Virus: sentiments partagés à Téhéran sur une reprise de l'activité économique

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Avec la reprise partielle de l'activité économique à Téhéran samedi, les habitants sont partagés entre peur de la maladie Covid-19 et nécessité de reprendre le travail : un impératif "financier" pour certains, un "deuxième coronavirus" pour d'autres. Ecoles, universités mosquées, sanctuaires chiites, cinémas, stade et autres lieux de regroupement restent néanmoins fermés dans tout le pays.

"Je ne pense pas que la situation soit sûre à l'heure actuelle", estime Réza Jafari, qui a repris le travail dans un petit entrepôt vendant des sacs à mains dans le centre de la capitale iranienne.

"Mais il fallait que je revienne travailler pour des raisons financières", déclare à l'AFP ce vendeur de 32 ans. "Si j'avais eu le choix, je ne serais pas venu, mais si la boutique reste fermée plus longtemps, nous risquons d'être licenciés".

Avec plus de 5.000 décès provoqués par le nouveau coronavirus sur quelque 80.000 cas officiellement déclarés, l'Iran est de loin le pays du Proche et Moyen-Orient le plus touché par la pandémie de Covid-19.

Et certains, à l'étranger comme à l'intérieur du pays, estiment que les chiffres du gouvernement sont largement sous-estimés.

Pour lutter contre la propagation du virus, les autorités avaient ordonné mi-mars la fermeture de toutes les activités économiques non-essentielles.

Le 11 avril, elles ont autorisé les activités "à faible risque" de propagation du virus -petits commerces et petites entreprises surtout- à rouvrir dans les provinces. Elles ont étendu la mesure à Téhéran samedi.

 "Deuxième coronavirus" 

Ecoles, universités mosquées, sanctuaires chiites, cinémas, stade et autres lieux de regroupement restent néanmoins fermés dans tout le pays.

Conséquence du rétablissement de sanctions américaines contre la République islamique d'Iran en 2018, le PIB iranien a plongé de 7,6% en 2019 et devrait encore reculer de 6,0% en 2020, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI).

Face au double défi des sanctions et de la crise sanitaire, et pour éviter le pire à l'économie meurtrie, le gouvernement iranien fait le pari qu'il peut mener de front reprise graduelle de l'activité et lutte contre l'épidémie.

De toute façon, a déjà prévenu le président Hassan Rohani, "il n'y a pas d'autre possibilité".

A quelques rues de l'entrepôt où travaille M. Jafari, le Grand Bazar, normalement cœur battant de l'économie locale, reste mort.

De nombreux commerçants pestent devant les rideaux baissés de leur boutique. Affirmant n'avoir pas l'autorisation d'ouvrir avant le 1er mai, ils dénoncent une mesure qualifiée d'inique.

Aux termes des directives pour Téhéran, seuls peuvent ouvrir pour l'instant les boutiques donnant sur la rue, pas celles dans un espace couvert comme le bazar.

"Il vaudrait mieux que je sois mort", s'emporte Mortéza, 30 ans, qualifiant l'interdiction d'ouvrir de "deuxième coronavirus" pour lui.

 "On devient fou!" 

"Comment pourrais-je continuer à rester à la maison ? Je dois nourrir ma famille", déclare à l'AFP Hamdollah Mahmoudi, employé d'une boutique du bazar âgé de 45 ans. "On devient fou sans travailler !".

Avec le coronavirus, les petits commerçants ont pris un coup énorme : les ventes qu'ils espéraient avant la fête de Norouz -le Nouvel An iranien, célébré cette année, dans la morosité, le 20 mars-sont parties en fumée alors que c'est traditionnellement le pic de leur activité, une période qui leur permet de se maintenir à flots.

Kawan Ghané, opticien de 36 ans installé dans l'ouest de la capitale, juge, lui, qu'il est encore trop tôt pour rouvrir son magasin.

Il dit être terrifié à l'idée de devoir "examiner quelqu'un, de près, qui pourrait être contaminé". "Mais je serai bien obligé un jour ou l'autre de reprendre le travail compte tenu de ma situation financière".

Au contraire, Ali Yousséfi, un commerçant du Bazar, appelle "tous les responsables à autoriser la réouverture de tous les commerces". 

Contraint de maintenir fermé son comptoir de vente de pistaches et fruits secs, il estime que "tout ce qu'il faut faire, c'est respecter les protocoles sanitaires" définis par les autorités "et tout le monde fait ce qu'il faut pour cela".

Comme ces vendeurs d'un magasin de prêt-à-porter du nord de Téhéran qui portent masques et gants de protection. A la différence de leurs clients.

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