Politique
Emigration marocaine, l’urgent aggiornamento
*Sociologue et activiste associatif, Driss Ajbali est membre du Conseil de la communaut? marocaine ? l??tranger
Dans la trag?die parisienne, on le sait aujourd?hui, l?aide des services marocains a ?t? d?cisive. Alors que tout le monde pensait Abdelhamid Abaaoud en Syrie, une information d?livr?e par nos services aurait donn?, le principal coordinateur de la boucherie parisienne, pr?sent sur le sol fran?ais. Summum du cynisme et de la bestialit?, on apprendra bien apr?s, qu?il s?est m?me permis de revenir sur le lieu du crime pour assister de visu ? son carnage. Pour minime qu?elle soit, l?information marocaine a donc permis d?aider ? le neutraliser, lui et ses acolytes.
Oubli?e donc la pol?mique Belraaj. La demande formul?e par les autorit?s belges pour ??une coop?ration ?troite et pouss?e en mati?re de renseignement et de s?curit頻 avec le Maroc, souligne, si besoin est, ?la performance du renseignement de notre pays. Chapeau bas pour les services de Abdelatif Hammouchi et de Yacine Mansouri.
Pour autant, cela ne devrait pas nous exon?rer de poser un certain nombre de questions que seule la c?cit? d?lib?r?e nous emp?cherait de regarder en face.
Si avec Khaled Kelkal en 1995, Mohamed Merah ? Toulouse, Sid Ahmed Glam ? Villejuif, Mehdi Nemmouche au mus? juif de Bruxelles, Ayoub El Khazzani dans le Thalys, on a eu affaire, hormis pour Kelkal, ? des loups solitaires essentiellement d?origine alg?rienne, le r?seau qui a frapp? le 13 novembre ? l?effrayante singularit? d??tre, ? une ou deux exception ?pr?s, ?globalement belgo et franco marocain.
Dans ce qui appara?t comme un violent r?quisitoire, un ?ditorial du journal Le Monde qualifie la Belgique d???Etat sans nation?? qui, ? terme, risque de devenir ?une nation sans Etat??. L??dito fait le proc?s du laxisme et de l?exc?s de tol?rance de la soci?t? belge face ? la n?buleuse radicale qui a prosp?r? en son sein.
En Belgique, un allochtone, comme ils disent l? bas, c?est ou un Turc ou un Marocain. Force est non seulement de constater mais d?admettre que ce petit pays est devenu une p?pini?re de terroristes. Reste une question?: Pourquoi cela touche les Marocains et presque rarement les Turcs?? Cette question ne peut ne pas interpeler le Maroc.
Personnage central, avec un sourire d?ange qui dissimule une cruaut? impitoyable, Abaaoud a men? son exp?dition ? la t?te d?une horde sauvage, constitu?e ?pour l?essentiel d?amis de son enfance dans les ruelles de ?Molenbeek ? la r?putation d?sormais angoissante.
Certes, le terrorisme n?a pas de nationalit?. Mais force est d?admettre qu?avec Abaaoud, Salah Abdesalem, Brahim Abdesalem, Bilal Hafdi, Mohamed Abrini, mais aussi Hasna Ait Boulhacen, sa cousine et Jawad Bendaoud, sont tous Marocains d?origine. Ils sont le produit de notre ?migration. Ils sont les rat?s de l?int?gration et de l?immigration franco-belge. Ils ont tous tutoy? la voyoucratie, la d?linquance, la drogue et les proc?dures judicaires avant de trouver sens ? leur vie dans le gangstero-terrorisme.
Le fil d?Ariane de la politique marocaine ? l??gard de son ?migration a toujours ?t? de maintenir et de renforcer l?identit? marocaine. La horde barbare franco-belge est l?exact inverse de cette identit?. La responsabilit? des pays d?accueil est engag?e. La n?tre aussi. C?est un ?chec partag?.
L?Etat marocain est l?un des rares pays au monde ? d?ployer une aussi grande batterie de moyens pour encadrer son ?migration. Mais pour quelle efficience??
Au nom du renforcement de l?identit?, le Maroc consent un effort consid?rable dans le domaine de l?enseignement de la langue arabe, depuis plus de 25 ans et ?consacre, surtout depuis 2004, des moyens de plus en plus importants dans le domaine religieux. Ces deux domaines souffrent d?intol?rables incoh?rences et de r?els dysfonctionnements dont la multiplication des intervenants qui, ? d?faut de travailler ensemble cultivent des rivalit?s st?rilisantes, n?est pas le moindre mal.
La trag?die de Paris est d?sormais consign?e de mani?re funeste dans l?histoire de France. Qu?on le veuille ou pas, elle est tout aussi inscrite dans les annales de l??migration marocaine. Ce n?est pas ? la r?flexion qu?elle doit nous pousser. C?est ?au sursaut. Loin de langue de bois pavlovienne, il faut en finir avec les chasses gard?es et proc?der ? une mise ? jour de la politique marocaine ? l??gard de son ?migration. Mohamed VI est le seul ? pouvoir engager cet ?aggiornamento.