Mariam Cherqaoui- les premiers secteurs victimes : tourisme, transports et l'événementiel

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Rabat - La professeure universitaire et l'experte en économie, finance et entrepreneuriat, Mariam Cherqaoui, livre, dans une interview accordée à la MAP, sa réflexion sur le redémarrage et la relance de l'économie nationale après la crise du coronavirus (covid-19).

Quelle est votre lecture de l'impact du coronavirus sur l'économie ?

Tout d'abord, d'un point de vue économique, le bilan de la pandémie du covid-19 est aussi alarmant que le bilan sanitaire. Partout dans le monde, des entreprises sont en arrêt d'activité, des employés mis au chômage temporaire ou définitif et des marchés réels et financiers perturbés (gonflement de stocks d'invendus, effondrement des prix du pétrole, incertitudes sur le marché boursier, tensions sur le marché bancaire...).

Le bilan social est aussi drastique. La Banque mondiale a averti que la pandémie du covid-19 pourrait plonger entre 40 et 60 millions de personnes dans l'extrême pauvreté cette année, l'Afrique subsaharienne étant la plus durement touchée, suivie de l'Asie du Sud, tandis que l'Organisation internationale du travail prévoit l'équivalent de 195 millions d'emplois perdus.

Le redémarrage des économies est plus que jamais une affaire publique qui doit se démêler grâce à des initiatives publiques nationales mais aussi régionales et mondiales. La Commission européenne a été chargée par les 27 pays membres d'établir un plan de sortie de crise. L'ONU a également entamé l'élaboration d’un plan mondial de relance économique et sociale du COVID-19.

Au niveau national, passé l'étape du bilan à chaud et des mesures d’urgence, plusieurs pays sont en train de diagnostiquer les impacts plus profonds de la crise liée au Covid-19 et d’élaborer en conséquence leurs plans de relance économique.

Qu'en est-il pour le Maroc ?

Il faut déjà commencer par souligner le caractère modéré avec lequel cette pandémie touche le Maroc d'un point de vue sanitaire comparé à l'intensité avec laquelle elle a frappé des pays que nous connaissons le mieux comme la France, l'Espagne ou la Turquie.

Cette donnée sanitaire est très importante d'un point de vue économique aussi parce qu'elle est déterminante du moral des ménages et donc leur propension à la consommation et de la confiance des investisseurs actuels et potentiels et donc de leur propension à l'investissement.

D'après vous, comment peut-on relancer l'économie nationale ?

Le redémarrage de l'économie marocaine passe d'abord par la levée de l'état d'urgence sanitaire et le déconfinement de la population à l'échelle nationale. Des décisions audacieuses certes dans un contexte de risque permanent, mais qui doivent intervenir en même temps que la mise en place de mécanismes strictes de respect et de contrôle des mesures de prévention dans les lieux publics et de travail et de certaines restrictions aux déplacements et de la qualité de la continuité du travail de veille/dépistage sur cette pandémie.

Ces mesures, nécessaires à la poursuite des activités économiques et donc à la production et à la consommation, vont aussi permettre aux entreprises marocaines de préparer des stratégies d'adaptation de leurs business models aux nouvelles contraintes des marchés. Des stratégies qui doivent être accompagnées au niveau central par un travail d'écoute permanent, d'analyse des difficultés et de recherche de solutions au niveau de chaque secteur et branche d’activité.

Ainsi, l'une des exigences de cette période est l'importance de l'encadrement des entreprises marocaines par des organisations professionnelles performantes (chambres de commerce, confédérations professionnelles et interprofessionnelles..).

Quel rôle peuvent jouer les secteurs public et privé, chacun dans son côté, pour faire réussir cette relance ?

La responsabilité est partagée à ce titre entre secteur privé et public pour réhabiliter le fonctionnement de ces structures et les utiliser comme levier important de déclinaison opérationnelle des stratégies publiques sectorielles en cette période de crise.

Le maintien de l'investissement public durant ces deux prochaines années est important aussi bien pour parfaire l'offre du Maroc en infrastructures de développement économique et social mais aussi pour contribuer de manière plus directe à l'effort des investisseurs privés de mieux restructurer leurs entreprises.

En effet, le partenariat public-privé doit être la priorité de la relance économique en vue de l'émergence d'un tissu d'entreprises nationales résilientes et compétitives.

Ainsi, des subventions publiques pour le financement de projets industriels et technologiques à forte valeur ajoutée seront particulièrement bénéfiques pendant cette période tout comme l'aide aux entreprises en difficultés.

A ce titre, il est primordial de mettre en place une cellule de prévention des défaillances des entreprises en vue d'accompagner les entreprises les plus vulnérables à dépasser cette période de turbulence.

Enfin, il ne faudrait pas perdre de vue la nécessaire intégration des agents économiques informels dans le secteur formel à travers la mise en place de programmes d'accompagnement à la création de petites entreprises et la mise en place de mécanismes d'incitation à la participation aux caisses de retraite et de sécurité sociale.

Par ailleurs, on ne peut parler de relance économique sans parler de conditions de financement très favorables à l'investissement. Certes, les banques marocaines ont fait preuve cette année d'une grande souplesse dans leur grille tarifaire surtout pour ce qui est du financement des très petites entreprises et des porteurs de projets. Le reste à faire est sans doute tout aussi important avec un effort nécessaire de réduction du coût des crédits qu'ils soient d'investissement ou de consommation.

Sans oublier la nécessaire augmentation de la liquidité du marché boursier marocain à travers l'ouverture du capital des entreprises déjà cotées mais aussi l'amélioration des conditions d'accès des autres entreprises (procédures simplifiées, incitations fiscales, transparence...).

Quels sont les secteurs économiques les plus touchés par la pandémie du Covid-19 ?

Si tous les secteurs de l'économie nationale sont affectés par la crise du Covid-19, il y a certes des différences de nature et de magnitude d’impacts.

Au premier rang des secteurs qui vont être affectés négativement par cette crise, se trouvent les secteurs du tourisme, du transport aérien, routier et ferroviaire et de l'événementiel. Il faut dire que jusqu'à la mise en place d'un vaccin ou d'un traitement efficace contre le Covid-19, les activités liées à ces secteurs d'activités seront maintenues pour leur plus faible niveau voire arrêtées.

D'autres secteurs seront également impactés par la crise mais à un niveau moins prononcé. Il s'agit des secteurs de l'automobile, du commerce et des services de luxe connus pour être par nature fortement sensibles à un repli de la conjoncture économique.

Le repli de la croissance de l'Union européenne (UE) pèsera également de manière notable sur les entreprises exportatrices marocaines (près de 60% à destinations de l’UE) à moins que ces dernières ne se redéploient vers de nouveaux marchés.

L'impact sur le secteur financier marocain va également être sensible avec une bourse de valeur qui aura du mal à jouer son rôle de financement de l'économie dans ses conditions d’incertitudes et des banques de plus en plus exposées au risque de crédit.