Les grands défis énergétiques en Afrique de l’Ouest – Par Hatim Betioui

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Les barrages de Manantali (photo) et Félou fournissent une part significative des besoins en électricité de quatre pays : Mauritanie, Sénégal, Mali et Guinée

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Les barrages de Manantali (photo) et Félou fournissent une part significative des besoins en électricité de quatre pays : Mauritanie, Sénégal, Mali et Guinée 

L'Afrique de l'Ouest fait face à d’importants défis dans le domaine de l’énergie. La plupart des pays de la région souffrent d’un grave déficit en électricité et d’une infrastructure fragile, malgré l’abondance des ressources naturelles en énergies renouvelables comme le soleil, le vent et les rivières. 

Un modèle de coopération régionale efficace

Cette contradiction rend l’accès à l’électricité particulièrement complexe, notamment pour les pays qui dépendent largement de la coopération régionale, tels que la Mauritanie, le Sénégal, le Mali et la Guinée. Dès le début des années 1970, ces quatre États ont formé un groupement régional visant à exploiter les ressources en eau du fleuve Sénégal, qui prend sa source dans les hauteurs du Fouta-Djalon en Guinée et se jette dans l’océan Atlantique.  

Ces pays ont réussi à mettre en place un modèle de coopération régionale efficace en créant l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Parmi ses réalisations majeures figurent la construction des barrages de Manantali et Félou, qui fournissent une part significative des besoins en électricité de ces quatre pays. Toutefois, cette coopération est aujourd’hui menacée par les turbulences politiques et sécuritaires qui secouent la région depuis 2020, avec la résurgence des coups d’État militaires en Afrique, à commencer par celui du Mali.  

La démocratie n’a pas été la seule victime du putsch au Mali. Ses conséquences ont également touché toutes les avancées régionales construites par ces pays durant plusieurs décennies, notamment l’OMVS. Depuis trois ans, le Mali ne paie plus ses contributions financières à l’organisation et envisage même de s’en retirer définitivement. Une telle décision met en péril l’avenir de l’OMVS et, par conséquent, la coopération entre ces quatre États en matière de sécurité énergétique – un enjeu qui est devenu aujourd’hui un élément stratégique essentiel pour la sécurité, l’économie et la politique à travers le monde.  

Une solution d’appui, l’interconnexion Maroc-Mauritanie

Face à cette menace de dislocation de l’OMVS, la Mauritanie et le Sénégal ont commencé à chercher de nouvelles alternatives énergétiques. L’un des projets les plus étudiés actuellement est l’interconnexion électrique entre le Maroc et la Mauritanie. Le 23 janvier 2025, une lettre d’intention a été signée entre Leila Benali, ministre marocaine de la Transition énergétique, et Mohamed Ould Khaled, ministre mauritanien de l’Énergie et du Pétrole. Cet accord vise à renforcer la coopération dans le domaine de l’énergie, avec un accent particulier sur le projet d’interconnexion électrique entre les deux pays. L’objectif est de garantir la sécurité énergétique, diversifier les sources d’approvisionnement et stabiliser les réseaux électriques, ce qui permettra d’améliorer l’offre d’électricité dans les deux États.  

Grâce à ce projet, la Mauritanie espère réduire sa dépendance au barrage de Manantali et obtenir une source d’énergie stable et pérenne. Une extension du projet vers le Sénégal est prévue une fois l’infrastructure achevée. Cependant, le principal obstacle à ce projet reste politique : le Polisario, soutenu par l’Algérie essaye de s’opposer fermement à cette coopération, qu’il perçoit comme une menace à ses intérêts et à ceux de son parrain dans la région. Malgré cela, la Mauritanie semble déterminée à aller de l’avant, considérant cette interconnexion comme une opportunité pour réduire sa dépendance à des sources d’énergie précaires.  

Coopération régionale et ressources propres

À Nouakchott, on estime néanmoins que les solutions externes ne suffisent pas à elles seules. La Mauritanie possède d’importantes ressources naturelles et doit donc exploiter pleinement son potentiel local, en particulier dans les projets d’énergies renouvelables (solaire et éolien). Le pays investit également dans des sources d’énergie propres, notamment l’hydrogène vert et le gaz naturel, dont les premières exportations ont commencé fin 2024.  

Les défis auxquels la Mauritanie est confrontée ne sont pas une exception en Afrique de l’Ouest. L’ensemble de la région souffre de problèmes chroniques tels que le manque de financement, l’instabilité politique et le changement climatique, qui entravent la réalisation de la sécurité énergétique et de l’indépendance énergétique. Ce qui distingue la Mauritanie, cependant, c’est sa position géographique qui lui permet d’accéder à plusieurs sources d’énergie régionales, aussi bien au Nord qu’au Sud. Cela signifie que les solutions locales et régionales sont toutes deux essentielles. Le pays a donc un besoin urgent d’une stratégie globale, équilibrant coopération régionale et exploitation de ses ressources internes.  

L’interconnexion électrique avec le Maroc représente une avancée majeure, mais certains observateurs estiment qu’elle doit s’intégrer dans une vision plus large, incluant le développement des énergies renouvelables et l’amélioration des infrastructures locales. Parallèlement, il est crucial de trouver des solutions diplomatiques à la crise avec le Mali afin d’assurer la pérennité de l’OMVS, qui reste, malgré ses défis actuels, un élément vital pour la région.

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