Actu
Quatre lanceurs d'alerte préviennent de ''graves problèmes'' de sécurité sur des avions Boeing
Chris Moore tient une photo de sa fille Danielle Moore, décédée dans le crash du vol 302 d'Ethiopian Airlines, lors d'une audition de la sous-commission des enquêtes du Sénat américain sur la sécurité intérieure et les affaires gouvernementales, intitulée "Examiner la culture de sécurité brisée de Boeing : Firsthand Accounts", au Capitole à Washington, DC, le 17 avril 2024.. (Photo Drew ANGERER / AFP)
Quatre lanceurs d'alerte, dont un ingénieur et des anciens employés de Boeing, ont témoigné mercredi devant une commission d'enquête du Sénat américain pour prévenir de "graves problèmes" de production des avions Boeing 737 MAX, 787 Dreamliner et 777.
"Je ne suis pas ici parce que j'ai envie d'être ici. Je suis ici parce que (...) je ne veux pas voir le crash d'un 787 ou d'un 777", a déclaré devant les sénateurs Sam Salehpour, ingénieur qualité chez Boeing depuis dix-sept ans, disant avoir "de sérieuses inquiétudes concernant la sécurité du 787" et du 777.
"J'ai été mis à l'écart. On m'a dit de la fermer, j'ai reçu des menaces physiques", a poursuivi l'ingénieur. "Si quelque chose m'arrive, je suis en paix, parce que j'ai le sentiment que, en témoignant ouvertement, je vais sauver de nombreuses vies".
C'est un courrier de ses avocates, notamment à l'Agence américaine de régulation de l'aviation civile (FAA), qui est à l'origine de l'enquête sénatoriale.
L'audition de presque deux heures était la première d'une série au cours de laquelle des responsables de Boeing et de la FAA vont être appelés à témoigner, a précisé le sénateur démocrate Richard Blumenthal, président de la commission d'enquête.
"Il y a de plus en plus de graves accusations selon lesquelles la culture de la sécurité chez Boeing est brisée et que ses pratiques sont inacceptables", a relevé M. Blumenthal, précisant avoir reçu de nombreux témoignages ces derniers jours.
"Nous savons que nous avons encore du travail à faire et nous menons des actions à travers le groupe", a reconnu l'avionneur après l'audition.
"Les représailles sont totalement interdites chez Boeing", a-t-il assuré, indiquant que les signalements liés à la production avaient bondi de 500% depuis janvier, sur un an.
"Nous continuons de mettre la sécurité et la qualité au-dessus de tout le reste", a martelé le groupe, se disant "confiant dans la sécurité et la durabilité des 787 et des 777".
Quatuor
Outre M. Salehpour, la commission d'enquête a également entendu Ed Pierson —un ancien responsable de Boeing notamment sur le programme du 737 MAX—, Joe Jacobsen —qui a travaillé 25 ans à la FAA après onze ans chez Boeing— et Shawn Pruchnicki —spécialiste en sécurité aérienne et ancien pilote de ligne.
"J'ai fait tout ce que j'ai pu pour dire au monde que le MAX n'était toujours pas sûr et pour alerter les autorités sur les dangers de la production de Boeing", a expliqué M. Pierson. Mais "rien n'a changé après les deux crashs".
Les 737 MAX ont été cloués au sol dans le monde entier après deux accidents de 737 MAX 8 en 2018 et en 2019 (346 morts), à cause de défauts de conception.
"A moins qu'une action soit menée et que les dirigeants soient mis devant leurs responsabilités, chaque personne montant à bord d'un Boeing est à risque", selon M. Pierson, qui a estimé que la supervision de la FAA était "inefficace et réactive".
Boeing "doit s'engager à de réelles et profondes améliorations et nous engagerons leurs responsabilités à chaque étape", a indiqué le régulateur après l'audition. "Nous poursuivrons notre supervision incisive" de Boeing, a-t-il ajouté.
M. Blumenthal avait déjà appelé le ministère de la Justice à vérifier si Boeing respectait l'accord conclu en 2021 pour éviter un procès lié aux deux accidents. Les révélations au cours de l'audition vont sans doute accroître encore la pression.
A la suite de l'alerte lancée par M. Salehpour, la FAA a ouvert une enquête sur ces deux types d'avions.
Désormais, trois des quatre modèles d'avions commerciaux fabriqués par le groupe américain sont officiellement visés par une enquête du régulateur.
Il examine en effet la famille du 737, avion-vedette de Boeing, après qu'un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines a perdu une porte-bouchon en vol, le 5 janvier.
A ce sujet, M. Pierson a dénoncé une "dissimulation criminelle" quand Boeing affirme, selon l'autorité d'enquête NTSB, n'avoir aucune documentation concernant les manipulations sur la porte-bouchon dans son usine.
"Cette documentation existe (...) Je l'ai transmise moi-même au FBI", la police fédérale, "il y a plusieurs mois", a-t-il affirmé.
Selon un porte-parole de la NTSB mercredi, cette agence "n'a reçu aucune documentation de ce genre que ce soit de Boeing ou d'une autre entité".
Un audit de la FAA a identifié des "problèmes de non-conformité" chez le constructeur et chez son sous-traitant Spirit AeroSystems.
L'incident d'Alaska s'est produit dans le sillage de plusieurs problèmes de production en 2023, concernant le 737 MAX et le Dreamliner. (AFP)