Le Momentum Africain (2/2) : Renouvellement de la perspective géostratégique africaine par le Roi Mohammed VI – Par Eugène Ebodé

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Le renouvellement de l’offre économique inclut le partage des richesses par les vertus du décloisonnement territorial et des grands projets d’intérêt commun. Il y a ici, sur le plan géopolitique, une volonté du Roi Mohammed VI de rebattre utilement la cartographie classique de l’Union africaine reposant notamment sur huit CER (Communautés Économiques Régionales) dont la délimitation a montré ses limites

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La dimension visionnaire et imperturbable de Sa Majesté le Roi Mohammed VI est un tournant décisif. Ce tournant, le Roi Mohammed VI l’avait sans ambiguïté annoncé en 2014 à Abidjan : « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique ». Cette continentalisation de la vision trouve sa traduction programmatique dans plusieurs champs d’application dont on peut facilement résumer les objectifs majeurs : clore le cycle des désespérances intra-africaines et enclencher l’ère du renouvellement de la cartographie géopolitique. Il y a ici combinaison de la diplomatie pour un leadership en matière d’ancrage continental et une ambition économique africaine. Elle passe par l’infrastructurel et les opérations concertées en matière portuaire. Au bout de la nouvelle pensée économique, la question de l’échelle des investissements pour une production des richesses reposant sur un modèle transnational est donc à l’ordre du jour. Elle implique, dans ce volontarisme, un partage, lui aussi transnational, de la croissance et des richesses. 

Nul doute que ce modèle, s’appuyant sur une volonté politique claire, s’inscrit aussi dans un élargissement des sécurités collectives et dans la perspective d’une meilleure stabilité des nations sahéliennes. Cette offre qui cumule les aspects économiques et sociaux pourra ainsi contribuer à diffuser de l’optimisme et à invalider les thèses pessimistes que la chronique des fragilités et des insécurités propage. Le renouvellement de l’offre économique inclut le partage des richesses par les vertus du décloisonnement territorial et des grands projets d’intérêt commun. Il y a ici, sur le plan géopolitique, une volonté du Roi Mohammed VI de rebattre utilement la cartographie classique de l’Union africaine reposant notamment sur huit CER (Communautés Économiques Régionales) dont la délimitation a montré ses limites voire ses incohérences. On le voit, le leadership est du côté de la diplomatie marocaine et son incarnation est assumée par la disponibilité et par les propositions d’un Roi inspirateur. Il soumet avec constance et pragmatisme une approche culturelle intégrationniste, comme le démontre son soutien à la culture, et une perspective de renouvellement géostratégique, comme le souligne l’initiative concernant le littoral atlantique. Tout ce qui peut accélérer les inclusions passe par une Afrique maîtresse de son destin, tout en restant ouverte aux partenariats extérieurs.

La place de la littérature

Elle réside dans l’alimentation des imaginaires. La place de la littérature est mesurable à travers les offres de lecture – par l’écrit ou par l’oraliture – et leur distribution. C’est de cela aussi que dépend la capacité à déployer la force particulière des civilisations de l’écrit. L’Afrique a un retard sur ce plan. Il faut y répondre d’urgence. Mais le renforcement des éditions de qualité est en cours. Le public africain a longtemps dénoncé ses littérateurs et ses littératures « confisqués » par les puissances extérieures. Ce constat, l’Académie du Royaume du Maroc y apporte de nouvelles réponses par la création de nouvelles chaires et l’ouverture tous azimuts de chantiers du gai savoir pour reprendre une expression de Nietzsche. Il s’agit de la culture ouverte aux plus grandes réverbérations de l’esprit et aux plus enrichissantes contributions. Elles sont sollicitées pour apporter des réponses aux interrogations du monde qui ne soient ni dictées par le désir de vengeance ni par la fièvre impérialiste, mais exprimant les réflexions qui s’imposent. 

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L’Académie du Royaume du Maroc a ainsi créé une chaire des littératures et des arts africains fondée sur la nécessité de proposer une offre de relecture unifiée des littératures et des arts africains dans une philosophie confraternelle et un esprit de totale liberté d’expression. Cette ambition culturelle s’est traduite par des colloques. Le premier portait sur la réhabilitation de l’écrivain malien Yambo Ouologuem. Il a été suivi par un réexamen du Devoir de violence aux États-Unis d’Amérique et par la republication, cet été aux États-Unis, de ce roman qui a passé près de cinquante ans au purgatoire, pour ne pas dire à l’enfer des lettres contemporaines. Le professeur Abdeljalil Lahjomri, Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, dans une chronique sérielle consacrée en 2022 au magistral roman La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr, prophétisait sur le site Quid.ma : « On sait que Elimane est un peu Yambo Ouologuem et que Le Labyrinthe de l’inhumain est beaucoup Le Devoir de violence. Les “inédits”, s’ils existent, sortiront Yambo Ouologuem de l’anonymat comme la dédicace du Goncourt l’a fait, renouvelleront la lecture du Devoir de violence comme La plus secrète mémoire des hommes vient de renouveler son lectorat. »  

C’est en effet ce qui vient de se produire aux États-Unis d’Amérique où un article du New York Times, signé par Elian Peltier, le 27 septembre 2023, raconte le retour en grâce d’un auteur que le professeur Lahjomri saluait en congédiant sans équivoque le réquisitoire des procureurs littéraires du Devoir de violence : « Cette critique, désespérément myope, ne s’apercevra pas que Yambo Ouologuem avait légitimement le droit d’emprunter la forme des contes oraux de l’histoire culturelle de son pays, d’écrire en quelque sorte l’oralité, d’en abuser, de transformer ces contes en de passionnantes épopées qui d’âge en âge berçaient de rêves et de légendes une mémoire rebelle à l’oubli et à l’effacement. Ces légendes étaient peuplées aussi et surtout de conflits meurtriers, de génocides, de victoires, de défaites, d’effondrements, de violences de toutes sortes, de pleurs et de sang. » 

En publiant les contes du grand-père Ouidi, il s’agit aussi de poursuivre le travail de fortification des imaginaires en mobilisant l’Histoire et la géographie, ou plus exactement, au point d’intersection de ces deux disciplines, l’amour d’un continent. Ce livre de contes, dont la suite évoquera le nouvel âge africain, est le premier d’une longue série. Un projet littéraire qui place la transnationalité au cœur de l’imaginaire et de la création, reprenant ici ce qu’accomplit au plan du réenchantement des politiques publiques étatiques le Roi Mohammed VI, l’Inspirateur. Ce faisant, il se place au centre des dynamiques continentales illustrant ce que les Américains désignent par le « Momentum ». Celui-ci est aujourd’hui clairement lisible dans l’aspiration panafricaine.