Le prophète en exil – Par Samir Belahsen

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Ce chef d’œuvre combine les sources orientales et occidentales du mysticisme et présente une symbiose poétique faite de questions et réponses sur les thèmes les plus divers

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« Quand l'amour vous fait signe de le suivre, suivez-le,

Bien que ses chemins soient rudes et escarpés.

Et lorsqu'il vous étreint de ses ailes, abandonnez-vous… »

Khalil Gibran

« Quelques-uns d’entre vous disent, « La joie est plus grande que la tristesse », et d’autres disent, « Non, c’est la tristesse qui est la plus grande ». Mais je vous dis, elles sont inséparables. Elles viennent ensemble, et quand l’une est assise seule avec vous à votre table, n’oubliez pas que l’autre est endormie sur votre lit. »

Khalil Gibran

Gibran Khalil Gibran (1883-1931) est d’abord l’auteur du best-seller « Le Prophète » qui a bouclé en 2023 son centenaire. C’est le livre qui a fait l’auteur, confirme  qu’avec le temps qui passe, il se bonifie.

Je l’avais lu à la fin des années 70. J’ai toujours cru que c’était la seule version originale ; il s’avère que l’auteur l’avait écrit en langue arabe puis l’avait lui-même traduit en langue anglaise, sa langue d’exil. 

Ce chef d’œuvre combine les sources orientales et occidentales du mysticisme et présente une symbiose poétique faite de questions et réponses sur les thèmes les plus divers posées à un sage qui s’apprête à quitter la ville imaginaire d’Orphalese où il habitait.

Si le style littéraire rappelle « Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzsche, on ne peut que penser à Socrate pour la connaissance de soi, à Spinoza quand il parle de Dieu.

Mysticisme 

Al mustapha ( l'élu de Dieu), un sage « vénérable » s'apprête à quitter son exil, il doit prendre la mer et à quitter Orphalese où il a vécu douze ans. Avant son retour à son île

natale, les habitants de la cité souhaitent l'interroger encore une fois sur des questions qui les préoccupent. Elles sont d'ordre spirituel : la vie, la mort, l'amour... soit d'ordre matériel.

L'amour, le mariage, les enfants, la prière, la joie, la tristesse, la liberté, le bien et le mal, le plaisir, la religion, et la mort préoccupent la cité. 

Ce sont les questions que tout le monde se pose, l’auteur certainement, moi-même souvent. Quant à vous, vous vous les êtes posées à un moment ou à un autre sinon vous vous les poserez un jour ou l’autre.

Ni Almustapha (le sage), ni Kahalil Gibran, ni aucun sage n’apporte les réponses que l’on pourrait souhaiter, il nous propose une piste. Toutes les réponses, selon lui, se trouveraient déjà en nous...

Ses réponses sont plutôt belles, métaphoriques et poétiques. Elles forment une philosophie empreinte de bon sens avec des mots qui apaisent, des mots qui s'apparentent à une musique douce.

Le texte, dans sa traduction française de Philippe Morgaut est ciselé, chaque phrase mérite méditation. On dirait un concentré de sagesse.

Deux exemples : " Vos enfants ne sont pas vos enfants. ils sont fils et filles du désir de vie en lui-même. Ils viennent par vous mais non de vous, et bien qu’ils soient avec vous, ce n’est pas à vous qu’ils appartiennent. Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez loger leurs corps mais non leurs âmes, car leurs âmes habitent la demeure de demain, que vous ne pouvez vous efforcer de leur ressembler, mais n’essayez pas qu’ils vous ressemble.. ".

"Voilà ce que j'ai trouvé plus essentiel que la sagesse, l'âme qui est en vous flamboie et sans cesse s'augmente de son propre feu."

Les calligraphies arabes qui ponctuent les pages du livre sont éblouissantes . Elles sont légères et apaisantes. Les couleurs sont vives mais sans violence.

Testament 

Dans un langage simple et poétique Gibran cherche l’humain en lui, en s’adressant  à tous ceux qui ont envie de trouver leur vérité intime, à tous ceux qui ont envie de se chercher et de chercher l'humain qui est en eux.

Avec ce petit chef d'œuvre édité en Amérique en 1923, en Anglais après l'avoir d'abord écrit, à l’âge de quinze ans, en Arabe et retravaillé, minutieusement, plusieurs fois. Il avait quarante ans. 

C'était donc un travail mûrement réfléchi écrit par un poète, artiste peintre, en vingt-cinq ans. C’était son testament, un testament empreint de poésie et de spiritualité…. Une sagesse universelle, un hymne à la vie en guise de legs.