Au risque de croiser le coronavirus, ces photographes qui ont pourchassé souffrance et espoir

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"Nous travaillions dans un domaine où nous ne savions pas grand-chose, les informations sur le virus et la manière de sa propagation étaient peu disponibles et incertaines ‘’ (Ahmed Jorfi)

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Par Nezha BOULENDA (MAP avec Quid)

Casablanca - Ils étaient en première ligne face au Coronavirus et ils ont passé des moments difficiles dans l'exercice de leur devoir professionnel. Ils ne sont pas des cadres du secteur médical ou paramédical, ni des membres des forces publiques et de la Protection civile, ce sont les reporters photographes qui ont assuré le suivi de la pandémie depuis l'annonce du premier cas d'infection, devenant ainsi l'œil du citoyen pour couvrir les événements.

La passion qu'ils nourrissent pour leur métier et l'amour qu'ils ressentent à prendre le risque en permanence pour fixer un évènement étaient leur motivation à être constamment présents sur le terrain, dans l’espoir d’un scoop bien sûr, mais aussi pour le besoin d’informer les citoyens sur un virus mystérieux et faire face à un ennemi inconnu qui guette sa proie.

"Nous travaillions dans un domaine où nous ne savions pas grand-chose, les informations sur le virus et la manière de sa propagation étaient peu disponibles et incertaines, pourtant la nécessité d'accomplir le devoir professionnel était beaucoup plus forte", se rappelle Ahmed Jorfi.

Photographe des quotidiens "Assabah" et l'"Economiste," sa " détermination était grande" dit-il, et " notre peur pour notre sécurité et la santé des membres de notre famille était jugulé le devoir envers les lecteurs et l’envie d’être au cœur de l’évènement, fournir l’image que "tout le monde attend et qui rendait compte sans mots des angoisses devant un ennemi encore inconnu".

Diabétique, il se savait déjà plus exposé que d’autres, mais se devait d’y aller comme d’autres couvrir les guerres en prenant les précautions nécessaires, mais sans jamais hésiter.

« Accompagner les forces de l'ordre et les représentants des pouvoirs publics dans les tournées des quartiers de Casablanca, qui continuent d'enregistrer le nombre le plus élevé d'infections, la visite des hôpitaux qui accueillent les patients était une source d'appréhension pour ceux qui nous entouraient », poursuit Ahmed Jorfi. Raison de plus pour faire preuve de plus d'engagement envers les mesures prises par les autorités dans le cadre de la prévention contre le virus. Le retour à la maison n’est jamais simple. Tout un protocole quotidien à suivre. Désinfection des chaussures, changement de vêtements, bain, et une prière, les doigts croisés, ^pour que le mal ne soit pas déjà fait, avant d’entrer en contact les membres de la famille.

Il s'agit d'une équation difficile qui impose à la fois l'accomplissement du devoir professionnel et la protection des membres de la famille et des proches, a-t-il estimé.

Autre journal, autre photographe.  "Al-Ahdath Al Maghribia" et Mohamed Adlani. Dès l'annonce du premier cas du Covid-19 au Maroc, il s’est rendu, la peur au ventre, à l'hôpital Moulay Youssef pour couvrir l'événement. Depuis, c’est le déplacement au gré des informations, la même intensité quotidienne sur le terrain avec les risques que cela suppose à une époque où le port du masque n'était pas encore obligatoire,  le cœur battant mais la main sûre  pour prendre dit-il «la photo équivaut à mille mots». E'essayer d'immortaliser une scène amplifie les risques encourus, car "nous devions parfois aborder des cas dont nous ne savions pas s'ils étaient réellement infectés ou non".

S'approcher des groupes de personnes sans respect des mesures de distanciation pour mettre en exergue des cas de violation des mesures de précaution par certains individus, la présence en permanence dans les hôpitaux où nous avions constaté de visu des cas de décès dus au virus est "un grand choc psychologique pour les photographes. Surtout quand on se croit touché, comme ce fut le cas d’un confrère qui a passé trois jours de fièvre avant que les analyses confirment qu'il n'était pas contaminé.

Sept jours sur sept, Hicham Sadik, photographe du groupe "le Matin", était sur le terrain surtout au-début quand les évènements se bousculaient sur le coup des informations avérées et des fakenews.

"Malgré les précautions prises, le travail sur le terrain constitue un danger pour ma famille, pour mes amis, pour moi ", mais il savait que le métier de reporter photographe n’est pas toujours un long fleuve tranquille.

Outre les risques sur le terrain, le travail est une autre paire de manches pour le journaliste photographe de la MAP soumis aux contraintes du journalisme agencier rythmé par l’instantanéité de la production de l’information. Rapidité dans la livraison la photo pour illustrer les articles à diffuser pratiquement en temps réel, recul par rapport à l’évènement lqui ne permet le scoop au prix de l’erreur potentielle, réponse en flux tendu à la forte demande de la photo par les abonnés de l'agence, autant d’ingrédients à ajouter à la peur du coronavirus.

Cette pression supplémentaire, Boujemaa Zidi, photographe de la MAP au pôle régional de Casablanca-Settat, l’a supporté sans jamais se départir de sa gentillesse envers ses collègues qu'il essaie de soulager pour alléger les contraintes auxquelles ils sont confrontés.

"La période du confinement marquera à tout jamais ma carrière professionnelle", affirme Boujemaa Zidi. Au moment où nombre de ses collègues, notamment dans le rédactionnel, travaillaient à distance, il était obligé de se présenter au bureau pour assurer les reportages programmés et accompagner par l’image cheque jour que Dieu fait les impacts de la pandémie sur les plans économique, social et psychologique.

« Nous avons vécu souvent des moments difficiles », le contact direct avec des personnels de l'hôpital, le fait d'être présent dans des établissements de soins pendant des heures et la prise de photos des premiers cas de patients guéris de la maladie figuraient parmi "les risques auxquels nous étions exposés, mais l'obsession d’inscrire une photo au palmarès professionnel est une incitation de déployer davantage d'efforts, sacrifier son temps, exposer sécurité, car au bout il y a la satisfaction d’avoir peut-être réalisé quelque chose, le risque et son adrénaline ne faisant que mieux stimuler ces photographes qui n’ont certainement jamais envisagé face à un ennemi d’autant plus dangereux qu’il peut être mortel.  .

Aux coté du médecins, de l’infirmier, de l’ambulancier, du policier et du gendarme, de l’agent d’autorité et d’autres confrères Ils ont vécu dans la peur, vaincu leur instinct et choisi de renforcer le camp de dizaines de personnes obligées par leur métier à être au premier rang de la confrontation.

 

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