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L’article 30 du PLF 2016, le FDR et le devenir des zones de montagne
Mohammed Mohattane : Ancien secr?taire d'?tat aupr?s du ministre de l'Agriculture, il est actuellement ?conomiste ? la Facult? de Droit de l'Universit? Mohamed V de Rabat
Mis de c?t? le d?bat actuel et les controverses suscit?es par la question de l?ordonnancement des 55 milliards de DH affect?s au Fonds de D?veloppement Rural-FDR dans le cadre du projet de loi de finances 2016, l?article 30 de ce PLF a ?galement ?t? l?occasion pour certains analystes et acteurs politiques d?aller au fond des choses quant au r?le et l?impact effectif du FDR sur le monde rural de mani?re g?n?rale et le monde rural d?favoris? et les zones de montagne de fa?on particuli?re. Une occasion que certains ont saisie pour soulever de nouveau la question de la n?cessit? de promulguer une loi sp?cifique aux zones de montagne qui pourrait, plus que le FDR impacter positivement le ??Maroc inutile??.
L?objet de cette analyse est donc de revenir sur la question du d?veloppement des zones de montagne et de la n?cessit? d?une loi d?di?e sp?cialement aux massifs montagnards marocains.
Historiquement, l?espace montagnard a constitu? l?une des originalit?s fondamentales du territoire marocain malgr? le basculement survenu, au cours du XX?me si?cle, des p?les d?activit? vers les plaines atlantiques.
Territorialement, la montagne s?impose sur plus du quart du territoire national que se partagent quatre grands massifs (le Rif, le Moyen Atlas, le Haut Atlas et l?Anti-Atlas) en plus des cha?nes de montagne satellites de l?oriental, du Zerhoun et de Jbilet.
Avec pr?s de 8 millions d?habitants, elle couvre 714 collectivit?s territoriales dont 63 municipalit?s et 651 communes rurales soit, respectivement, 25% et 50% du total au niveau national.
Les populations de montagnes sont d?positaires d?un capital identitaire et culturel pr?cieux unique en son genre, qui a fa?onn? l?identit? nationale et dont l??panouissement est un facteur indispensable de la diversification et de l?enrichissement du patrimoine du Maroc en tant que royaume s?culaire.
Sur le plan ?cologique, la montagne marocaine se distingue par son triple r?le d?obstacle aux influences d?sertiques du sud, de ch?teau d?eau du pays et de r?serve de la biodiversit?, de la for?t (62%) et des parcours (35%). Mais, la pression d?mographique (une densit? moyenne de 40 habitants/km2), conjugu?e ? la pauvret?, conduisent ? une d?gradation acc?l?r?e des ressources naturelles avec les cons?quences qui s?en suivent en mati?re de r?gression du couvert forestier, d??rosion et de rendement hydraulique des bassins versants.
Devenus fragiles ? cause du changement climatique global et la pression non maitris?e des activit?s g?n?ratrices de revenus, les zones de montagne ont tendance ? devenir relativement peu hospitali?res. Ainsi, malgr? les efforts des derni?res d?cennies des politiques publiques (Projets de d?veloppement rural int?gr?, PERG, PNRR, INDH, Plan Maroc Vert, etc.) et comme on le constate de plus en plus de nos jours, une grande partie des montagnards souffrent encore de la mis?re, de la pr?carit? et d?une pauvret? consid?rable qui poussent une partie d?entre eux ? l?exode int?rieur ou ? l??tranger. Chaque ann?e, les vagues de froid hivernal, de triste m?moire, montrent ? quel point des populations dans les r?gions de montagne sont vuln?rables et d?munies. Presque maintenues en marge de toute modernisation et occup?es ? des activit?s ? tr?s faible valeur ajout?e, les Marocains des cimes connaissent des retards de d?veloppement qu?ils peuvent de moins en moins supporter. N?ayant pas b?n?fici? ?quitablement des efforts d?investissement public ? la mesure des difficult?s et contraintes, ils pr?sentent actuellement des indices ?conomiques et sociaux tr?s inqui?tants. La faible productivit? de leurs activit?s et la pression d?mographique poussent ces populations ? exercer, dans certains cas, une pression importante sur les ressources naturelles, souvent au d?triment de la pr?servation de la biodiversit? et du d?veloppement durable et ?quilibr?s des ?cosyst?mes.
Il est ? noter toutefois l??mergence d?initiatives innovantes dans les zones de montagne sur des niches et fili?res ?conomiquement porteuses dans le domaine agricole, touristique et artisanal (pommes fruit, pommes de terre, valorisation des produits de terroirs, etc.), de l?artisanat local ou de certains projets touristiques g?r?s par les jeunes montagnards et les communaut?s en valorisant leurs cultures et savoir-faire.
Dans le cadre de l?ann?e internationale de la montagne (2002), les pouvoirs publics ont engag? un travail d??tude et de concertation interminist?rielle en vue d?aboutir ? l??tablissement, par les diff?rents acteurs concern?s, d?un diagnostic commun et d?identifier ensuite les mesures ? prendre au profit des zones de montagne. Les nombreuses propositions et recommandations qui ont ainsi ?t? formul?es, devaient aboutir ? l??laboration d?une Loi Montagne susceptible de compenser les handicaps sp?cifiques que subissent les populations de montagne, comme cela a ?t? fait dans diff?rents pays comme la France, la Suisse ou l?Italie.
Le d?bat qui est amorc? ? partir des ann?es 2000 sur la n?cessit? ou non de promulguer une Loi Montagne a donn? lieu ? des positions contrast?es. Ainsi, de l?avis de certains experts et sp?cialistes, une Loi Montagne au Maroc ne peut cr?er, ? elle seule, les conditions d?un d?veloppement int?gr? d?un espace qui recueille la moiti? la plus pauvre de la population rurale nationale. Au mieux, elle doit constituer un outil au service d?une politique de d?veloppement int?gr?. Or, une politique sp?cifique pour la montagne et ses habitants ne peut se concevoir que sous forme d?adaptations et de renforcement des diff?rentes politiques sectorielles aux besoins particuliers des espaces et des populations de montagne. En l?absence de politiques de d?veloppement et d?am?nagement rural clairement exprim?es, int?gr?es, inclusives et convergentes, la question se pose des modalit?s d??laboration d?une v?ritable politique de la montagne et d?un corpus l?gislatif sp?cifique.
L??mergence d?une politique sp?cifique, ? travers une Loi montagne a exprim?, en particulier, la n?cessit? de compenser les surco?ts de production dans les zones de montagne pour y maintenir une population qui, autrement, serait condamn?e ? abandonner les activit?s de production, faute de comp?titivit? et ? d?serter la montagne, occasionnant ainsi au pays des pertes nettement plus co?teuses en termes ?conomiques, politiques, sociaux et ?cologiques.
C?est pourquoi, les moyens ? mettre en ?uvre sont certes d?abord d?ordre financier et fiscal. Leur insertion dans un cadre institutionnel sp?cifique exprime, quant ? elle, les exigences d?un mode d?administration d?centralis? et d?un am?nagement concert? des territoires. Une ardente obligation ? laquelle peut et doit r?pondre les choix strat?giques du Maroc d?aujourd?hui qui s?est engag? sur la voie d?une r?gionalisation avanc?e. Le d?coupage administratif des 12 R?gions montre que ces R?gions en gestation ont de vastes territoires montagnards ? g?rer, ce qui constitue en soi un grand pari et d?fi pour le d?collage ?conomique et social de ces R?gions.