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Le coming out religieux de Hassan Aourid
J?aimerais d?embl?e rassurer Hassan Aourid?; en souvenir d?une altercation sans cons?quence chez un ami commun. Nul ne m?a command? cet article et personne ne me l?a inspir?. Je parle bien entendu de Raoua?e Makka. Les deux ?tant valables, j?aurais pr?f?r? en traduire le titre par Splendeur de la Mecque plut?t que par Soif de Mecque dont la consonance se pr?te ? un jeu de mots douteux.
L?aurais-je lu si Abou Zayd Almokri?e Al Idrissi n?en avait pas fait la promotion et de cette mani?re. Je n?en suis pas s?r. C?est d?ailleurs bien plus ce dernier qui m?int?resse que l?ouvrage lui-m?me. Ce d?put? islamiste a mis au d?fi quiconque lisant ce r?cit de quelque 230 pages et n?en sortant pas transform?. Je l?ai lu avec la soif de celui qui a tant envie de changer et, d??u, je suis rest? le m?me.
Par son ouvrage, Hassan Aourid vient d?inventer le coming out religieux. Cinq ans, nous dit Abou Zayd, qu?il a mis son livre ? p?trir avant de d?cider d?y aller, certain cette fois-ci que l??veil de son ?me et de son c?ur ? Dieu est irr?versible. Sa foi in?branlable. ??
Aveu pour aveu, je me dois de pr?ciser que je suis un croyant sceptique pratiquant. Une forme de d?isme ? la sauce marocaine. Peut-?tre pascalien sans le savoir, maintenant que j?y pense. Pour m?adresser au Tout Puissant, j?utilise les outils que ma culture a mis ? ma disposition?: cinq pri?res par jour, pas toujours ? l?heure, et quelques prosternements sur?rogatoires ? l?occasion. A ce stade, je dois dire que le croyant la?c que je suis a ?t? perturb? par l?acception que Hassan Aourid a de la la?cit? tant est ferme ma conviction qu?elle ne s?oppose pas ? la foi. La la?cit? n?a jamais ?t? un ??rempart ? la parole de Dieu???!
Pardon et p?nitence
Je suis heureux pour lui qu?il ait ?t? touch? par la gr?ce. Mais ? sa place, je me m?fierai de mes ?lans et autant des flatteries d?Abou Zayd. Elles me renvoient aux fables de mon enfance. Si avec sa barbe hirsute il ne ressemblait pas d?j? ? un porc-?pic, j?aurais pris Abou Zayd pour un renard. Que dit-il avec ses accents qui ne sont pas de sinc?rit?, o? se glissent par moments des relents golfiques et ?gyptiens?: Que celui qui fut aussi wali de Mekn?s ?tait l??lite de l??lite de l??lite, ou la cr?me de la cr?me de la cr?me?! ?Mon Dieu, j?ai le vertige. Encore une fois, ? sa place, je prendrais mes jambes ? mon cou ainsi que la poudre d?escampette.
Et dire que l?esp?ce la plus honnie d?Allah est celle des hypocrites. Mais l?expos? dithyrambique d?Abou Zayd, un concours de superlatifs, a un sens. Il c?l?bre l?ancien porte-parole du Palais comme un butin de guerre pris sur le cercle royal. Les lauriers qu?il tresse ? son troph?e ont une fonction ??pr?t?ritionnelle??, de pr?t?rition. Ne pas dire tout en disant. La mise en opposition de deux modes de vie?: l?ant?rieur, aljahilya, et l?apr?s-arrissala al-mohammadia. La manipulation que fait ainsi le d?put? islamiste de Hassan Aourid sans que celui-ci bronche m?afflige.
Des voix de la tentation qui interpellent de son int?rieur l?auteur dans son dialogue avec son moi, l?islamiste ne retiendra que celle du jeune et bel amazigh qu?il figure en Satan, et n??voque de Hassan Aourid que son repentir et sa maitrise de l?arabe mieux que les Arabes eux-m?mes, expression supr?me du complexe du colonis?. Ainsi donc?!
Sinon, l?autobiographie romanc?e est en soi sympathique.
Je ne porterai pas sur lui le regard du critique litt?raire que je ne suis pas. L?ouvrage n?est pas le chef-d??uvre que nous a promis Abou Zayd. Des fois il m?est tomb? des mains, d?autres je l?ai lu avec plaisir. Quelques piques et r?pliques ? l?endroit du syst?me et de ses vieux copains du coll?ge royal. Rien de vraiment m?chant ou de carr?ment explicite. Une pinc?e de mysticisme encore en phase de digestion, un exercice d?introspection/extrospection entre deux eaux, ? mi-chemin du confessionnal et du divan. Une p?nitence et de la contrition pas tr?s musulmanes, qui ne transcendent cependant pas le p?ch? d?orgueil, mais le conforte et le consolide. Le r?cit d?une longue circumambulation existentielle qui finit par le go?t de la madeleine auquel il a ?t? ?duqu? enfant et comme seule une m?re, chez lui la grand-m?re, sait, pour son fils, en faire. Et dans lequel il est retomb?.