La Cour des comptes publie son rapport 2023-24 et soumet 16 dossiers au parquet

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En matière de discipline relative au budget et aux finances publiques, les juridictions financières ont rendu 86 décisions et jugements, totalisant des amendes pour un montant de 5 056 500,00 dirhams, avec l’obligation de restituer un montant de 9 148 973,42 dirhams. 16 dossiers relatifs à des actes susceptibles d'entraîner une sanction pénale transmis au procureur général près la Cour de cassation – président du Ministère public

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Au cours de l'année 2023 et jusqu'à la fin du mois de septembre 2024, les juridictions financières ont rendu un total de 3 951 décisions et jugements définitifs dans le domaine de l’audit et de l'examen des comptes.

Le Conseil supérieur des comptes, dans son rapport annuel 2023-2024, a précisé que 3 190 de ces décisions et jugements concernaient la déclaration de l'exonération de responsabilité, tandis que 761 décisions et jugements ont été rendus dans le cadre de déclarations de déficits dans les comptes présentés, pour un montant global de 54 852 299,17 dirhams.

Le rapport précise également que les juridictions financières ont enregistré le recouvrement par les entités concernées d'un montant total de 28 179 276,08 dirhams suite à l’émission de notes de commentaires ou de décisions préliminaires relatives aux comptes en question, et ce, avant la publication des décisions finales concernant ces comptes.

Les infractions qui ont fait l’objet de jugements et de décisions sur les déficits, dans le domaine de l’audit et de l’examen des comptes, concernaient principalement des cas de non-prise de mesures appropriées dans le domaine du recouvrement des recettes (89 %), ou l’absence de vérification de la validité des comptes de liquidation dans le domaine des dépenses (11 %).

Le rapport indique que les modifications successives du système de responsabilité personnelle et financière des comptables publics, en vertu des lois de finances de 2005 et 2008, qui ont limité la portée du contrôle du juge des comptes, constituent l’un des principaux facteurs ayant contribué à l’augmentation du nombre de décisions et de jugements exonérant les responsables.

Cette tendance est également attribuée à l'impact positif des systèmes informatiques adoptés dans le domaine de l’exécution des dépenses, ainsi qu'à l'interaction des comptables avec les remarques et décisions rendues par les juridictions financières à cet égard.

Ces développements, précise le rapport, appellent à une révision du système de responsabilité en vigueur et de la procédure d'audit, d'enquête et d'examen des comptes, notamment en raison de sa durée et de son coût par rapport aux résultats obtenus, notamment en ce qui concerne le contrôle de la validité des dépenses.

En matière de discipline relative au budget et aux finances publiques, le rapport du Conseil supérieur des comptes souligne que les juridictions financières ont rendu, au cours de la période précitée, 86 décisions et jugements, totalisant des amendes pour un montant de 5 056 500,00 dirhams, avec l’obligation de restituer un montant de 9 148 973,42 dirhams. Le procureur général auprès du Conseil supérieur des comptes a également transmis au procureur général près la Cour de cassation – Président du Ministère public – 16 dossiers relatifs à des actes susceptibles d'entraîner une sanction pénale.

Concernant la source de ces affaires, comme depuis l’entrée en vigueur du code des juridictions financières en 2003, 92 % des affaires portées devant le Conseil proviennent, selon le rapport, des organes délibérants du Conseil.

Au niveau des chambres régionales des comptes, les demandes de poursuites émanant de sources externes ont représenté 21 % du total des demandes de poursuites, la majorité de ces demandes provenant du ministère de l'Intérieur. En revanche, les demandes provenant des organes délibérants du Conseil ont constitué 79 % de l'ensemble de ces demandes.

Quant à la nature des entités concernées par les dossiers en cours, le Conseil supérieur des comptes a indiqué que les établissements publics représentaient 75 % des entités visées par les affaires soumises au Conseil, tandis que les établissements d'État représentaient 25 %. Les catégories des personnes poursuivies se répartissaient entre les ordonnateurs et les ordonnateurs assistants (52 %), les niveaux fonctionnels exécutifs (20 %) et les fonctionnaires et agents (28 %).

Au niveau des chambres régionales des comptes, les affaires concernaient 110 entités, dont 93 % étaient des collectivités locales. Dans ces affaires, 253 personnes ont été poursuivies, réparties comme suit : 122 présidents de conseils actuels ou anciens de collectivités territoriales ou d’établissements publics locaux (48 %), 62 fonctionnaires et techniciens (24 %), et les 28 % restants concernaient des conseillers ou fonctionnaires locaux.

Le rapport du Conseil supérieur des comptes a précisé que plusieurs entités concernées, avant même d’entamer les procédures légales susceptibles d'engager la responsabilité des gestionnaires publics et qui pourraient s’avérer coûteuses, ont pris des mesures correctives ayant eu un impact financier positif (estimé à 139 millions de dirhams), ainsi que d'autres impacts d'ordre managérial, environnemental ou social.

Le rapport souligne qu'il prend en compte, lors de l'élaboration des demandes de poursuites en matière disciplinaire relatives au budget et aux finances publiques, la politique de suivi en place, en coordination avec le ministère public près les juridictions financières, en équilibrant le coût de la procédure avec les enjeux financiers des faits découverts, ainsi qu’en évaluant l'efficacité de la procédure pour corriger les anomalies constatées par rapport aux autres moyens légaux à disposition, notamment les recommandations, les notes urgentes, les messages aux responsables des entités concernées ou l’introduction de poursuites disciplinaires.

Enfin, une partie du rapport annuel 2023-2024 a été consacrée à la présentation des règles tirées des jugements et décisions rendus par les juridictions financières, que le Conseil souhaite utiliser pour clarifier les dispositions légales appliquées à diverses opérations liées à la gestion publique, et mettre en évidence les infractions susceptibles d'engager la responsabilité des gestionnaires publics, dans le but de sensibiliser aux actes enfreignant les principes de bonne gestion des services publics.

Par ailleurs, la Cour des comptes a procédé à l’évaluation de plusieurs secteurs et questions à l’ordre du jour émettant à leur sujet plusieurs recommandations. Il s’agit essentiellement de la Commission nationale des changements climatiques, des Collectivités territoriales, du développement territorial et gestion des services publics locaux, de la Régionalisation avancée, la généralisation de la protection sociale, chantier de l’investissement, de la Réforme des EEP et de la Réforme fiscale. En voici les principaux passages :

Placer la Commission nationale des changements climatiques sous la tutelle du Chef du gouvernement

La Cour des comptes a recommandé de placer la Commission nationale des changements climatiques et de la diversité biologique, directement sous la tutelle du Chef du gouvernement, eu égard à son caractère stratégique.

Dans son rapport annuel 2023-2024, la Cour préconise aussi de mettre en place des modalités de coordination, et de responsabilisation des parties prenantes clés, et d’actualiser les stratégies et les plans nationaux d’atténuation et d’adaptation en définissant, notamment, des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables et temporels ainsi que des modalités de suivi et d’évaluation de leur mise en œuvre.

Le rapport recommande également de mettre en place des plans d’adaptation territoriaux spécifiques à chaque territoire avec des objectifs clairement définis ainsi que les moyens mis à leur disposition pour les atteindre et les modalités de suivi et d’évaluation de leur mise en œuvre, en plus d’instaurer un système intégré de suivi et d’évaluation des actions d’atténuation et d’adaptation, en veillant à l’interconnexion des sources de données des principales parties prenantes, ainsi qu’à la définition de leurs responsabilités dans le processus de collecte des données.

De même, la Cour préconise de mettre en place des mécanismes permettant une meilleure identification, estimation des besoins et suivi des investissements climatiques, et de renforcer le rôle du secteur privé dans le financement climatique par la mise en place d’incitations adéquates, et l’amélioration du cadre du partenariat public-privé.

Pour ce qui est des actions nationales pour faire face au changement climatique, en dépit des efforts déployés, les initiatives et les mesures prises par le ministère chargé du développement durable, dans le cadre des stratégies et plans liés au changement climatique, se heurtent à de multiples difficultés, explique le rapport.

Ces dernières, souligne-t-on, affectent la mise en œuvre des actions climatiques prévues et ainsi l’atteinte des objectifs fixés en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et du renforcement des capacités du pays à s’adapter aux effets du changement climatique. À titre d’exemple, la part des énergies renouvelables n’a représenté que 9% de la consommation énergétique intérieure brute en 2022 et 22% de la production d’électricité en 2023.

Dans le même contexte, la mission de contrôle sur l’agriculture face aux changements climatiques a révélé qu’en dépit des efforts déployés au cours des dernières décennies, leur impact reste insuffisant en raison de la coordination et de la synergie limitées entre les stratégies agricoles et les orientations stratégiques liées aux changements climatiques. Cela s’applique aux mesures prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole, où le volume d’émissions enregistré en 2018 (20.729 gigagrammes) est équivalent au volume d’émissions prévu en 2020 (20.921 gigagrammes) selon le scénario de référence.

Dans ce cadre, la Cour recommande de veiller à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans d’action thématiques et des plans agricoles régionaux prévus par la stratégie "Génération Green", tout en procédant aux ajustements nécessaires afin d’assurer leur convergence et leur synergie avec les stratégies nationales relatives aux changements climatiques, et d’adopter, au niveau du secteur agricole, une approche systémique permettant la cohérence et la complémentarité entre les objectifs du développement durable et les mesures d’atténuation des GES et d’adaptation aux effets des changements climatiques.

Il s’agit aussi d’accélérer la réalisation des projets d’irrigation par les eaux non conventionnelles, grâce notamment au dessalement de l’eau de mer, et encourager davantage l’utilisation des énergies renouvelables dans le domaine de l’irrigation, tout en veillant à un contrôle de proximité de l’usage de l’eau d’irrigation afin d’assurer sa rationalisation.

La priorité à l’approvisionnement de la population en eau potable

Au niveau du développement territorial et gestion des services publics locaux, la Cour relève, dans le cadre de la mission du contrôle sur l’approvisionnement en eau potable, que les ressources hydriques mobilisées restent insuffisantes pour répondre aux besoins nationaux. En effet, plus de 50% des ressources en eau de surface sont concentrées dans les deux bassins qui couvrent 7% de la superficie du Royaume. De plus, il est prévu que les besoins nationaux en eau augmentent de 44% à l’horizon 2050.

Par ailleurs, les réseaux d’adduction et de distribution connaissent d’importantes pertes d’eau, estimées à 653 millions de m3 par an, dont 320 millions de m3 de l’eau potable. Le rapport souligne que l’élaboration de plusieurs conventions de partenariat soulève des lacunes tenant surtout au manque de convergence. S’y ajoutent le retard dans la réalisation des projets de raccordement des bassins versants, les travaux de construction de six barrages, ainsi que des difficultés dans l’exécution de 78 projets portant sur la production et la distribution de l’eau potable, dont le coût global s’élève à 3,9 MMDH.

Ainsi, la Cour recommande de veiller à donner la priorité à l’approvisionnement de la population en eau potable, et d’accélérer la cadence d’exécution des projets programmés dans ce sens, en particulier les grands projets structurants, tout en assurant la cohérence et la convergence des interventions des différents acteurs, et en activant les mécanismes d’évaluation et de suivi des projets. La Cour préconise également de réaliser des contrôles réguliers sur les réseaux de distribution de l’eau potable, et d’entreprendre les mesures nécessaires pour en améliorer le rendement, et ce en surveillant, de manière proactive, les fuites d’eau et les branchements illégaux auxdits réseaux.

En outre, la Cour préconise la promotion de la recherche scientifique et technologique dans le domaine de l’eau, à travers l’établissement de partenariats entre les différents départements gouvernementaux concernés d’une part, et les universités et les écoles supérieures d’autre part. Ces partenariats pourront cibler notamment le développement des techniques utilisées pour réduire le coût de production de l’eau non-conventionnelle, en particulier le dessalement, tout en tenant compte de la dimension environnementale.

La gestion du parc de véhicules et d’engins des collectivités territoriales remise en cause

Le parc de véhicules et d’engins des collectivités territoriales et de leurs groupements, dont les dépenses de fonctionnement se sont établies durant la période 2016-2022 à 6,2 MMDH, la Cour a relevé que sa gestion n’est pas encadrée par un dispositif juridique complet, et souffre d’un manque de coordination et de convergence de visions entre les différents intervenants quant aux moyens à même d’instaurer une approche intégrée et globale.

Les pratiques actuelles de la gestion de ce parc révèlent, selon la Cour, un manque d’efficacité et entravent son utilisation optimale pour l’exercice des attributions essentielles des collectivités territoriales. Ainsi, les acquisitions effectuées entre 2016 et 2023 ont concerné à hauteur 77% des véhicules légers classés CI (conduite intérieure) et des véhicules utilitaires de moins de 3,5 tonnes.

La Cour en déduit qu’il faudrait de mettre en place un cadre juridique, institutionnel et organisationnel clair, intégré et actualisé, qui régit la gestion du parc de véhicules et d’engins des collectivités territoriales. Elle a également préconisé d’adopter une politique d’acquisition claire, en se basant sur des critères rigoureux permettant une identification rationnelle des besoins en véhicules et en engins, en fonction des priorités liées à l’exercice des compétences et à la continuité des services publics, tout en veillant à rationaliser l’exploitation des composantes du parc.

Collectivités territoriales : textes juridiques dépassés

Pour ce qui est des prestations d’études techniques au niveau des collectivités territoriales, la Cour relève qu’un ensemble de textes juridiques encadrant ces prestations n’ont pas été mis à jour pour s’adapter aux évolutions continues de ce secteur. Elle enregistre également une concentration des commandes publiques y afférentes sur un nombre limité de bureaux d’études, En effet, 7% des bureaux d’études ayant obtenu des marchés publics relatifs à ces prestations, y compris les groupements, ont remporté 34% du nombre total de ces marchés, et 33% de leur montant. Concernant les bons de commande, 2% des bureaux d’études ont bénéficié de 24% du nombre total de ces prestations et de 24% de leur montant total.

De plus, la Cour note des déficiences dans la définition des besoins et dans l’exécution et le suivi des études, ce qui affecte la qualité de leurs résultats. Il a été, également, constaté une disparité entre les régions quant au taux des projets, réalisés ou en cours de réalisation, issus des études techniques. Ce taux varie, au niveau de huit (8) régions, entre 20% et 92%. En outre, des études, d’un montant dépassant 103,8 MDH ont été réalisées sans qu’aucun projet d’équipement n’en découle.

En conséquence, la Cour recommande de mettre à jour les textes législatifs relatifs aux prestations d’études techniques, et de renforcer les capacités professionnelles des ressources humaines des collectivités territoriales pour une gestion efficace des différentes étapes de l’exécution des commandes publiques relatives aux études. De plus, elle préconise l’instauration de mécanismes de coordination efficaces et efficients entre les différents intervenants afin de concrétiser les études techniques réalisées en projets d’équipement.

La cour pointe l’encadrement juridique des fourrières communales

Concernant la gestion des fourrières communales dans la région Casablanca-Settat, la Cour relève que ces services nécessitent davantage d’encadrement juridique et de modernisation des modes de leur gestion. Ainsi, 97% des fourrières ne disposent pas d’arrêtés de leur création et 76% sont de simples terrains non aménagés. De plus, 50% de la flotte des véhicules d’enlèvement et de remorquage dépassent 20 ans, ce qui pourrait compromettre la continuité de ce service.

Ainsi, la Cour recommande de mettre en place un cadre juridique qui régit ce genre de prestations, explicitant et précisant la relation entre l’ensemble des intervenants concernés, et de développer un système d’information de gestion des fourrières et des services offerts aux usagers susceptible d’être généralisé à l’ensemble des collectivités territoriales.

La Cour préconise également de fixer des règles et des critères pratiques pour la création des fourrières eu égard aux exigences requises pour offrir des services de qualité aux usagers, et de réguler l’activité d’enlèvement et de remorquage des véhicules mis en fourrière via l’adoption d’un cadre contractuel régissant la relation entre les communes concernées et les professionnels chargés de cette activité. De même, elle recommande d’adopter le mode du guichet unique pour faciliter les opérations de retrait des objets mis en fourrière par leurs propriétaires, et d’accélérer les procédures d’assurance des fourrières contre les risques et incidents.

Les communes de la région de Rabat-Salé-Kénitra : un notable faible d’exécution des jugements et arrêts définitifs

La gestion du contentieux par les communes de la région de Rabat-Salé-Kénitra laisse à désirer, le nombre total de jugements et d’arrêts définitifs émis à l’encontre de ces communes durant la période 2017-2022 s’élève à 437, pour un montant total avoisinant 635 MDH.

A ce titre, la Cour a enregistré le faible taux d’exécution des jugements et arrêts définitifs prononcés à l’encontre des communes, ce qui a entraîné un cumul important. En effet, 179 jugements et arrêts définitifs d’un montant de 560 MDH n’ont pas été exécutés.

Les lacunes enregistrées sont dues principalement à l’insuffisance des crédits alloués à l’exécution des jugements et arrêts définitifs, ajoute le rapport, précisant que ces crédits n’ont pas dépassé 25% du montant global. A ceci s’ajoutent les insuffisances liées aux ressources humaines communales chargées de la gestion du contentieux, au laxisme constaté dans la défense des droits et intérêts des communes, en plus de la non adoption d’une approche proactive et préventive dans la gestion des litiges.

Pour pallier ce sérieux problème préjudiciable aux justiciables, la Cour recommande de mettre en place une stratégie de gestion du contentieux des collectivités territoriales, reposant sur trois piliers, à savoir la prévention du contentieux, le recours aux solutions alternatives pour régler les différends, ainsi que la gestion efficace du contentieux en cas de survenance. Elle a incité également les communes à prendre les mesures nécessaires pour défendre leurs intérêts et à recourir aux services et au conseil de l’agent judiciaire des collectivités territoriales.

En outre, la Cour recommande de suivre l’exécution des jugements et des arrêts définitifs et d’éviter leur accumulation, et de renforcer les capacités professionnelles des ressources humaines chargées de la gestion du contentieux.

Régionalisation avancée: Un transfert des compétences insuffisant

Le rythme de transfert et de délégation des compétences prioritaires liées à l’investissement au profit des services déconcentrés reste insuffisant, n’atteignant que 38% en octobre 2024, soit 19 délégations parmi 50, indique la Cour des comptes dans son rapport annuel 2023-2024.

De plus, le taux de réalisation de la feuille de route relative à la charte de déconcentration administrative n’a pas dépassé 36% à la même date, contre 32% en octobre 2023, précise la Cour des comptes dans son rapport.

Et pour relever la cadence de ce chantier structurant, la Cour a recommandé d’accélérer la mise en œuvre des actions programmées dans la feuille de route pour l’exécution de la Charte nationale de la déconcentration administrative, d’en évaluer les résultats et d’assurer les conditions et les moyens nécessaires pour garantir la régularité des travaux de la Commission interministérielle de la déconcentration administrative.

Elle a également recommandé d’accélérer l’adoption des cinq décrets définissant les attributions et l’organisation des représentations administratives communes et sectorielles au niveau régional, approuvés par la Commission interministérielle de la déconcentration administrative, et ce afin d’assurer l’unité de l’action des services déconcentrés de l’État et de garantir une meilleure coordination entre eux.

La Cour a recommandé, en outre, d’accompagner et de soutenir les régions dans la mise en œuvre des plans de développement régionaux approuvés, tout en tenant compte de leurs capacités de gestion et des ressources financières disponibles.

Elle a, enfin, recommandé de veiller à une identification précise des projets prioritaires à réaliser dans le cadre des contrats État-Région, en intégrant des mécanismes appropriés pour garantir leur succès, notamment en précisant les formalités et conditions de leur conclusion et exécution.

En dépit des avancées notables, la généralisation de la protection sociale se heurte à plusieurs défis 

La généralisation de la protection sociale connait des avancées notables dans la mise en œuvre de ce chantier, la Cour notant que les autorités publiques se sont focalisées sur l’instauration des outils d’implémentation et le renforcement de l’arsenal juridique. Ce dispositif a couvert le système de la protection sociale, de manière générale, et la généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base et de l’aide sociale directe en particulier. L’élargissement de la base des adhérents aux régimes de retraite et la généralisation de l’indemnité pour perte d’emploi se trouvent actuellement en phase d’encadrement juridique.

S’agissant de l’assurance maladie obligatoire, le taux de couverture a atteint 54% des 22 millions de bénéficiaires ciblés, alors que 4,18 millions de ménages ont bénéficié des aides sociales directes, pour un coût estimé à environ 18,54 MMDH.

Néanmoins, en dépit des avancées notables enregistrées, la réforme de la protection sociale connaît, selon le rapport, certains défis liés, particulièrement, au développement du système de ciblage, à la maîtrise des effectifs des catégories prises en charge par l’Etat, à la diversification des sources de financement en vue d’alléger la pression sur le budget de l’Etat, au développement et à la mise à niveau des établissements de soins publics et à la lutte contre la vulnérabilité à travers la substitution de l’aide par le revenu.

Compte tenu de ces défis, la Cour des comptes a recommandé, l’activation et l’achèvement de la mise en place des structures des instances intervenant dans la gestion du système de protection sociale, la mobilisation et la diversification de sources de financement durables, le développement et la mise à niveau des établissements de soins publics, le suivi de l’impact de l’aide sociale directe sur les catégories sociales bénéficiaires et la coordination entre la politique de la protection sociale et les autres politiques publiques de portée économique et sociale.

Des risques susceptibles d’entraver le chantier de l’investissement

Pour le chantier de l’investissement, le rapport de la Cour des comptes note que 74% des initiatives prévues dans la feuille de route stratégique ont été lancées, avec un taux d’exécution global de 31% pour ces initiatives.

Le suivi de l’état d’avancement du chantier de l’investissement a révélé, également, des risques pouvant entraver la réalisation de ses objectifs, notamment la non adoption de la stratégie nationale de l’investissement ainsi que du pacte pour l’investissement qui permettrait d’officialiser les engagements des différentes parties prenantes.

Pour dépasser les risques et améliorer sa cadence, la Cour des comptes a recommandé d’améliorer le cadre stratégique de la réforme en accélérant l’adoption d’une stratégie nationale de l’investissement et en formalisant le pacte national de l’investissement, afin d’officialiser les engagements respectifs des secteurs privé et bancaire; et d’accélérer la mise en place de l’observatoire national de l’investissement pour mieux piloter et suivre les réalisations des objectifs stratégiques, notamment aux niveaux territorial et sectoriel.

Le rapport a également recommandé de compléter les dispositifs de soutien à l’investissement par l’adoption des textes réglementaires se rapportant au dispositif spécifique aux très petites, petites et moyennes entreprises, afin de garantir une mise en œuvre cohérente et inclusive de la réforme, et d’accélérer le rythme de déploiement de la feuille de route stratégique relative à l’amélioration du climat des affaires, notamment en ce qui concerne la mobilisation du foncier destiné à l’investissement, en renforçant l’implication de tous les acteurs concernés.

Réforme de EEP : la Cour réitére, en vue ses recommandations de 2022-2023

Par ailleurs, le rapport a relevé que la mise en œuvre du chantier de la réforme du secteur des Etablissements et entreprises publics (EEP) a connu des progrès significatifs. En effet, une avancée importante a été réalisée dans le processus de liquidation de 19 EEP, représentant 23% du portefeuille en cours de liquidation à la fin de l’année 2023.

De plus, huit textes législatifs et réglementaires, sur les 19 prévus par la loi-cadre n°50.21 relative à la réforme des EEP, ont été publiés, précise le rapport.

Néanmoins, la mise en place de certaines actions critiques conditionne le rythme d’avancement de la réforme dans sa globalité. Dans ce sens, la Cour a réitéré, en vue d’accélérer leur mise en œuvre, les recommandations émises dans son rapport annuel de 2022-2023, portant, notamment, sur le démarrage du transfert au profit de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’Etat (ANGSPE) de la propriété des participations que l’Etat détient dans les EEP à caractère marchand et l’accélération de la mise en œuvre de la restructuration du portefeuille de ces EEP.

En outre, le rapport a recommandé d’accélérer le déploiement de la feuille de route de la politique actionnariale de l’Etat et d’activer la mise en œuvre des opérations de restructuration des EEP non marchands. Il a recommandé, également, d’achever les opérations de liquidation des EEP, en priorisant ceux qui comportent des enjeux d’actifs et de passifs pour l’Etat ; et de parachever la préparation et la publication des textes législatifs et réglementaires prévus par la réforme.

La Cour a recommandé, enfin, d’activer la transformation des établissements publics relevant de l’ANGSPE en sociétés anonymes, en concertation avec les ministères de tutelle à qui incombe la préparation des textes juridiques ; et d’achever les travaux d’identification et de structuration financière du portefeuille des projets d’infrastructures des EEP, qui seront appuyés par le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, en priorisant les secteurs stratégiques.

Idem pour la réforme fiscale

La réforme fiscale, le rapport indique que durant la première moitié du délai de mise en œuvre de la loi-cadre n°69.19, les principales mesures apportées, par les lois de finances (LF) de 2023 et de 2024, ont concerné respectivement, de manière principale, l’impôt sur les sociétés (IS) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Concernant les mesures prévues dans le PLF 2025, elles portent essentiellement sur l’impôt sur le revenu (IR). Néanmoins, à l’approche du terme du délai fixé par la loi- cadre, précitée, d’autres mesures prioritaires ne sont pas encore mises en œuvre. Il s’agit particulièrement de la révision des bases relatives à la fiscalité territoriale, et ce après les amendements apportés par la loi n°07.20 modifiant et complétant la loi n°47.06 relative à la fiscalité des collectivités locales.

Ainsi, tout en notant la poursuite de la mise en œuvre de la loi-cadre, susvisée, la Cour des comptes réitère ses recommandations émises dans son rapport annuel 2022-2023 portant sur l’activation de la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité des collectivités territoriales et de la parafiscalité conformément aux objectifs fixés par la loi-cadre, et sur l’évaluation régulière de l’impact socio-économique des avantages fiscaux octroyés afin d’orienter les décisions quant à leur maintien, leur révision ou leur suppression, selon le cas.

En outre, la Cour a recommandé de réaliser une évaluation des mesures entreprises dans le cadre de la réforme relative à la TVA et à l’IS et de communiquer au sujet de cette évaluation et des effets attendus de la réforme proposée en matière de l’IR.

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