L’interventionnisme stade suprême de l’impérialisme – Par Mohamed Chraïbi

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Au total, depuis la création des États Unis en 1776, le cumul des durées des guerres impliquant ce pays s’élève à 74 ans. Soit près du tiers de son existence.

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Depuis leur naissance, il n’y a probablement pas un coin de la planète où les États Unis ne sont pas intervenus d’une façon ou d’une autre qui se situe entre deux extrêmes : le génocide (indiens d’Amérique) à une extrémité et le salut à l’autre (guerres mondiales, la seconde surtout). Entre ces deux limites, des interventions directes ou en sous main pour installer des dictateurs en Amérique latine, en Afrique et en Asie ou pour faire chuter des dirigeants légitimes (Mossadegh, premier ministre iranien, 1953) ou contestés (Iraq, Syrie, Libye…plus récemment). 

Au total, depuis la création des États Unis en 1776, le cumul des durées des guerres impliquant ce pays s’élève à 74 ans (ChatGPT). Soit près du tiers de son existence. Rapporté à un pays comme le Maroc cela représenterait 400 ans et à un pays comme la Chine un bon millénaire. Sans compter les guerres par procuration pendant la guerre froide. Ni celles entretenues par la fourniture d’armes et de soutien diplomatique comme en Ukraine et Gaza. Avec leurs 750 bases militaires dans 80 pays, servies par un personnel dont les effectifs se comptent en centaines de mille (ChatGPT), les États Unis se sont auto-proclamés « Gendarmes du monde » sans le consentement de qui que ce soit. 

On a fait avec tant qu’ils ont épargné notre raison mais l'offensive menée contre celle-ci le 6 janvier 2020 à Washington, quand le président en exercice a tenté un coup d’Etat sous les cameras des télévisions du monde entier, sans autre réaction des garde-fous institutionnels (Check and balance) que de fumeuses menaces d’impeachment et de destitution initiées par une majorité du « cabinet » (quelle ironie) et du vice-président. Alors que le bon sens commun aurait exigé de mettre Trump sous les verrous (en l’absence de dispositions constitutionnelles qui ne pouvaient prévoir une situation aussi imprévisible) en attendant de le traduire devant une juridiction ad hoc. Comme cela eût été le cas dans n’importe quelle démocratie. Au lieu de quoi, Trump a tranquillement été au bout de son mandat de président de la première puissance mondiale avec les pouvoirs attachés à sa fonction notamment celle de déclencher une guerre qui pouvait annihiler l’humanité (1). Et ce n’est pas de l’histoire ancienne puisqu’il est fortement question du retour de Trump à la Maison-Blanche en Janvier prochain.  

L’offensive contre notre raison n'a pas pris fin avec le changement à la tête des États-Unis. Biden qui lui a succédé, dans un show d’équilibriste maladroit ; tente, depuis quelques semaines, de nous faire croire qu’il se soucie du sort des Palestiniens en même temps qu’il fournit à Israël les moyens de les éradiquer. Aaron Bushnell qui a vu clair dans son jeu macabre s’est immolé, le 21 février dernier, sous ses fenêtres en clamant que son geste pour extrême qu’il apparaissait ne l’était pas au regard de la normalité décrétée par la classe dirigeante de son pays (2). Et il est permis de douter que le retour de Trump à la tête des États-Unis infusera plus de raison dans la politique américaine. 

Lire aussi : Le suicide d'Aaron Bushnell hantera ''ceux qui refusent de changer de cap'' – Par Mohamed Chraïbi

Rien ne semble illustrer, a mes yeux, le tragi-comique de la politique américaine sous Biden dans le conflit israélo-palestinien que les largages récents  de nourriture sur Gaza : situation ubuesque où les Américains font pleuvoir sur Gaza les bombes fournies à Israël  et des vivres (dont on ne sait  parfois s’ils relèvent de l'erreur innocente ou de l'ironie maligne) (3). Le paroxysme en fut atteint lorsque les intentions humanitaires de ces largages ont été dévoyées par la chute accidentelle de colis qui a causé la mort de quelques bénéficiaires. Bien que n’en ayant aucune preuve il est à parier que les Israéliens qui bloquent l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza ont dû se réjouir de cet accident ordonné par Dieu en faveur du « peuple Élu ».

L'interventionnisme américain ne s'est évidement pas cantonné au militaire : au plan du soft power, les E.U. ont investi jusqu’à nos préférences culturelles (Cinéma, musique…), vestimentaires (jeans, sneakers..) voire alimentaires (fast food, coke....). Ils ont même façonné nos fantasmes sexuels par le biais de leurs stars Hollywoodiennes (Monroe, Gardner, Gâble...). 

Avec leurs GAFAM ils ont violé notre correspondance, nous ont subtilisé nos pensées, nos goûts voire nos fantasmes sur tous les sujets qu’ils ont revendus à des marchands pour leur permettre un meilleur accès à nos revenus et nos économies. 
Outre leur responsabilité dans notre aliénation culturelle, j’accuse les États Unis de s’en prendre à notre raison, de dévoyer nos cerveaux de sorte à leur faire admettre que l’inadmissible est  la norme. En un mot, d’être à l’origine de ce que j’aurais qualifié d’ « Apocalypse cognitive » si l’expression n’avait été utilisée, dans un sens différent, par un sociologue français. (4)

(1)En 2018, Ted Lieu élu démocrate de Californie au congrès américain l’a cru au point d’appeler le chef d´Etat major des armées, le général M. Milley pour avoir l’assurance qu’il ne se soumettrait pas à un ordre de Trump de déclencher une frappe nucléaire, 

(2) voir dans Quid.ma ma chronique consacrée à cet événement. 

(3) le linguiste Mohammed Ashanat rapporte qu'après avoir attendu, avec des milliers d'autres réfugiés affamés, sur une plage de Gaza, la chute du colis salvateur a finalement été gratifié de bouteilles d'eau minérale et de… vinaigre (New York times 18/3/24)

(4) Gérard Bonner, « l’apocalypse cognitive » 2021