JO-2024: Sur les traces de Rebeca Andrade, la ''pierre précieuse'' de la gym brésilienne

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La Brésilienne Rebeca Andrade (R) célèbre avec la Brésilienne Julia Soares lors des qualifications féminines de gymnastique artistique aux Jeux Olympiques de Paris 2024 à l'arène de Bercy à Paris, le 28 juillet 2024. (Photo Loic VENANCE / AFP)

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C'était une fillette de cinq ans, haute comme trois pommes, qui ne tenait pas en place. Et pourtant, en un seul coup d'oeil, Monica Barroso dos Anjos a su qu'elle était en présence d'un phénomène.

Rebeca Andrade venait d'entrer pour la première fois dans le gymnase Bonifacio Cardoso, dans sa ville natale de Guarulhos, près de la mégapole Sao Paulo, dans le sud-est du Brésil.

"Je me souviens qu'elle était déjà très musclée, avec beaucoup de force dans ses petits bras et ses petites jambes", raconte celle qui a découvert la grande star de la gymnastique brésilienne.

"Je lui ai d'abord demandé de faire une roue, puis des sauts. Puis j'ai dit à ma collègue qui était à côté de moi: nous tenons la nouvelle Daiane Dos Santos", poursuit Monica Barroso dos Anjos.

C'était en 2005, deux ans après le sacre de Dos Santos, la première femme brésilienne championne du monde de gymnastique, au sol, titrée à Anaheim (Etats-Unis).

Cette dernière est souvent citée comme modèle par Rebeca Andrade, qui, comme elle, est afro-brésilienne et issue d'un milieu défavorisé.

Comme son aînée, elle est une pionnière qui a décroché aux Jeux de Tokyo en 2021 les deux premières médailles olympiques de la gymnastique féminine brésilienne (l'or au saut et l'argent au concours général), ainsi que trois titres mondiaux.

"Peur de la perdre" 

Longtemps surnommée la "petite Daiane de Guarulhos", Rebeca Andrade a été élevée par une mère célibataire, avec ses sept frères et soeurs.

Sa mère, Rosa Santos, était employée de maison. Sa Tante, Cida, travaillait comme cuisinière au gymnase Bonifacio de Cardoso.

Mais la petite Rebeca habitait loin de ce centre sportif municipal et n'avait pas assez d'argent pour s'y rendre en bus.

Son grand frère Emerson l'attendait à la fin des entraînements pour l'accompagner lors de longs trajets à pied ou à vélo.

"J'avais peur de la perdre, je ne voulais pas perdre cette pierre précieuse qu'il fallait tailler ici", confie Monica Barroso dos Anjos, 51 ans, qui a tatoué sur son dos la silhouette de sa célèbre élève en train de faire un saut.

Rebeca Andrade a tenu bon. La graine de championne était obéissante, appliquée, mais aussi très agitée.

"Elle ne tenait pas en place. Si on mettait de la musique, elle se mettait à danser où à imiter les mouvements des filles plus âgées", révèle sa première entraîneure, qui est arbitre internationale depuis la fin des années 1990.

En 2006, elle a passé le témoin à Keli Kitaura et Francisco Porath, surnommé Chico, qui est encore son entraîneur aujourd'hui.

Inspiration 

Mais c'est sous la houlette de Junior Fagundes qu'elle a disputé sa première compétition internationale, un tournoi pan-américain interclubs à Cuba, en 2009.

"Elle sortait du lot dans tous les domaines, aussi bien au niveau de la conscience corporelle que de la maîtrise des pirouettes", raconte ce technicien de 58 ans.

A son retour, Rebeca Andrade, tout juste âgée de dix ans, s'est entraînée un an à Curitiba (sud), avant de s'installer définitivement à Rio de Janeiro (sud-est), pour suivre Chico au club de Flamengo, où elle évolue toujours à l'heure actuelle.

Après l'insouciance de l'enfance, la Brésilienne qui fêtera ses 25 ans mercredi a été durement mise à l'épreuve dans l'adolescence: de graves blessures au genou l'ont contrainte à se faire opérer trois fois entre 2015 et 2019.

Elle a failli tout abandonner, mais sa résilience a payé. Star incontournable de la délégation olympique brésilienne, Rebeca Andrade va défier la légende américaine Simone Biles lors d'un des duels les plus attendus des Jeux de Paris-2024.

Au gymnase de Guarulhos, les demandes d'inscription ont explosé après ses exploits de Tokyo.

Une grande fresque multicolore à son effigie décore un des murs de la salle où des dizaines de petites filles et adolescentes rêvent de briller comme l'héroïne locale.

"Ça me rend un peu nerveuse de penser qu'elle s'est déjà entraînée ici, mais ça m'inspire aussi. J'aimerais avoir la confiance qu'elle avait en entrant dans ce gymnase", dit Estela Leal Camargo, neuf ans. (AFP)

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