Maroc-UA : 50 millions d’euros de Rabat à Dakar pour le soutien du Sénégal ?

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Un journal mauritanien, RIM-sans fronti?re, que l?on dit proche du pouvoir, a accus? le S?n?gal d?avoir obtenu 50 millions d?euros du Maroc pour faire la locomotive diplomatique de Rabat ?pour son retour ? l?Union Africaine et en chasser le Polisario. Le ?journaliste et politologue s?n?galais ?Babacar Justin Ndiaye lui r?pond dans le sen360.fr par un article subtile et bien argument? intitul? ??le triangle des axes, des frictions et des vicissitudes?? qui fait montre d?une bonne connaissance de la g?opolitique de la r?gion et de son histoire. En voici le texte?:

Le journal mauritanien ?RIM-sans fronti?res? affirme en cong?diant royalement le conditionnel que le S?n?gal a accept? d'?tre, ? la fois, le porte-flambeau continental et la locomotive diplomatique du retour du Maroc ? l'Union Africaine (UA), apr?s 33 ans d'absence, moyennant des arguments sonnants et tr?buchants qui fr?lent les 50 millions d'euros d?caiss?s par Rabat et encaiss?s par Dakar, avant le 27e?Sommet de Kigali. La r?v?lation est relay?e et exploit?e par un communiqu? du Parti D?mocratique S?n?galais (PDS) qui exige des explications gouvernementales, sans ?quivoques ni retards.?

Sur l'information brute et sa formulation abrupte, je greffe ?videmment un commentaire laconique, g?n? et lourd d'affliction. Dans l'impossibilit? de confirmer ou d'infirmer, il convient, jusqu'? nouvel ordre, de convoquer Talleyrand: ?Tout ce qui est excessif est insignifiant?. Sauf, si l'exc?s est exc?dentaire de preuves qui, pour l'instant, ne figurent pas dans les colonnes du journal mauritanien plus enclin ? cogner les autorit?s s?n?galaises qu'? convaincre les lecteurs s?n?galais et africains. Malheureusement, les eaux furieuses de la d?sinformation ?tant voisines des flots ininterrompus de l'information, les patriotes imbus de dignit? et soucieux de souverainet?, sont forc?ment fig?s au carrefour de la perplexit? totale et de la douleur sans bornes.?

En v?rit?, les p?cheurs en eaux troubles ne p?chent (de fa?on fructueuse) que l? o? les eaux sont perp?tuellement ou sporadiquement troubles. A l'image du triangle dur et mou, c'est-?-dire solide et convulsif que constitue la relation ? trois: Dakar, Nouakchott et Rabat. L'histoire, la g?ographie et la religion ont, en effet, consolid? les axes mais la g?opolitique et la diplomatie ont p?riodiquement ?prouv? les fondations dans une r?gion maghrebo-africaine qui est grandement d?sertique sans ?tre un d?sert de crises. Loin s'en faut. Du refus marocain de reconnaitre l'ind?pendance de la Mauritanie (accord?e par la France, en novembre 1960) ? la crise interminable du Sahara Occidental via le conflit s?n?galo-mauritanien des ann?es 1989-1990, des frictions diplomatiques et des vicissitudes g?opolitiques ont ?t? enregistr?es puis dissip?es. Un pass? r?cent et opaque qui exige des autorit?s actuelles des trois pays, une bonne connaissance des dessous de cartes qui ont permis ? la vigueur des relations bilat?rales de prendre constamment le dessus sur les vicissitudes n?es des tensions sous-r?gionales.?

Les liens de fraternit? et de spiritualit? entre les peuples du Maroc, de la Mauritanie et du S?n?gal sont forg?s au fer lourd et quasiment inoxydable. En revanche, les grimaces de l'Histoire, les al?as de la politique et les pesanteurs de la g?opolitique ont parfois enfant? quelques accrocs. C'est un euph?misme pour contourner un vocabulaire inflammable: clash, d?saccords brutaux ou violents. Sous Mohamed V (1956-1961), le S?n?gal ind?pendant n'a pas eu le temps d'?baucher un axe Dakar-Rabat. Il s'y ajoute que les orientations id?ologiques furent assez ?loign?es. Bien que Royaume ? de prime abord conservateur voire f?odal ? le Maroc de Mohamed V faisait partie du Groupe de Casablanca estampill? ?progressiste? dans un monde bipolaire; tandis que le S?n?gal prenait place parmi les Etats mod?r?s du Groupe de Monrovia. C'est l'arriv?e sur le Tr?ne du Roi Hassan II, licenci? en droit et ancien ?tudiant du c?l?bre constitutionnaliste Georges Vedel, qui a favoris? l'amiti? voire la complicit? intellectuelle et politique entre le Pr?sident Senghor et le jeune Souverain du Maroc. L'?viction de Mamadou Dia (un fid?le ami de l'Alg?rien Ben Bella) a ?galement amplifi? les relations bilat?rales.?

Cependant, l'amiti? Senghor-Hassan II ne fut pas exempte de divergences profondes, pr?cis?ment ? propos de la Mauritanie dont l'ind?pendance reconnue par le S?n?gal diplomatiquement remorqu? par la France est fermement rejet?e par le Maroc qui la revendique en tant que province m?ridionale. Pour Rabat, les fronti?res du Royaume ch?rifien longeaient le fleuve S?n?gal. Par contre, la France d?sireuse d'exploiter les mines de fer de Zouerate ? travers la MIFERMA (l'?quivalent mauritanien d'ELF au Gabon) prot?ge la souverainet? de ?l'Etat artificiel de Mauritanie? par un accord de d?fense militaire. La grosse pomme de discorde entre le S?n?gal et Maroc ne disparaitra qu'en 1969, apr?s que Rabat eut reconnu l'ind?pendance du pays de Moktar Ould Daddah, un autre ami de L?opold S?dar Senghor.?

Coup de th??tre l'Histoire est incroyablement fertile en paradoxes la Mauritanie et le Maroc (l'un avait contest? le droit ? l'existence de l'autre) s'allient ? travers le fameux l'Accord de Madrid, pour se partager, tel un g?teau de table, le territoire du Sahara Occidental. Nous sommes en 1976. Vive col?re du Pr?sident Houari Boumediene qui, en collusion avec Kadhafi, arme lourdement le Polisario. Le Pr?sident Senghor exprime automatiquement sa solidarit? agissante envers le Maroc et la Mauritanie. Mieux, le S?n?gal s'implique dans l'op?ration militaire ?LAMANTIN? d?clench?e par la France de Giscard d'Estaing, en faveur de l'arm?e mauritanienne mise en difficult? par les unit?s du Polisario qui sabotent le train min?ralier Zouerate-Nouadhibou, c'et-?-dire le poumon ?conomique de la Mauritanie.?

Jusqu'au matin du 10 juillet 1978, ann?e du coup d'Etat contre le Pr?sident Moktar Ould Daddah, les bombardiers fran?ais JAGUAR d?collaient de la base a?rienne d'Ouakam et allumaient, en moins de 40 minutes de vol, les colonnes du Polisario. Cette contribution du S?n?gal ? l'effort de guerre a emp?ch? la disparition de la Mauritanie. Une perspective inqui?tante voire alarmante pour Senghor qui ne voulait pas que l'Alg?rie de Boumediene dev?nt frontali?re du S?n?gal via son satellite du Polisario, potentiel maitre d'une Mauritanie militairement affaiss?e et annex?e. Comme quoi, la Mauritanie et le Maroc doivent ensemble une fi?re chandelle au S?n?gal. Notamment, la Mauritanie. Feu le Pr?sident Moktar Ould Daddah raconte dans son livre-m?moires que son coll?gue s?n?galais L?opold S?dar Senghor l'avait pr?venu de la nouvelle et non amicale mission que la France avait assign?e ? un de ses ambassadeurs ? Nouakchott, du nom de Jean-Fran?ois Deniau, futur ministre.?

H?las, ces trois et d?cisives marques de solidarit? active du S?n?gal n'ont pas emp?ch?, en 1989-1990, l'?clatement du tragique conflit s?n?galo-mauritanien, au cours duquel la position du Roi Hassan II (m?me exprim?e de fa?on sibylline) induisit l'effet escompt?. On se rappelle qu'il avait dit: ?La Mauritanie est un pays ami, le S?n?gal est un pays fr?re?. Diplomatiquement, il n'avait f?ch? personne. Et pourtant, le fl?au de la balance royale penchait en faveur du S?n?gal. Le chancelier prussien Bismarck r?p?tait la v?rit? que voici: ?Un pays fait son histoire mais subit sa g?ographie?. Les trois capitales que sont Dakar, Nouakchott et Rabat en sont s?rement convaincues. Ce qui ne semble pas ?tre le cas pour les r?dacteurs du journal ?RIM-sans fronti?res?. Sauf, s'ils sont entr?s en possession de preuves irr?futables et de traces nettes sur la mat?rialit? des 50 millions d'euros vers?s au S?n?gal, afin d'en faire l'?claireur de pointe de la diplomatie ch?rifienne sur la sc?ne africaine. Faut-il r?agir ou m?priser le journal ?tranger, nonobstant le vif communiqu? du PDS? Dans tous les cas de figure, l'accusation est gravissime, car tous les pays et tous les peuples sont d'?gale dignit?. Le Maroc est notre ami et non notre maitre. Il a sa place ? l'OUA-UA dont il est membre fondateur. Mieux, le Maroc a tr?s t?t ?quip? en armes et aid? en argent, les mouvements de lib?ration comme l'ANC et le MPLA, d?s 1961. Toutefois, le S?n?gal n'est pas son estafette.?

La seule certitude ind?niablement partag?e par les observateurs, porte sur la conjoncture politique et- diplomatique tr?s dangereusement creuse en Mauritanie. La glaciation d?mocratique manifestement durable (la pers?cution des opposants et des anti-esclavagistes, l'expulsion de Tarek Ramadane et les incertitudes post-second mandat du chef de l'Etat) le froid persistant avec le Maroc (Rabat n'a pas dig?r? la posture officielle de la Mauritanie lors des fun?railles du d?funt Pr?sident de la RASD, Mohamed Abdelaziz) et l'?chec humiliant du Sommet de la Ligue arabe de Nouakchott (le 25 juillet 2016) boycott? par les dirigeants arabes les plus influents, cr?ent une lente mont?e des p?rils int?rieurs qui favorise la qu?te de d?rivatifs ou d'exutoires ext?rieurs. La recette est aussi vieille que la politique elle-m?me. Ce n'est pas ?tonnant que dans l'article de ?RIM-sans fronti?res?, l'auteur forge un lien entre les 50 millions d'euros d?bloqu?s par le Maroc et l'expulsion, par le S?n?gal, des cam?lid?s mauritaniens des zones sylvo-pastorales des r?gions de Louga et de Matam. En d?finitive, rien de nouveau sous le soleil des relations s?n?galo-ch?rifiennes. Sauf les 50 millions d'euros fictifs ou r?els. Maitre Jacques Baudin, lointain pr?d?cesseur du ministre Mankeur Ndiaye, ferraillait d?j?, ? Ouagadougou, pour le retour du Maroc ? l'Union Africaine (UA).?

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