall, ancien ministre de l’énergie.

En vertu de la réforme adoptée à la faveur du Dialogue National, qui s’était tenu en juin dernier, tout candidat devra en effet pour que sa candidature soit entérinée, présenter au moins 44 559 parrainages valides, soit 0,6 PC du corps électoral.

Aux termes de la loi électorale réformée en juillet, les parrainages recueillis par les différents candidats devront être répartis à travers au moins sept régions sur les quatorze que compte le pays, à raison de 2000 parrainages par région au minimum. En cas de doublons de signatures entre plusieurs listes, seule la première liste ayant été enregistrée devant le Conseil Constitutionnel pourra voir celles-ci comptabilisées.

A signaler que l’examen des dossiers de candidature par le Conseil Constitutionnel est prévu entre le 26 décembre 2023 et le 12 janvier 2024.

En janvier 2019, rappelle-t-on, les sept Sages du Conseil Constitutionnel n’avaient retenu que cinq dossiers de candidature remplissant les exigences fixées sur les vingt-sept qui lui avaient été soumis.