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L’énergivore Intelligence artificielle, l’autre priorité stratégique de l’administration Trump – Par Aziz Rami
Une estimation de PJM Interconnection LLC, organisme de transmission d’électricité qui gère un réseau de 13 États américains, “la demande de pointe estivale devrait augmenter de près de 58 gigawatts d’ici 2035
Par Aziz Rami – Bureau de MAP à Washington
Washington - Au lendemain de son investiture, le président américain, Donald Trump, annonçait des investissements de 500 milliards de dollars en infrastructures liées à l’intelligence artificielle. Si cette annonce réalise la promesse de campagne de Trump de revigorer les investissements en IA, elle n’en garantit pas forcément la dominance souhaitée des Etats-Unis face à la Chine qui réalise des percées remarquables dans cette course.
Porté par trois géants de la tech, OpenAI, SoftBank, et Oracle, le projet baptisé StarGate sera “de loin le plus grand projet d’infrastructure en Intelligence artificielle dans l’histoire”, a tenu à souligner le locataire de la Maison Blanche.
Il a précisé que StarGate construira “l’infrastructure physique et virtuelle pour alimenter la prochaine génération d’IA”, y compris des centres de données dans tout le pays.
Les contours de cette joint-venture détaillent un projet de grande envergure avec l’ambition d’asseoir durablement la dominance mondiale des Etats-Unis en matière d’IA.
C’est une ambition qui a été clairement affichée dans le décret présidentiel signé par Trump trois jours après son investiture. Il abroge un ancien décret du président Joe Biden, avec pour objectif de “maintenir et renforcer la domination mondiale de l’Amérique en matière d’IA afin de promouvoir l’épanouissement humain, la compétitivité économique et la sécurité nationale”.
En ligne avec cette promesse, le projet StarGate prévoit, dans sa première phase, la construction de 20 centres de données, chacun d’une superficie de plus de 46 000 m2.
En termes de création d’emplois, la promesse est de générer 100 000 postes dans divers secteurs, tels que la construction, les infrastructures énergétiques et l’ingénierie.
Un secteur énergivore
Au-delà du fardeau financier, la plus grande pierre d’achoppement des projets d’IA est incontestablement leur consommation énergétique démesurée.
Selon Goldman Sachs, l’essor rapide des centres de données alimentés par l’IA devrait à lui seul représenter 8% de la consommation totale d’énergie des États-Unis d’ici 2030, contre 3% en 2022.
Pour souligner la (dé)mesure de la consommation d’énergie par l’intelligence artificielle, Goldman Sachs estime qu’une seule recherche sur ChatGPT “consomme 10 fois la puissance de calcul d’une recherche Google traditionnelle”.
Plus alarmante encore, une estimation de PJM Interconnection LLC, organisme de transmission d’électricité qui gère un réseau de 13 États américains allant de Washington DC sur la côte est à l’Illinois dans le Midwest, “la demande de pointe estivale devrait augmenter de près de 58 gigawatts d’ici 2035”.
Pour surmonter cet obstacle à l’ère du changement climatique, l’énergie renouvelable jaillit comme une potentielle source de solution.
D’après l’agence Bloomberg, les acteurs du projet StarGate envisageraient d’alimenter celui-ci “au moins en partie” par l’énergie solaire et le stockage d’énergie développés par SB Energy, une filiale de Softbank.
D’autres sources d’énergie évoquées par la presse seraient le nucléaire. L’on note, à cet égard, que Google a signé un accord de 500 mégawatts avec la start-up nucléaire Kairos, alors que Microsoft a redémarré l’un des réacteurs fermés de Three Mile Island en Pennsylvanie.
Lors de son intervention devant le forum de Davos en fin de semaine, Trump avait indiqué que de nouvelles centrales électriques seront construites à côté des centres de données “pour éviter les retards dans l’approvisionnement énergétique et alléger la pression sur le réseau”.
La percée de DeepSeek
Le lancement fracassant lundi du modèle d’IA appelé R1 développé par la startup chinoise d’IA, DeepSeek, a chamboulé la sphère technologique américaine. Une onde de choc a été ressentie à travers la Silicon Valley, où les géants de la technologie d’IA tentent de comprendre le modus operandi non-orthodoxe de la jeune entreprise du géant d’Asie.
Nvidia, compagnie de référence américaine dans la fabrication de puces ultra-performantes utilisées dans l’IA, a perdu près de 600 milliards de dollars en une journée.
Privée des puces américaines, la startup universitaire basée à Hangzhou a indiqué qu’elle a pu développer son modèle d’IA en utilisant des puces beaucoup moins performantes, et surtout en dépensant énormément moins.
Le développement de R1, un modèle qui peut s’attaquer à des tâches de raisonnement complexes, et produire des résultats comparables à ceux de ses concurrents, n’a requis que deux mois et 6 millions de dollars, soit une fraction des milliards dépensés par ses concurrents américains.
Si les experts mettent en garde contre une possible sous-estimation des coûts et des délais avancés par DeepSeek, ils admettent que les écarts restent “impressionnants”.
Dans un post sur le réseau X, le PDG de Nvidia, Sam Altman, a qualifié “d’impressionnante” la startup chinoise de deux ans, ajoutant qu’il était “revigorant d’avoir un nouveau concurrent”. “Mais nous allons évidemment présenter des modèles bien meilleurs”, a-t-il assuré.
Pour sa part, OpenAI a accusé la société chinoise d’avoir utilisé ChatGPT pour automatiser l’entraînement de ses modèles. Il s’agit d’une technique, illégale, qui aurait permis de développer l’application chinoise à moindre coût.
Au-delà de ses accusations, la concurrence avec la Chine, jusqu’à récemment considérée à la traîne par rapport aux Etats-Unis en matière d’IA, semble avoir repris de plus belle.
La volonté du président Trump de mobiliser tout le potentiel américain à cet égard, tant sur le plan énergétique (relance de la production pétrolière) que législatif (décret présidentiel), balise le terrain pour le maintien de la dominance américaine en IA.
La percée de DeepSeek envoie un “signal d’alarme” à l’industrie technologique américaine, mais elle “pourrait finalement s’avérer positive” pour les États-Unis, tient-il à rassurer.