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Le traquenard du 10 août
Mon premier est une d?cision royale, mon second une succession de journ?es aoutiennes, ma derni?re ?dition ressemble ? un traquenard, devinez qui je suis??
La journ?e du 10 ao?t se voulait, depuis son institution en 2003, un moment de ?r?trospection et de prospection avec pour vocation l?identification des attentes et des difficult?s auxquelles se heurtent les MRE. Une d?cennie apr?s, il serait bien inconvenant de ne comptabiliser que les journ?es marqu?es du sceau de l??chec faute de pr?paration s?rieuse ou ? cause de r?cup?ration ?hont?e voire du d?sint?r?t. Il y eut dans diff?rentes r?gions du royaume des rencontres qui permirent l?expression des dol?ances et le recensement des besoins des MRE. Mais l? o? le b?t blesse c?est l?incapacit? des instances concern?es de transformer l?essai en traduisant les id?es qui ont pu ?merger ? ces occasions en politiques publiques.
Une journ?e particuli?re
Ce 10 ao?t 2014, ? Rabat, ce qui ?tait ? craindre arriva. Les non-dits, les ranc?urs et les susceptibilit?s cumul?s, ont pris, dans un climat de pugilat et d?anath?me, ?le pas sur la convivialit? et le d?bat. Ce qui ?tait cens? ?tre une journ?e festive et comm?morative, une rencontre ordinaire consacr?e ? une g?n?ration de MRE pionni?re et patriote, se transforma en une sc?ne de d?solation. Les images et les propos incongrus qui? prolif?rent depuis dans la presse ?crite et ?lectronique ne laissent planer aucun doute sur le degr? de d?faillance et de d?sobligeance atteint ce jour l?. Certes. La salle ?tait exig?e, l?affluence importante, l?arriv?e des ministres tardive, le service d?ordre inexp?riment?. Autant d??l?ments n?gatifs qui plaident pour la th?se de l??nervement. Mais cela n?explique pas tout.
Une premi?re lecture, h?tive, autorise ? ne voire dans ce qui s?est produit ce 10 ao?t ? Rabat qu?une malencontreuse affaire ?de ??don et contre-don?? (notion d?anthropologie) ?- ici provocation contre r?plique cinglante- impliquant ?le dirigeant d?une institution d?di?e aux MRE, le CCME, qui, refusant de c?der ? la provocation et l?intimidation, eut le courage d?apporter la contradiction et de croiser le fer avec ceux qui l?interpelaient d?sobligeamment.
A priori, cet incident devait, compte tenu du contexte g?n?ral, ?tre mis d?office ?dans la rubrique pertes et profits sur le compte d?habitudes et de mani?res de d?battre, impropres, devenues la marque de fabrique de certains qui poussent l?impertinence et la supercherie jusqu?? pr?tendre parler au nom et place des MRE.
Combien de fois, en effet, de simples conf?rences d?di?es aux MRE se sont transform?es en pugilats par la simple volont? de tels perturbateurs hargneux et haineux, soucieux avant tout de leur paraitre ? Etant entendu qu?ils auraient beaucoup de mal ? se pr?valoir de la moindre plus value apport?e aux causes et affaires des MRE.
Enfin. N?a-t-on pas vu des ?nes d?filer sur une art?re prestigieuse de la capitale?au nom de la libert? d?expression ?
Que n?a-t-on pas entendu comme inepties et quolibets dans l?enceinte parlementaire?? ?Que dire de l?anath?me et des propos d?sobligeants d?vers?s dans les colonnes de journaux par des responsables politiques irresponsables ?
En v?rit?, la culture du dialogue semble d?serter de nombreux lieux et tribunes. Cette culture fait aujourd?hui d?faut jusqu?au sein des formations partisanes, des coalitions politiques et de la majorit? parlementaire qui ?gouverne le pays.
SM le Roi n?a-t-il pas alert? il y a peu sur les d?rives langagi?res des ?lus et leurs effets d?sastreux sur la vie politique et sur la s?r?nit? des d?bats parlementaires ?
Le traquenard
Une autre hypoth?se, qui pousse le raisonnement ? son paroxysme, ?verrait plut?t dans cette affaire, et donc dans l?incident qui a marqu? la journ?e du 10 ao?t 2014, ?le r?sultat d?un v?ritable traquenard tendu au SG du CCME par ?une poign?e d?individus venus sp?cialement r?gler des comptes et ??casser du CCME??.
Th?oriquement, la pr?sence du chef du gouvernement et de ministres apportait la caution politique n?cessaire ? la r?ussite de l??v?nement. Cette pr?sence t?moignait en tout cas de l?int?r?t r?serv? par les hautes sph?res de l?Etat ? cette journ?e et aux MRE. Tous ces ?l?ments laissaient pr?sager d?une rencontre studieuse privil?giant l?entente entre les diff?rentes instances en charge des affaires MRE, qui n?ont, au moins ce jour-l?, de souci, et d?agendas, que celui de rendre hommage ? une g?n?ration de MRE exemple de fid?lit? et d?abn?gation.
C?est ce sentiment de consensus et de concordance que laissaient entrevoir les allocations officielles en rappelant d?entr?e la vocation de la journ?e et le sens de ses travaux. Entendez par l? favoriser le dialogue et l??change en vue d??clairer le politique et l?aider ? faire sortir la situation des MRE ?g?s des impasses juridiques, fiscales et socio?conomiques dans lesquelles elle est embourb?e.
Visiblement, ce n??tait ni l?intention ni le projet de ceux qui, la fleur au fusil, les manches retrouss?es et le verbe virulent, mettaient le dirigeant du CCME en ligne de mire avec la ferme volont? d?en d?coudre.
Force est donc d?affirmer que cette mani?re de concevoir le d?bat et de ??d?fendre?? les int?r?ts des MRE est insupportable. On ne peut et on ne doit la cautionner, sous aucun pr?texte, car elle nuit ? l?image des MRE et donne du grain ? moudre ? ceux qui s?acharnent ? contrecarrer la traduction de leurs droits.
Le comble de la tartufferie
Dans son allocution le SG du CCME a abord? ?un aspect capital de l?histoire et de l?apport de la premi?re g?n?ration de ?MRE, ces ??b?tisseurs?? qui ont tant donn? et tant sacrifi? pour que se lib?rent et prosp?rent les pays d?accueil et pour que vivent dans la dignit? des milliers de familles marocaines ?et se d?veloppe dans la stabilit? leur pays d?origine. Seulement, ses d?tracteurs n?ont retenu de l?expos? que ce qu?ils souhaitaient entendre. A aucun moment il n??tait question pour eux de poser en termes argument?s ?les raisons de fond qui font obstacle aujourd?hui ? la mise en ?uvre de l?article 163 consacr? au CCME. A aucun moment ils n?ont soulev? la question de l?ineffectivit? de la s?rie d?articles qui posaient clairement le principe de la participation politique (Articles 16, 17,18) et de la repr?sentation ?institutionnelle (Conseils et autres CA), y compris parlementaire, des MRE. Principes d?ailleurs affirm?s par les discours royaux depuis novembre 2005.
Par contraste, les propos du Chef du gouvernement, qui sonnaient creux, ont ?t? vite aval?s et applaudis. Alors? que ces propos sont le t?moignage d?un reniement caract?ris? et le signe flagrant de l?absence d?une volont? politique visant ? donner corps et ?me ? des droits civiques, de surcroit constitutionnalis?s, qui ont pour vocation de faire entrer les MRE dans la pleine citoyennet? et dans la l?galit? devant la marocanit?.
Ce comportement laisse dubitatif. Il rel?ve de la tartufferie. En effet, On cajole? et on applaudit ceux qui d?nient aux MRE des droits, qui renient leurs engagements politiques, qui ont le pouvoir de d?cision et on s?attaque ? des personnes parce qu?elles repr?sentent une institution qu?ils ne portent pas dans leur c?ur.
Finalement la journ?e du 10 ao?t, version Rabat, est une journ?e de dupes. Les MRE ont perdu ce jour ?plus qu?une bataille?pour des droits constitutionnels.
Les chauffeurs de salles et consorts peuvent ?tre fiers de leurs m?faits. Ils ont r?ussi ? entretenir l?illusion que le populisme et le louvoiement valent plus que la sinc?rit?. Ils ont bien man?uvr? pour donner ? la journ?e du 10 ao?t une allure de combats de coqs?et ainsi la faire sortir de ses rails, la d?viant de ses objectifs et l?inscrivant dans des agendas politiques inavou?s. A ce titre, ils portent, seuls, devant les MRE et devant le pays, la responsabilit? de son ?chec.
Mohammed Mraizika (Chercheur en Sciences Sociales, Consultant en ing?nierie culturelle,?)