société
Elles ont pris les commandes
Je n’aime pas le 8 mars. Je déteste fêter les femmes, en tout cas pas de cette façon. J’ai une sainte horreur de la manière sans art dont les différents départements, organismes et associations célèbrent leurs femmes, les regroupant dans un coin selon une routine désormais bien rodée, leur offrant pour l’occasion une rose rouge en témoignage de l’amour qu’on leur porte alors qu’elles attendent de la société de l’estime, et des employeurs, à compétences égales, des salaires similaires à ceux des hommes.
Je hais le féminisme qui phagocyte la féminité et exergue la féminité qui gâte le féminisme.
Vous me direz que ça n’ajouterait rien et n’enlèverait que dalle, mais je n’aurais pas sacrifier au rituel de la journée mondiale de la femme n’eurent été la façon pertinente dont l’agence MAP a rendu compte des femmes modèles pour leur gent et un article que m’a envoyé Rita Stirn, auteure, entre autres, de MUSICIENNES DU MAROC, sur Touria Chaoui qui « fut la plus jeune pilote mondiale et la première aviatrice du monde arabe. »
Pour célébrer le retour du Roi Mohammed V de son exil, «Touria Chaoui s’était envolée de Tit Mellil pour survoler le cortège royal dans son avion Cessna et fit tomber du ciel des centaines de tracts jusque dans la Mercedes décapotable du souverain.» L’exploit mérite d’être rappelé, mais c’est surtout la sémantique des actes de cette jeune fille qui interpelle. Elle, qui n’a pas attendu l’éclosion des différents MLF pour prendre les commandes de son destin. Tragique assurément puisque trois mois et demi plus tard, le 1er mars 1956, elle fut abattue à bout portant au volant de sa voiture. Elle avait 19 ans.
34 ans ! C’est ce qu’il a fallu attendre avant que d’autres femmes prennent le manche d’un avion en 1985. Oumayma Sayeh, cruel destin, morte, passagère, dans un accident d’avion, et Bouchra Bernoussi qui font figures de pionnières de la Royale Air Maroc.
Et plus d’un demi-siècle pour qu’une autre femme, Hanae Zerouali, mariée et mère de deux enfants nous apprend MAP, s’impose en commandant de bord d’un avion militaire de transport, un C130. Même si l’armée compte dans ses rangs aux différents grades de nombreuses femmes, celles-ci, plus que toutes autres, envoient un message fort contre le conformisme et la prétendue exclusivité masculine pour certains métiers.
Serait-il une fois venu à l’esprit du jeune homme que j’étais d’avoir pour perspective d’avenir de sauter dans le vide ? Jamais ! Et serais-je moins courageux que le sergent Malika Lahmar, parachutiste, qui a fait de sa passion, la chute libre, le choix de sa carrière professionnelle ? Probablement.
Des femmes de la même trempe, on en retrouve également dans les rangs de la police, pas encore dans les brigades anti-émeutes, Dieu merci, mais dans des rayons qui exigent des compétences affirmées dans la lutte contre la cybercriminalité, c’est le cas de Safia El Moutawakil, ou pour veiller à la sureté de la vie urbaine, c’est l’exemple de la commissaire Fatima Zahra Arrammach. D’autres sont plus visibles à des postes harassants et ingrats dans la régulation de la circulation face à une phallocratie de conducteurs qui en prennent souvent pour leur grade.
Dans la sphère religieuse, on ne peut éviter Zahra Najia Zahraoui. Non seulement parce que cette théologienne a été l’une des rares femmes à avoir animé une causerie religieuse en présence du Roi Mohammed VI, mais aussi parce qu’elle vient de publier un « Lexique des femmes célèbres du Maroc », 375 en tout. On n’y retrouvera probablement pas Touria Chaoui, trop libre et trop dans le vent à son goût. Mais certainement Zaynab Nefzaouya (1039 -1117), épouse et éminence grise de Youssef Ibn Tachfin, Fatima Al-Fihrya (800 – 880), née à Kairaouan et décédée à Fès où elle a fondé l’Université Al-Qaraouine, ou encore Malika El Fassi (1919 - 1991), unique femme signataire du Manifeste de l’Indépendance. Ce qui n’empêche en rien que le chômage, parole du Haut-Commissariat au Plan, touche plus les femmes que les hommes.