Science & tech
Intelligence artificielle, innovation et gestion des crises
La gestion des crises : Comprendre, répondre, prévenir
En ces temps de contraintes, d’hypothèques majeures et de crise, voilà une grande opportunité pour remettre à plat l’ensemble des composantes du système social. N’est-ce pas toute l’organisation qui est à revoir ?
Bien avant cette pandémie de la Covid-19, la réflexion nationale avait porté, avec le discours royal d’octobre 2018 sur le réexamen du modèle de développement. Dans cette vaste problématique, l’on peut retenir en particulier cette triple thématique : l’intelligence artificielle, l’innovation et la gestion des crises.
En premier lieu, l’intelligence artificielle, mais pour quoi ? Parce qu’elle a un lien avec le renforcement de la compétitivité de l’Etat ou d’une entreprise. L’innovation industrielle peut présenter deux formes. Elle est technique pour stimuler la demande : elle fait naître ainsi de nouvelles technologies. Une illustration en a été faite, avec cette crise sanitaire : celle de la production de masques par le Maroc avec même des exportations. L’innovation, en second lieu, peut être aussi immatérielle en ce qu’elle regarde une méthode, une organisation, un service ; elle conduit pratiquement aux technologies organisationnelles. Mais encore, faut-il opter pour des technologies porteuses. Celles-ci sont un instrument privilégié de sensibilisation et de promotion d’un développement technologique. Elles sont, d’une autre manière, des technologies diffusantes susceptibles d’être de génératrices des gains de productivité, et, partant, aidant au développement de nouveaux marchés. C’est là, assurément, un outil structurant d’aide à la décision tant pour les entreprises que pour les pouvoirs publics. D’où la nécessité de mobiliser autour d’une stratégie de R&D. Deux volets sont à retenir à cet égard : celui des mesures d’incitation à l’innovation et celui de la détection des nouveautés, des innovations et des technologies nouvelles.
Comprendre, répondre et prévenir
Un paradigme axé sur l’intelligence des crises décliné autour de ce triptyque : comprendre, répondre et prévenir. L’on parle de crise. Il semble bien que dans le monde contemporain, l’on évolue au rythme permanent des crises ; l’on passe de l’une à l’autre, quand elles ne sont pas cumulatives voire même concomitantes. Mais cette notion de crise présente bien des ambigüités et de confusions. Elle sert à désigner ce qui est innommable, à faire référence à l’impensé. Elle renvoie à une double béance ; béance dans notre savoir, béance aussi dans l’appréhension de la réalité sociale où se manifeste la crise. Elle traduit une situation dynamique, déclenchée, mais par quoi ? Soit par un évènement soudain et surprenant – sa traduction est précisément un état de crise pour des communautés ou des organisations ; soit encore à la suite d’une accumulation de défaillances organisationnelles et/ ou techniques cristallisées par un événement déclencheur. En l’espèce, au Maroc, la crise liée à la Covid-19 tient bien entendu, à un « événement » inattendu ; mais elle relève aussi d’un processus long de maturation ou d’accumulation d’insuffisances et de vulnérabilités lequel a basculé en crise.
Ici, il faut mentionner une autre notion : celle de « territoire ». Ce n’est pas seulement la grille de géographie humaine et politique ; c’est aussi une nature matérielle, « géographique » évidente en tant qu’espace social. Crise et territoire sont ainsi étroitement liés. Un territoire géographique est en effet précis, de dimension variable : quartier, ville, département, Etat mais aussi entreprises, structure publique ou privée. Chaque territoire est soumis à une grande diversité de risques ou de menaces. Il est indispensable alors d’élaborer et de mettre en place un outil à forte connotation : la cartographie des risques. Celle-ci ne peut qu’aider à une analyse permanente et évolutive des possibles éléments perturbateurs. Un territoire renferme, peu ou prou, des vulnérabilités ou fragilités participant à la constitution d’un terreau favorable à l’émergence d’une situation de crise.
Crise or not crise ?
La vie sociale, économique et politique ne peut faire l’objet de conclusions définitives et péremptoires ; tant de paramètres ne sont pas maitrisables ! Difficile de soutenir des prédictions et des sentences sans appel. D’où la nécessité d’une analyse objectivée de la situation « de terrain ». Trois points sont à retenir en particulier : le degré d’incertitude, la complexité et l’urgence de la situation. La perception de la réalité ne doit pas être floue pour pouvoir conduire à une réponse complexe. Appréhendable. Et opératoire. Des ramifications et des interfacions visibles ou informelles ne sont pas à évacuer : tant s’en faut. Ce peut être des effets domino des conséquences, des blocages de gouvernance, des positions d’acteurs…
Au Maroc, l’on a beaucoup appris de cette crise de près d’un an. De nouvelles capacités d’adaptation, voire d’anticipation ont été mises en relief. Une sorte de boite à outils a poussé à faire face en termes de mobilisation, de réactivités aux demandes et aux besoins, de partage de tâches, d’adaptabilité et de coordination. Des capacités managériales ont fait leurs preuves, même laborieusement. Cela se vérifie non seulement dans la mise en œuvre des politiques publiques (santé, éducation, digitalisation de l’administration,…) mais aussi dans le tissu productif.
Gérer les risques et les crises ne se limite pas à ces seuls aspects. Il faut également faire appel à une gestion stratégique et proactive celle-là, une culture de prévention aussi. La déclination de cette approche se retrouve dans trois domaines liées entre eux d’ailleurs. Le premier d’entre eux a trait à la compréhension du processus de crise dans sa dimension globale. Il faut donner un sens aux mesures anticrises ; l’inconnu, l’imprévue, l’inextricable, surtout s’ils sont complexes. Ils font peur et paralysent l’action. Le deuxième regarde l’adaptation conditionnée des réponses à la réalisation d’un diagnostic ouvert et transversal. Enfin, le dernier intéresse l’intégration d’une démarche de prévention et de préparation accompagnant toutes les phases du processus de crise ? De levier et un accélérateur de réformes efficientes…