Le Maroc dans les hauteurs de la planète Football ! Par Abdelaziz Tribek

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Dolmy face au Portugal, troisième match au Mexique en 1986, une histoire qui se répète mais cette fois-ci au cinquième

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Le ''bled siba'' au ''bled makhzen''- Par Abdelaziz Tribak

On voulait bien vivre ce genre d’événement, mais l’on savait qu’il était très difficile face à des nations rompues à la besogne depuis que le monde est rond, comme cette coupe inventée par Jules Rimet (Tiens, un Français déjà) à la fin des années 20 du siècle dernier.

 Sur les 211 associations affiliées à la Fifa seuls 25 pays (un peu plus de 10%), ont pu atteindre les demi-finales de la coupe du monde, commencée en 1930 et actuellement dans sa 22ème édition (soit 88 demi-finalistes potentiels).

La palme des participations revient à l’Allemagne avec 12 participations (Dont 4 victoires et 4 en tant que finalistes). Puis le Brésil avec 11 participations (5 titres et 2 fois finaliste). Et l’Italie et ses 8 participations (4 victoires et 2 fois finaliste) … La France, notre adversaire en demi-finale figure en troisième place de ce palmarès mondial avec 6 participations ; la France ayant rattrapé son retard depuis les (bons) coups de boule de Zizou (2 titres et une place de finaliste)… 

Parmi les autres puissances européennes du football, l’Espagne, notre victime, n’a que 2 participations avec un seul titre. La Belgique n’a que 2 participations, l’une avec sa génération dorée (Pfaff, Gerets , Ceulemens, Scifo, F. van der Elst…), et l’autre avec cette superbe génération à laquelle le Maroc a mis fin (Courtois, De Bruyne, Hazars …). Et notre dernière victime, le Portugal, qui avait le titre comme visée et le potentiel pour y parvenir, n’a que 2 demi-finales au compteur, dont la première date de l’ère Eusebio (en 1966) et la deuxième avec ses Figo et Cristiano (notre pote qui sera toujours le bienvenu au Maroc, et s’il amène avec lui l’autre « tête d’avocat » précieuse, Pépé, ce serait mieux) …

Donc, finalement, le Maroc, pays de football jouant (Même si les terrains vagues se font de plus en plus rares) est bien récompensé de tous ses efforts commencés au siècle dernier et ayant vu caracoler des dizaines de stars (Ben Barek, Lahcen Chicha, Zinaya, Akesbi, Belmahjoub, Bamous, Faras, Zaki, Naybet, Dolmi, Timoumi, Bouderbala…et j’en passe, jusqu’aux as de la fournée 2018 et de l’actuelle au-dessus du lot). 

Est-ce une surprise ? Finalement, non, la surprise c’était de voir nos idoles (à ma génération qui n’a plus vingt ans depuis ces temps-là), le Maroc, mener devant l’Allemagne de Maier, Benkabbour, Muller, Seeler, haller, Overath, le terrible Schnellinger…jusqu’à la fin de leur carburant (A l’époque la différence entre football professionnel et amateur était abismale, les nôtres avaient pris un 5-1 contre cette même Allemagne 3 ans avant Mexico). Une sacrée surprise, ou !.

La prouesse, c’était à Mexico, quand le Maroc (De Faria, dénigré avant cette épopée, pour sa « Khotta »), petit poucet, a terminé premier de son groupe en donnant une leçon de « dakka-dakka » aux fins techniciens portugais (Futre, Diamantino, Sousa, Carlos Manuel…). C’était une belle génération formée (à une exception près) localement et où il n’y avait que 3 ou 4 pro dans l’effectif. Mais, c’est une génération qui a ouvert les yeux aux footballeurs marocains sur leur potentiel et qui a fourni une très jolie vitrine, par la suite, pour nos talents nés et formés à l’étranger.

Et si le Maroc, par sa participation (mais ô combien injuste) aux barrages imposés à la coupe du monde de 1962, qui l’a vu faire souffrir l’Espagne de Di Stefano, Gento, Puskas…),et  par sa prestation honorable à Mexico 70 et ses 8èmes de finale de 1986, a montré le chemin au reste du continent africain, nos joueurs ont profité (en l’améliorant) de ce qu’ont fait le Cameroun de Milla et son équipe magique de 1990 (Privée des demi-finales par un arbitrage scandaleux) ; le Sénégal de 2002 d’Al Hadji Diouf (Qui avait levé le pied aux quarts), et le Ghana privée des demies par la « main du diable » (la main de l’avant-centre Suarez qui a suppléé à son gardien) et le ratage in-extremis du penalty par Asamoah Gyan. Voilà, la porte des demies est ouverte, et pourquoi pas celle du sacre ?

Le Cameroun avait une équipe très forte (depuis 1982 jusqu’en 90), puis avec la génération Eto’o. La Côte d’Ivoire et la génération Drogba, le Sénégal de Diouf ou Mané, le Ghana, l’Egypte forte de son championnat local, la Tunisie de Chetali… Que leur a-t-il manqué ? Peut-être qu’à part un peu de « timidité » pour certaines équipes, il s’agirait d’un problème d’organisation, d’intendance… maintes fois on a vu des sélections africaines discuter primes avec leur fédération en pleine compétition ! Sans parler des problèmes de discipline, de clans, d’affinités régionales ou ethniques…

La sélection du Maroc a illuminé ce mondial et lui a donné une dimension extraordinaire et des publics nouveaux (La Fifa doit se frotter les mains), par le panache de ses joueurs, son public hors normes et la passion engendrée sur 3 continents au moins. Une nouvelle demande d’organiser le mondial ne serait pas vue en coin, cette fois-ci. Hassan II était un visionnaire, et pas qu’en politique, et il connaissait bien le potentiel de son pays. Le reste est question de sous, et le Maroc a la recette pour les dénicher…

Le Maroc, pourrait offrir là à l’Afrique, par cette participation brillante, un modèle d’organisation bien « particulier », à cheval entre les standards européens professionnels et les « coutumes » et « habitudes » africaines. Dans nulle concentration lors d’une compétition internationale on n’a vu des joueurs entourés de leurs parents (bien sûr, selon un planning bien étudié, parce que pour le reste « agharasse, agharasse », on n’est plus à l’époque où les joueurs sautaient des murs pour aller s’éclater)). En plus de l’organisation du groupe, de son installation, de ses entraînements (j’ai lu quelque part que le Maroc n’a pas informé la presse d’un entraînement avant le Portugal pour qu’on ne connaisse pas l’état physique de ses joueurs), sans parler du visionnage et de l’étude de l’adversaire (ces fameux data). Et un entraîneur à la tête bien meublée (Non déplaise à ses cheveux partis relativement tôt) ! L’Afrique tiendrait là un modèle à étudier, très proche d’elle. Le talent, lui, il a toujours existé en Afrique !

Reste ce mercredi 14 décembre et une promesse d’une autre nuit de folie ! La France, (et le monde du football avec) nous connait à présent en tant que « petit monstre » capable de dévorer trois ogres européens et de les bouter hors du Mondial. Et si Luis Enrique ne connaissait pas Ounahi, par exemple, maintenant on le connaît ainsi que ses autres potes, déjà célèbres où non… Et l’on se demande si Regragui a encore d’autres tours dans son sac ? Un point contre la Croatie n’était pas de refus, et battre la Belgique était important, mais battre le Canada l’est devenu plus après, et Regragui a joué pour gagner ce match. Contre l’Espagne, c’était une sorte de « corrida » où il fallait beaucoup de patience pour placer des banderilles afin de désorienter le « taureau ». Bono et son sourire ont placé l’estocade finale ! Contre l’armada portugaise qui faisait feu de tout bois (et de tous les côtés), il fallait résister ferme mais en sortant les crocs de temps en temps, « la guérilla » en sorte face « l’armada ». Et le long du parcours, ce fut un hymne à la solidarité, au courage, à l’ordre et au calme. Remarquable !

Le Maroc a tout à gagner pour la suite. Dans le pire des cas il sera 2ème, 3ème ou 4ème. Et dans le meilleur ? Nous pouvons oser cette fois l’imaginer, ce sera au bout de 2 matchs épiques, seulement…

On ne vit pas que de rêves et d’eau fraîche dans ce pays !

Abdelaziz Tribak

Ecrivain et chercheur