Réponse à Moulay Hicham le Maroc et la crise ? l'hypothèse catastrophiste...

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Troublant, tout cela ! Ces derniers jours, des éléments de langage de même parenté sont véhicules pour … appréhender la situation actuelle du Royaume. Signe de vitalité et de pluralisme ? Oui, pourquoi pas. Mais les fils de la pelote que l'on identifier attestent, me semble-t-il, d'une convergence. Un hasard ? Pour citer le poète français Paul Eluard, " il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous". Qu'en est-il en vrai ? 

Le premier à sortir en patrouille, si l'on ose dire, n'est autre que Moulay Hicham. Il s'est dégagé de son titre de Prince, voici deux ans, voulant assumer pleinement le seul statut de la citoyenneté. Un acte qui prolonge son auto-exil en 2003 aux États-Unis et qui l'a encore conduit à réitérer la totale rupture avec le Maroc, investi et engagé qu'il était dans une "nouvelle vie". S'il séjourne de temps à autre au Maroc, son intérêt pour la vie politique nationale est resté, lui, attentif et sourcilleux. Il n'est pas là ... mais en même temps il paraît être pratiquement en veille ; un état d'esprit qui fait penser à la mythologie du "Grand soir" qui a meublé et hanté jadis le mouvement ouvriers en Europe rêvant de l'instauration d'une société communiste ... Avec la crise du Covid-I9, il estime que celle-ci "peut être une occasion historique pour le Maroc", dans une tribune publiée par un journaliste belge de service, un certain Baudoin Loos, mise en ligne le 3 mai, gratifiant au passage Moulay Hicham de "cousin germain du Roi du Maroc".

Quel est son argumentaire ? Qu'il trouve que la situation actuelle au Maroc est "une réalité troublante » ; que la réaction de l'État liée à la lutte contre la pandémie était contrainte compte tenu du déficit social et de l'échec d'un "modèle économique néolibéral`` ; et qu'en tout état de cause rien n'était encore réglé. Parce que, assure-t-il, il y aura une nouvelle vague de pandémie et que partant, il y aura toujours plus de menaces". C'est que la "faiblesse de l'État de droit" est un obstacle dirimant à tout changement. S'il prend acte cependant du renforcement de la confiance des citoyens en l'État, il s'emploie à minorer ce constat pour faire le parallèle avec deux pays maghrébins - la Tunisie et l'Algérie - pour relever que le Royaume "n'a pas le système démocratique de la Tunisie, l'Algérie, elle, étant confrontée à un sinistre total sur tous les plans, le régime étant délégitimé. Entre ces deux cas, "le Maroc se situe au milieu" même s'il reporte à plus tard la question démocratique. Il concède toutefois la "présence unificatrice de la monarchie". I1 en vient ensuite à son crédo depuis au moins deux décennies : il y des menaces à surmonter. Il invoque ainsi la contraction des transferts des MRE, celle des flux touristiques... Il appelle de ses vœux un contre-modèle tournant le dos à celui "néolibéral » ; il recommande que cette révision ne soit pas "un autre plan monarchique clé en main se limitant à l'évaluation de politiques de développement mais autre chose : un véritable "processus" articulé autour de mesures concrètes. Et de poursuivre pour reprendre son référentiel de base : celui d'opérer une rupture. A ses yeux, la première regarde le décès de feu SM Hassan II. La deuxième, elle, a trait au Printemps arabe en 2011. La troisième ? C'est rien de moins que la situation actuelle de crise sanitaire, sociale et économique. Que propose -t-il ? La participation, en" étroite concertation avec la société "en lieu et place de l'"imposition par le haut". Comment ? Suivant quelles modalités ? Aucune de sa part ! 

Face à l'ampleur et à la soudaineté de la pandémie, il fallait bien que l'État assume ses missions régaliennes de protection et de sécurité. Où est donc "le faux patriotisme " mis en cause alors que chaque citoyen a mesuré que la solidarité, la discipline, les efforts et les sacrifices étaient nécessaires pour renforcer la cohésion nationale et assumer un destin collectif. La préférence qu'il fait à l'équation pandémie / sécurité est-t-elle recevable ? Comment ne pas apprécier que l'Etat se soit mobilisé ; que l'appareil sécuritaire soit le garant des mesures d'urgence décidées le 20 mars dernier ; et que des départements au premier rang desquels le ministère de l'Intérieur aient été en première ligne ! A situation d'exception, mesures d’exception ! Les démocraties les plus avancées, en Europe et ailleurs, se sont inspirées - avec retard même ... " du "made in Morroco" salué comme étant exemplaire et efficient. 

Les clés de l’infiltration

Cela dit, comment tenter de cerner le rapport de Moulay Hicham avec le Maroc. Il faut laisser de côté tout le subjectivisme que l'on peut y retenir à propos de son statut au sein de la famille royale, tant sous le règne de son oncle, Hassan II, que de son cousin germain, Mohamed VI. L'on peut y trouver bien des points de lecture et de compréhension - je ne m'y arrêterai pas... Ce que l'on peut relever par ailleurs, c'est un autre registre : celui des clés mises en avant par Moulay Hicham pour s'infiltrer dans le champ politique et essayer d'en tirer des dividendes. Ses efforts couplés à des initiatives se sont portées dans de multiples domaines : celui de militants d'extrême- gauche, celui de journalistes en finançant tel ou tel journal ou encore en prenant en charge d'autres dans des cursus universitaires aux États-Unis, enfin celui de contacts avec des acteurs et responsables partisans. 

Pour quels résultats ? Cale a tourné à un bilan passablement sujet à caution. La publication de son livre "Le Prince banni" a tenté de retracer un parcours, une vie. Et après ? l'imprécation qu'il recèle témoigne de blessures encore à vif, de rancœurs et même de rancunes. Rien d'étonnant sans doute parce que Moulay Hicham n'a qu'une seule " boite à outils" entre les mains. Une sorte de rigidité voire de dogmatisme que l'on peut résumer en ces termes : l'hypothèse catastrophiste. Comme la légende du cygne noir, elle fait référence à une théorie d’un certain évènement imprévisible qui n'a pratiquement aucune probabilité de se dérouler - elle a été actualisée voici une dizaine d'années par le statisticien libano-américain Nassim Nicholas Taleb de l'Université de New York. C'est une légende historique de plus de deux millénaires... E1le présente l'inconvénient majeur de tout ramener à un prisme qui trie la vie sociale, économique et politique, pour n'en retenir que les paramètres éligibles à cette seule notion. Celle-ci se distingue des thèses de l'économistes autrichien Joseph Schumpeter (1883 -1950) sur la "destruction créatrice", processus lié, lui, à des cycles économiques d'évolution du capitalisme. Pour Moulay Hicham, le Maroc accuse des crises qui n'induisent pas des ruptures mais qui perpétuent un ordre social inégalitaire où l'exclusion se conjugue avec un principe d'autorité appuyé par un appareil sécuritaire. La complexité du Maroc et sa spécificité ne sont pas prises en compte dans ce paradigme réducteur. Sont ainsi ignorés tant d'autres paramètres : la centralité de la monarchie qui a un cahier de charges ; l'impensé de tout "Plan B" sur ce principe de légitimité ; les équilibres entre les forces sociales avec des modes de régulation opératoires ; enfin, une culture nationale largement marquée du sceau du compromis. Cela ne veut pas dire pour autant la gestion du statu quo dans une courte vue ; bien au contraire, ce qui est à l'ordre du jour n'est-ce pas précisément l'"après confinement" et les fortes exigences d'une réflexion nationale, délibérative, sur un autre modèle de développement adossé à un nouveau pacte social. Dans ce champ -là, le catastrophisme apporte-t-il quelque contribution féconde ? Pas le moins du monde : plutôt la démoralisation, la défiance... et la stérilité !

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