Pour Macron, peu de bénéfices à attendre du succès des JO d'après les experts

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L'Allemande Saskia Oettinghaus participe à l'épreuve préliminaire de plongeon sur le tremplin de 3 m lors des Jeux olympiques de Paris 2024 au Centre aquatique de Saint-Denis, au nord de Paris, le 7 août 2024. (Photo Oli SCARFF / AFP)

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Une organisation sans couacs, une euphorie populaire, une France célébrée à l'international : Emmanuel Macron pourrait espérer profiter du succès des JO, mais les experts estiment que le chef de l'Etat sera vite rattrapé par la crise politique.

Après des mois de dénigrement des Jeux prédisant un enfer à Paris, entre sécurité maximale et transports défaillants, la quinzaine olympique, lancée par une cérémonie d'ouverture largement applaudie malgré quelques controverses, se déroule dans une ambiance festive, avec des métros fluides, des policiers souriants, des touristes ravis...

"La plus grosse surprise des Jeux olympiques à Paris : même les Français n'ont rien à redire", a résumé le Wall Street Journal.

"Le fait que ça se passe bien, qu'on soit vus comme beaux et performants à l'étranger, ça touche une corde sensible dans un pays qui se vivait en déclin et plus capable de faire de grandes choses collectivement", commente le spécialiste de l'opinion Emmanuel Rivière.

"Dans un pays fracturé comme la France, le sport est un rite qui permet à la nation de se retrouver sans médiation politique", souligne le politologue Stéphane Rozès.

Mais le président Emmanuel Macron, fortement impliqué dans l'organisation et qui a multiplié les tweets ou les apparitions avec les sportifs français, sera-t-il crédité de ce succès ?

"La séquence est défavorable au discours décliniste et correspond davantage au discours macroniste sur la France attractive", pointe Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d'Harris Interactive. "Cela peut redonner le moral aux soutiens de l'exécutif qui étaient sortis déprimés de la séquence (élections) européennes et dissolution", renchérit Emmanuel Rivière.

Au soir des européennes qui ont vu triompher l'extrême droite, le président français a décidé de dissoudre l'Assemblée nationale, plongeant le pays dans une crise politique. La chambre basse du Parlement est désormais divisée en trois blocs. M. Macron a affirmé qu'il ne nommerait pas de nouveau Premier ministre avant la fin des JO "mi-août".

Cependant, pour les trois experts, l'effet pour le chef de l'Etat sera au mieux "fugace". "Cela change le climat collectif mais pas la donne politique : la situation reste bloquée, beaucoup d'électeurs sont frustrés... Les Français restent très remontés contre Emmanuel Macron", juge M. Rivière.

"On va très vite se cogner à la réalité politique issue des législatives", commente M. Rozès.

Le premier sondage réalisé depuis le début des JO - les 30 et 31 juillet - ne faisait état que d'une progression de deux points de la cote de confiance du président, à 27%.

"Pas un succès partisan" -

"Le pays avait besoin de ce moment de fraternisation. Après, sur l'impact politique, je suis toujours très réservé", confie un ministre. "Même si Emmanuel Macron a validé le moindre détail, c'est le succès d'une organisation, on ne peut pas en faire un succès partisan", considère un autre.

"Il y aura une forme d'indulgence post-JO mais qui ne durera pas longtemps", prédit un cadre macroniste. "Ça va décrisper le jeu dans le sens où l'idée de travailler ensemble sera moins saugrenue. Mais ce n'est pas parce qu'on a pris des selfies devant la vasque avec la moitié de Paris que, tout à coup, on va faire une coalition", relativise-t-il.

L'euphorie populaire fait penser à celle de la coupe du monde de football de 1998, organisée et remportée pour la première fois par la France.

A l'époque, le président Jacques Chirac avait surfé sur la victoire de cette France "Black, Blanc, Beur", alors même qu'il n'était ni fan de sport, ni aux premières loges de l'organisation un an, après la dissolution ratée de 1997 et la victoire de la gauche.

Sa cote de confiance avait bondi de plus de dix points en un mois, à plus de 60% d'opinions favorables, tout comme celle du Premier ministre socialiste Lionel Jospin.

Mais "le chômage, qui était la principale préoccupation des Français, diminuait chaque mois. Le gouvernement Jospin était dans une dynamique positive et on était dans une cohabitation apaisée", rappelle Emmanuel Rivière.

Au contraire, en 2024, "le contraste sera tel entre ce moment d'union nationale et le spectacle de l'ingouvernabilité de la France" que Stéphane Rozès craint même "un retour de bâton" à l'égard d'Emmanuel Macron.(AFP)

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