LA POLITIQUE AUJOURD'HUI… - Par Mustapha SEHIMI

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Le champ de la politique s'est fortement rétréci; il se serait même stérilisé

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L'écume des jours - ou l'histoire immédiate si l'on préfère - ne permet pas toujours d'appréhender le fond de la politique au Maroc. Référence est faite aux contraintes de la gestion actuelle des politiques publiques, à leurs limites surtout. Un tableau en demi-teinte...

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Le Maroc de cette fin 2024 a profondément changé depuis un quart de siècle. Tous les indicateurs socioéconomiques en témoignent; les chantiers réalisés ou en cours, les réformes de tous ordres complètent cet état des lieux. Mais en creux, comment ne pas relever un certain nombre de faits qui obèrent dans une large mesure un certain discours officiel cédant allègrement à l'autosatisfaction. 

Au plan politique, c'est évidemment la constitution du 29 juillet 2011 qui est le référentiel fondamental de ce Maroc-là. L'on doit rappeler son contexte : elle est liée à la dynamique contestataire du " printemps arabe" et de sa variante nationale, le "Mouvement du 20 février"; auparavant, la séquence décennale était celle de la monarchie exécutive. La sagacité et le courage de SM Mohammed VI a été marquée du sceau de la réactivité en proposant en mars 201I les axes d'une nouvelle loi suprême. 

2011, de grandes avancées.

Celle-ci a marqué sans conteste de grandes avancées: la consécration de la diversité de l'identité nationale avec ses composantes et ses multiples affluents ; une vingtaine d'articles sur les libertés et droits fondamentaux ; le rehaussement du statut et du rôle de l'exécutif et du Chef du gouvernement ; l'élargissement des attributions du Parlement ; l'indépendance de la justice, le statut des régions au côté des autres collectivités locales ; des principes généraux de bonne gouvernance avec des institutions et instances (CNDH, médiateur, CCME, Instance nationale de probité, et de régulation (HACA, Conseil de la concurrence, Conseil Supérieur de Éducation, Conseil consultatif de la famille et de l'enfance, Conseil de la jeunesse et de l'action associative. Treize ans après, comment présenter le bilan de toutes ces institutions ? Certaines fonctionnent avec un "recadrage", tel le Conseil de la concurrence par suite du lobby des sociétés d'hydrocarbures; d'autres piétinent et n'impriment pas; d'autres enfin n'ont pratiquement aucune visibilité (Conseil de la jeunesse, Conseil de la famille et de l'enfance). Ainsi a-t-on affaire à une Constitution appliquée à la carte ! C'est également vrai pour le Conseil supérieur de sécurité, prévu par les dispositions de l'article 54 de la Constitution - une instance présidée par le Roi. In extrémis, la loi organique relative au droit de grève (art.29, al.2) vient d’être pratiquement rescapée en cette fin d’année de cette liste. Elle vient d’être adoptée, en effet, par la Chambre des représentants, franchissant ainsi une étape historique en attente depuis 1962.

Des institutions incomplètes à efficience variable : tel est le constat. Pour autant, la démocratie se voit élargie à des espaces de liberté et de débat qui sont symptomatiques d'un élan. La libéralisation des radios privées en est l'une des expressions ; celle bénéficiant aux réseaux sociaux participe de cette même dynamique, même si un usage abusif en est fait, ici et là. La parole publique, gouvernementale en particulier, est-elle audible et crédible? Un avis nuancé s'impose en la matière. C’est que les conditions dans lesquelles se sont opérées les élections de septembre 2021 laissent perplexes: le RNI de Aziz Akhannouch a pratiquement quadruplé ses voix entre 2016 (550.000) et 2021 (2.100.000). A noter que les bulletins blancs et nuls ont atteint le chiffre de 1.200.000 (13,63 %) et que la participation électorale s'est située à 50,18 %, bénéficiant du même jour de scrutin pour trois votes (local, régional et parlementaire).

La politique rétrécie, stérilisée

La politique a-t-elle bénéficié depuis d'une réhabilitation aux yeux des citoyens ? Voire. Les promesses des campagnes électorales de 2016 ont-elles été tenues ? Le désenchantement s'est installé. Les partis accusent des insuffisances paraissant insurmontables et rédhibitoires pour espérer nourrir quelque ferveur. Crise du politique ou de la société ? La défiance et la démobilisation des citoyens prévalent: les politiques n'ont-ils pas perdu leur crédit. Il n'y a plus de grand projet collectif. Voici une vingtaine d'années, l'étendard porté après le cabinet d'alternance et le début du nouveau Règne était celui de la transition démocratique. Sur ce point, le directeur de ce site, Naïm Kamal, m’avance que "ceux qui portaient cette ambition ne sont plus de ce monde…". Il a été question en 2020-2021 d'un Nouveau modèle de développement. Qui y fait encore référence ?

Le champ de la politique s'est fortement rétréci; il se serait même stérilisé. Le statut du RNI couplé à celui du PAM – des partis dits "administratifs"- pousse à cette évolution. 

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