économie
Un triple défi à notre portée : surmonter la crise sanitaire, sauvegarder et relancer l’économie
La crise économique globale qui est entrain de découler de la crise du coronavirus rappelle combien le rôle de l’Etat régulateur est salvateur. L’Etat marocain a montré ses capacités d’intervention grâce à la vision du Roi. Il nous revient d’œuvrer, chacun à son niveau, avec engagement, responsabilité et solidarité. Si Amina Benkhadra met plus de 12 milles caractères pour y arriver, c’est en fait son postulat de départ sur lequel elle développe sa perception de ce qu’est le Maroc face au coronavirus et sa vision de ce qu’il devrait être à la sortie de la crise sanitaire. D’habitude discrète, elle estime certainement que la situation exige la prise de parole et des propositions. Elle met l’accent ici sur les axes qui doivent faire l’objet de l’intérêt du Maroc et des Marocains, peuple et institutions, Etat et société.
Amina Benkhadra, ingénieure, membre du Bureau politique du RNI, est directrice générale de l'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) et siège également au conseil d’administration du groupe Managem2. Elle a été ministre de l'Énergie, des mines, de l'eau et de l'environnement du Maroc dans le gouvernement El Fassi entre 2007 et 2012.
En cette année 2020, porteuse des défis liés à la propagation de la pandémie COVID-19, je voudrais tout d’abord dire la fierté qui est la nôtre d’être Marocain, la fierté d’appartenir à un Pays dont le Souverain veille sur la destinée et qui avec clairvoyance, vision éclairée et détermination, a pris les décisions d’intervention pour gérer la pandémie et limiter les impacts sur la population et l’économie.
D’entrée de jeu, toutes les dispositions prises ont mis l’humain au cœur de toutes les actions et ceci est très important. Ce qui s’accomplit aujourd’hui dans notre pays témoigne d’une intelligence collective que nous devons saluer et préserver pour nos actions futures. Il faut rendre hommage à toutes les parties prenantes engagées dans l’action au quotidien : Gouvernement, Autorités, Forces Armées, Personnel médical, Gendarmerie, Police, Personnel d’entretien, Entreprises et autres, au service des citoyens.
Oui la crise est là et on ne sait pour combien de temps mais nous avons les ressources et les énergies pour y faire face, pour relever les défis et saisir les opportunités d’une nouvelle dynamique.
La crise du Coronavirus sera forte, systémique, et ses effets d’une ampleur sans précédent sur les systèmes économiques et commerciaux. Nos modes de pensées, nos attitudes, nos façons de produire, travailler, consommer et coopérer avec les autres évoluent et continueront d’évoluer à l’échelle des individus, des Etats et des organismes de gouvernance internationale. Dans ce contexte, les pays les plus agiles peuvent sortir de cette crise par le haut. Le Maroc semble être dans cette perspective. Tout en poursuivant le programme de court terme, le Maroc doit préparer ses plans de sortie de crise et de relance, préparer les scénarii de financement et les modalités de mise en œuvre.
Parmi les sujets importants à traiter, je citerai :
La lutte contre la pauvreté et la précarité
Beaucoup de nos concitoyens sont dans une situation difficile liée à la faiblesse de leurs revenus. Les différentes prises en charge lancées depuis le début de la pandémie touchent principalement les personnes disposant de la CNSS ou du RAMED et soulagent leur situation. Parallèlement, il va aussi falloir mettre en place des filets sociaux pour les ménages les plus vulnérables des secteurs aussi bien formel qu’informel.
Le bouclier social permettra d’éviter une crise et des tensions. Les ménages fragiles sont estimés à quelque 2 millions, soit 8 millions de personnes, y compris les indépendants de l’informel.
Cette catégorie de la population mérite des aides directes avec un revenu minimal jusqu’à la fin de l’alerte en plus du moratoire sur les échéances de crédits à la consommation et immobiliers.
Il faudra accélérer la mise en œuvre de l’identifiant unique et du salaire universel minimum qui proviendrait du regroupement de toutes les initiatives existantes.
Le renforcement de la protection sociale et le développement de la sécurité sociale
Au cours des 10 dernières années, le Maroc a beaucoup investi dans son système de protection sociale. Néanmoins il doit s’atteler à corriger la fragmentation des programmes et améliorer la gouvernance de la protection sociale.
Il faut s’occuper des plus vulnérables comme la partie importante de la population qui n’est pas couverte par une assurance de santé et les femmes en situation de précarité. Des transferts monétaires et des services médicaux gratuits pour les plus vulnérables, correctement identifiés, contribueraient à contenir l’épidémie tout en atténuant ses conséquences financières négatives en attendant une profonde réforme du système de couverture.
La priorité à la santé
Notre système de santé, décrié avant le COVID-19, doit constituer une des priorités de la période que nous traversons. Le fonds de soutien COVID-19 a dédié 2 milliard de dirhams pour faire face aux actions urgentes pour la lutte contre la pandémie. Tout le monde s’accordera sur la nécessité d’une nouvelle gouvernance et d’une nouvelle organisation :
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Le médecin de famille dont la mission primordiale est de désengorger les services hospitaliers
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Le regroupement intelligent des centres de santé et la création de CHU par région ;
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La mise en place d’une carte sanitaire individuelle ;
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La gouvernance renouvelée dans la gestion des hôpitaux, des chaines logistiques de distribution des médicaments, des achats d’équipements et surtout de l’entretien des équipements (dont plusieurs centaines sont à l’arrêt par manque de pièces) ;
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La juste rémunération du personnel médical et sa couverture assurance maladie ;
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La généralisation de la couverture maladie (aujourd’hui près de 50% de la population n’en dispose pas).
La généralisation du numérique (e-administration, e-entreprise, e-éducation, e-santé, e- Banking) et la digitalisation :
Le Maroc a fait preuve d’une grande agilité en termes d’adoption de solutions numériques dans différents secteurs : éducation, administration, entreprise, etc.
Il faut généraliser les connexions à des prix abordables pour toutes les franges de la population et notamment celles qui pourraient souffrir aujourd’hui : déploiement de solutions innovantes dans les régions enclavées et pour les familles démunies dont les enfants risquent un nouveau décrochage scolaire.
C’est aussi l’occasion d’accélérer le e-paiement ou mobile money et de pouvoir couvrir le maximum de commerçants et de services.
L’Agence de développement du digital (ADD) collabore en ce moment avec le département de la Réforme de l’administration pour la prise d’un ensemble de mesures aidant les Administrations publiques à adopter des solutions numériques.
Ces solutions s’appliquent aux divers services publics, qu’ils soient centraux, régionaux ou provinciaux et ont une importance cruciale dans l’amélioration des performances de l’Administration publique, et pour assurer la continuité du service administratif.
Le déploiement devrait se faire dans un délai défini et devrait devenir obligatoire.
Le soutien à la recherche développement et à l’innovation
Il y a beaucoup de potentiel dans notre pays ; la preuve en a été faite par les programmes développés en urgence lors de cette crise. Il faut aller plus loin, faire confiance aux capacités de nos concitoyens et les accompagner. Il faut identifier les domaines scientifiques prioritaires, créer des pôles d’innovation entre les entreprises et les universités, mobiliser les ressources humaines dédiées à la R&D, augmenter la part du PIB consacrée à la R&D, participer plus activement aux programmes internationaux, valoriser les chercheurs et modifier notre système de gouvernance.
La sauvegarde et la relance de l’économie.
La crise est là et le monde de l’après corona ne sera pas celui de l’avant corona. De nombreuses évolutions se mettront en place.
D’un côté nous devons être prudents mais nous devons aussi nous autoriser à rêver d’un monde meilleur. Des nationalisations, des relocalisations se mettront en place. ; nous devons saisir toutes les opportunités.
Il faudra un plan de sauvegarde des secteurs les plus gravement touchés puis un plan de relance aussi bien du côté de l’offre que de la demande. Pour cela, le déficit budgétaire ne devrait pas être une contrainte. On a vu toutes les démarches lancées par de nombreux pays pour se libérer de cette contrainte et soutenir l’économie.
Du côté de l’offre, le soutien aux entreprises, grandes ou petites, est nécessaire pour sauvegarder les emplois et par ricochet la demande.
Des plans spécifiques pour les secteurs très affectés comme le transport aérien, le tourisme devront être déployés sans oublier les secteurs du commerce, de la restauration, du BTP, de la distribution automobile et hydrocarbures, des services etc. Pour la relance, l’Etat devra intervenir pour définir les industries stratégiques (pharmacie, nouvelles technologies, énergies renouvelables, etc.) et revoir son portefeuille de participations.
L’économie verte et la préservation de la biodiversité
En quelques semaines, la pandémie du coronavirus est devenue le symbole de l’impact de l’Homme sur la biodiversité.
La crise sanitaire du coronavirus a des effets positifs à court terme sur l’environnement et a engendré une prise de conscience écologique qu’il convient de préserver pour construire un nouvel esprit de solidarité, de sobriété et de responsabilité écologique.
Au Maroc, l’engagement en faveur de la protection de l’environnement ne date pas d’aujourd’hui. L’environnement et le développement durable sont considérés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’Assiste, comme une priorité et revêtent de ce fait une importance capitale dans les politiques du Maroc.
Aujourd’hui, il convient de renforcer les différents mécanismes mis en place par le Maroc et d’accélérer leur mise en œuvre notamment :
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Consolider la gouvernance du développement durable, notamment en renforçant le cadre juridique et les mécanismes de contrôle et les instruments économiques et financiers et mettre en œuvre une politique fiscale environnementale.
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Assurer la conservation et la gestion rationnelle des ressources naturelles
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Promouvoir une gestion intégrée des déchets pour mettre en œuvre une économie circulaire.
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Améliorer la gestion et la valorisation des ressources naturelles et renforcer la conservation de la biodiversité :
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Saisir les opportunités de la finance climat.
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Accorder une vigilance particulière aux territoires sensibles (gestion durable du littoral, zones oasiennes et les zones désertiques, zones de montagne).
Par ailleurs, la stratégie énergétique mise en place en 2009, avec le développement volontariste des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, citée aujourd’hui en modèle, se poursuit ; Il est prévu, pour chaque projet, des modalités d’intégration industrielle locale. Ce volet devra être renforcé pour les PME marocaines. Il s’agit d’inscrire l’Accélération Industrielle dans une trajectoire d’économie verte
La place de la transition énergétique et du développement durable devra être renforcée dans le cadre du plan de relance pour la gestion de l’après Covid.
En effet, le développement des énergies vertes constitue une source non négligeable de créations d’emplois, de filières industrielles et de renforcement de la recherche-innovation. Il faudrait donc respecter les objectifs fixés avant la crise mais également accélérer leur mise en œuvre, notamment pour le volet efficacité énergétique.
L’AFRIQUE : la nécessaire coopération
L’Afrique, touchée comme tous les continents, est plus exposée aux risques de fragilisation. Mais la crise actuelle pourrait donner aux Africains l’occasion d’opérer un saut dans le domaine sanitaire, en usant massivement des services de télémédecine, d’identification numérique, de paiement mobile, d’apprentissage en ligne et d’entraide.
L’appel de Sa Majesté le Roi Mohammed 6 que Dieu L’assiste, pour une initiative pragmatique et orientée vers l’action, permettant un partage d’expériences et de bonnes pratiques entre les pays africains témoigne de son fort engagement pour un développement durable et inclusif de notre continent.
Dans cette épreuve, l’Afrique doit démontrer à nouveau son ingéniosité et miser sur la résilience solidaire de sa société civile, la créativité de sa jeunesse et la coopération intra africaine.
La crise économique globale qui est entrain de découler de la crise du coronavirus rappelle combien le rôle de l’Etat régulateur est salvateur. L’Etat marocain a montré ses capacités d’intervention grâce à la vision éclairée de Sa Majesté Le Roi que Dieu L ’assiste. Il nous revient d’œuvrer, chacun à son niveau, avec engagement, responsabilité et solidarité.