Sénégal: le président presse le mouvement sur l'amnistie à 10 jours de l'élection

5437685854_d630fceaff_b-

Une partisane de la coalition des candidats anti-establishment danse lors d'un rassemblement de campagne à Dakar le 10 mars 2024. La campagne pour l'élection présidentielle du 24 mars au Sénégal a commencé, après des semaines d'agitation causée par son report. Elle se déroulera en grande partie pendant le mois de jeûne islamique du Ramadan, dans un pays majoritairement musulman. (Photo JOHN WESSELS / AFP)

1
Partager :

Le président sénégalais Macky Sall a demandé à son gouvernement d'appliquer une récente loi d'amnistie dès qu'elle aura été promulguée, maintenant le pays dans l'expectative nerveuse d'une potentielle sortie de prison pour l'un des principaux candidats à la présidentielle dans dix jours.

La promulgation est attendue de façon imminente. Aucune information officielle n'a été fournie quant au moment où elle interviendrait.

Depuis son adoption la semaine passée, Bassirou Diomaye Faye, candidat antisystème à la présidentielle du 24 mars, et son chef Ousmane Sonko, également détenu, sont présentés comme les principaux bénéficiaires potentiels de la loi.

L'incertitude demeure quant au fait qu'ils entreraient dans le champ d'application de la loi. Mais les informations non confirmées abondent sur une libération qui pourrait influer fortement sur la dynamique de la campagne.

M. Faye est empêché de défendre sa cause en personne auprès des électeurs, une situation sans précédent. La capacité d'entraînement démontrée dans le passé par M. Sonko et sa popularité auprès des jeunes injecteraient un nouveau réactif dans la campagne.

Le président Sall a demandé mercredi au gouvernement "de procéder sans délai à l'application de la loi portant amnistie dès sa promulgation", dit un communiqué du conseil des ministres publié dans la soirée.

M. Sonko, acteur principal d'un bras de fer de deux ans avec le pouvoir et la justice, est emprisonné depuis juillet 2023. Candidat à la présidentielle de 2024, il en a été disqualifié en janvier 2024. Son camp a désigné à sa place et avec son assentiment son second, M. Faye, pourtant détenu depuis avril 2023.

La mise en cause de M. Sonko par la justice, conjuguée aux tensions économiques et sociales et au flou longtemps maintenu par le président Sall sur un troisième mandat, a donné lieu entre 2021 et 2023 à différents épisodes d'émeutes, de pillages et de saccages.

Eligibilité, encore 

Le président Sall a renoncé à se représenter. Mais le report de dernière minute de la présidentielle initialement prévue le 25 février a causé de nouveaux heurts.

Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées depuis 2021 au cours de troubles qui ont fortement ébranlé un pays considéré comme l'un des plus stables d'une Afrique de l'Ouest secouée par les coups de force.

M. Sonko a toujours crié à la machination pour l'écarter de la présidentielle. Son camp et le pouvoir se rejettent la faute des violences.

La présidentielle a finalement été fixée au 24 mars. Le président Sall a initié l'amnistie comme un acte d'apaisement. Elle vise tous les délits ou crimes, jugés ou non, commis entre février 2021 et février 2024 et "se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques".

M. Sonko, héraut de la lutte pour le peuple pour les uns, agitateur incendiaire pour les autres, a fait l'objet en 2023 de deux condamnations: l'une à de la prison avec sursis pour diffamation contre un ministre, l'autre à deux ans de prison ferme pour détournement de mineure.

Il a finalement été arrêté fin juillet 2023 pour d'autres causes, et inculpé pour appel à l'insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l'Etat.

M. Faye, quant à lui, a été inculpé d'outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique, selon un de ses avocats, après un message critique contre la justice dans le dossier Sonko. Contrairement à M. Sonko, il n'a pas été jugé.

L'éligibilité de M. Sonko a toujours été un enjeu majeur. Elle reste sujette à controverse.

Elle est revenue jeudi devant la Cour suprême au cours d'une brève audience passée presque inaperçue, loin du tapage habituel autour du cas Sonko.

La Cour devait examiner un recours de l'Etat contre une ordonnance prise le 14 décembre par un tribunal qui rétablissait l'éligibilité de M. Sonko. L'Etat s'est désisté et le dossier est classé, a dit à l'AFP un avocat de l'Etat, Me Amadou Yeri Ba.

Les incidences concrètes restent indistinctes. L'ordonnance du 14 décembre estimait aussi que la condamnation de M. Sonko à deux ans de prison était "anéantie". Me Amadou Yeri Ba a assuré que le classement par la Cour suprême n'avait pas de conséquence directe sur une libération de M. Sonko. (AFP)