African BioGenome: le séquençage de la biodiversité, quel intérêt pour le Maroc et le continent ?

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L'information génétique issue du séquençage de ces ressources s'avère primordiale pour sauvegarder la biodiversité et améliorer leur résilience en réponse aux pressions environnementales telles que les changements climatiques.

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Par Fadwa EL GHAZI (MAP avec Quid

Rabat - "Le mystère éternel du monde est qu'il soit compréhensible, cela tient du miracle", disait Albert Einstein. Grâce à la science, l'incompréhensible est devenu de plus en plus accessible aux chercheurs qui s'attellent à disséquer et à réussir le séquençage de l'ensemble du matériel génétique d'un organisme pour atténuer notamment le risque d’extinction. Même le commun du mortel, avec un peu de pédagogie peut accéder à ces connaissances.

Sauf peut-être en ce qui concerne l’Afrique où 95% des espèces africaines en danger ne sont pas séquencées, d’après un article publié récemment dans la revue scientifique "Nature" sous le titre "Africa: sequence 100,000 species to safeguard biodiversity" (Afrique: séquençage de 100.000 espèces pour sauvegarder la biodiversité).

Améliorer la sécurité alimentaire

Près de 70% des 35 projets sur l’étude, la conservation ou l’amélioration biologique de la biodiversité en Afrique durant les quinze dernières années ont été menés en dehors du continent africain, indique cet article collectif.

"En effet, parmi les génomes de plantes séquencées pendant les 20 dernières années, presque toutes les espèces africaines ont été séquencées ailleurs, principalement aux États-Unis, en Chine et en Europe", précisent les auteurs de l’article.

C’est en ayant à l’esprit ce triste constat que le projet African BioGenome (AfricaBP) prend toute son importance. Il se veut un effort pour séquencer les génomes de 105.000 espèces endémiques : plantes, animaux, champignons, protistes et autres eukaryotes, explique la revue.

"Le séquençage d’un ADN est la détermination de la succession des nucléotides qui le composent. En effet, l’ordre des nucléotides constitue le code génétique responsable de la synthèse des protéines qui sont d’ailleurs le moteur de toutes les fonctions biologiques", précise Bouabid Badaoui, professeur de génomique à l'Université Mohammed V - Département de Biologie (Laboratoire de Biodiversité, écologie et génome à Rabat).

Réunissant une centaine de chercheurs africains, le projet relève les défis d'améliorer la sécurité alimentaire, la conservation des ressources naturelles et le partage de données générées suite à ce séquençage d'une manière inclusive et équitable, centrée sur les priorités des peuples africains.

Étalé sur dix ans, ce projet ambitieux et prometteur est coordonné en Afrique du Noord a pour espèces prioritaires pour le séquençage les espèces à intérêt économique et celles en risque d’extinction.

"Pour le Maroc, par exemple, l’arganier, le palmier dattier et les plantes médicinales (thym, romarin, armoise…) sont des candidats", a dit M. Bouabid, co-auteur de l’article qui met en exergue les buts, les priorités et le plan directeur pour le séquençage du génome des plantes, des animaux, des champignons et des protistes endémiques en Afrique.

L’intérêt de comprendre la biodiversité 

De solides arguments militent en faveur de la nécessité de comprendre la biodiversité du continent africain grâce à la génomique et d'assurer une utilisation durable des plantes, animaux, champignons et protistes indigènes.

À titre d'exemple, les ressources alimentaires culturellement pertinentes, telles que les cultures orphelines et d'autres aliments de base, essentiels à la sécurité alimentaire régionale, ne sont pas encore séquencées.

L'information génétique issue du séquençage de ces ressources s'avère primordiale pour sauvegarder la biodiversité et améliorer leur résilience en réponse aux pressions environnementales telles que les changements climatiques.

Au-delà des bénéfices directs issus des nouvelles technologies et de la croissance économique garantie par les découvertes et les investissements dans la génomique et la bio-informatique en Afrique, AfricaBP prévoit également de développer un hub de connaissances pour la génomique et la bio-informatique.

Le coût du projet est estimé à 1 milliard de dollars. "Bien que cela puisse sembler être une entreprise énorme, un tel investissement profite non seulement à la recherche, mais aussi au développement économique pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD)", a-t-il assuré.

"C'est un projet ambitieux et prometteur, prêt à conduire le continent vers la prochaine grande étape de la recherche et de l'innovation", s’est-il réjoui.

Le projet fait partie intégrante des trois projets de même envergure à l'échelle internationale, à savoir le projet de séquençage de 10.000 plantes (10KP), le projet de séquençage de tous les vertébrés (VGP) et le projet de séquençage de tout organisme vivant terrestre (Earth Biogenome Project).

AfricaBP prévoit également de développer un hub de connaissances pour la génomique et la bio-informatique, au-delà des bénéfices directs issus des nouvelles technologies et de la croissance économique garantie par les découvertes et les investissements dans la génomique et la bio-informatique en Afrique, a ajouté le chercheur.

Un soutien continu des universités africaines offrira aux scientifiques africains des opportunités et des incitations pour rester en Afrique, a–t-il jugé dans ce cadre.

De l’infiniment petit à l'immensément grand, la science offre une opportunité pour comprendre et savourer le monde et l'environnement même si "La vraie science est une ignorance qui se sait" comme disait Michel de Montaigne.

 

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