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1er mai mi-figue mi-raisin : Beaucoup de contestation, mais peu d’action

Un premier mai en ordre dispersé
Partout au Maroc, la Fête du Travail a pris des airs de contestation. De Rabat à Casablanca, les principales centrales syndicales ont défilé dans la rue, déterminées à dénoncer ce qu’ils appellent la lenteur des réformes sociales, la flambée des prix et l’érosion continue du pouvoir d’achat. Derrière les banderoles et les discours, un message clair : la patience des travailleurs a des limites.
Une colère sociale en quête de réponses concrètes
À Rabat comme à Casablanca, le temps d’une contestation rituelle, les cortèges syndicaux du 1er mai ont donné le ton : les discours officiels sur l’État social ne suffisent plus. Dans un climat socio-économique tendu, les militants de l’UMT, la CDT, l’UGTM, l’UNTM et l’ODT ont battu le pavé pour scander une série de revendications jugées urgentes, à commencer par l’amélioration du pouvoir d’achat et la revalorisation des salaires et des pensions.
« Les travailleurs ne veulent plus d’annonces. Ils veulent des actes », lançait un orateur devant la foule réunie à Casablanca sous les couleurs de la CDT. Dans les slogans scandés comme sur les banderoles brandies, les revendications sont claires : hausse des salaires, plafonnement des prix, lutte contre la spéculation et contre les inégalités sociales qui ne cessent de se creuser.
Face à l’inflation galopante, les syndicats accusent le gouvernement d’inaction. Les mesures fiscales récemment adoptées, telles que la baisse de l’impôt sur le revenu ou les subventions aux produits de base, sont jugées insuffisantes, mal ciblées, voire inefficaces. « Le gouvernement se félicite d’augmentations symboliques, mais les ménages ne voient pas la différence dans leurs caddies », dénonçait une militante de l’UMT à Rabat.
‘’Des promesses, peu d’engagements tenus’’
Au cœur de la contestation : le dialogue social. Si les syndicats reconnaissent les avancées obtenues – hausse du SMIG et du SMAG, révision de l’impôt sur le revenu, réduction du seuil de cotisations pour la retraite – ils déplorent un manque de régularité, de sérieux et de transparence dans les concertations avec l’exécutif.
La CDT appelle à l’institutionnalisation d’un dialogue social permanent et encadré par une loi, capable de garantir le respect des engagements signés. « Nous ne voulons plus de tables rondes de façade », a affirmé Khalid Alami Houir, secrétaire général adjoint de la centrale, qui a aussi dénoncé les atteintes croissantes à la liberté syndicale et le blocage de nombreux dossiers sectoriels.
De son côté, l’UMT, par la voix de son secrétaire général Miloudi Moukharik, a réclamé l’adoption de politiques sociales fortes et structurantes. Il plaide notamment pour la création d’une véritable institution nationale du dialogue social tripartite, capable d’arbitrer les conflits et d’assurer une meilleure redistribution des fruits de la croissance.
À Casablanca, l’UGTM, par la voix d’Enaam Mayara, a affiché une ligne plus conciliante, soulignant les efforts du gouvernement dans la mise en œuvre des réformes sociales. Mais même dans ses rangs, les voix s’élèvent pour demander davantage de réactivité. « Les effets d’annonces ne tiennent pas lieu de programme social », murmure un syndicaliste inquiet du ralentissement des négociations sur la réforme des retraites.
Une unité fragile mais une contestation qui s’enracine
Si chaque centrale défend ses priorités, la convergence est manifeste. La classe ouvrière est unie dans sa critique de la politique sociale actuelle, mais dispersée dans l’action. Qu’il s’agisse des allocations familiales, de l’accès à l’emploi ou des pensions de retraite, le constat est le même : les travailleurs paient le prix d’un modèle économique qui ne parvient pas à résorber les inégalités.
L’appel à une réforme du régime des retraites, équitable et durable, revient comme un refrain. Les syndicats craignent une solution précipitée qui sacrifierait les droits des générations futures. Ils dénoncent également la lenteur dans le traitement des statuts professionnels, notamment ceux des fonctionnaires territoriaux, enseignants et agents hospitaliers.
Dans les rangs syndicaux, certains craignent que la mobilisation s’essouffle si les résultats tardent à se concrétiser. Que la contestation et le mécontentement se cherchent et trouvent d’autres voies d’expression. Ainsi estiment de nombreux syndicalistes la colère sociale est en train de s’enraciner, et qu’elle pourrait déboucher sur une contestation plus large à l’automne si aucune avancée significative n’est enregistrée d’ici là.
Enfin, la cause palestinienne a aussi été omniprésente dans les rassemblements, preuve que la solidarité internationale reste une composante essentielle du discours syndical. Les syndicats ont rappelé leur soutien au droit du peuple palestinien à un État indépendant avec Al-Qods pour capitale, réaffirmant ainsi la dimension militante et engagée de leur action.