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Derrière la crise du MAX, un régulateur laxiste et un climat délétère chez Boeing
Les vols 610 de Lion Air et 302 d'Ethiopian Airlines se sont ?cras?s dans des conditions similaires?: quelques minutes apr?s le d?collage, le Boeing 737 MAX part en piqu? et les ?quipages ?chouent ? le redresser.?Les crashs ont fait 346 morts.
Les essais men?s par le constructeur avaient pourtant r?v?l? un probl?me similaire, provoqu? par le syst?me anti-d?crochage MCAS, qui pouvait faire piquer du nez l'avion, de mani?re r?p?t?e, m?me dans des conditions normales.
Cette d?couverte, racontent ? l'AFP sous le couvert de l'anonymat deux anciens ing?nieurs ayant travaill? sur le programme vedette de?Boeing, ?tait la preuve que le MCAS changeait notablement le comportement du MAX en vol.
Il n?cessitait par cons?quent un examen minutieux du r?gulateur, une formation ad?quate des pilotes et devait ?tre inclus dans le manuel de vol, auquel les pilotes se r?f?rent pour se sortir d'une situation difficile ou inhabituelle.
Mais il n'en a rien ?t?. Jusqu'? l'accident de Lion Air en octobre, le MCAS ne figurait?pas nomm?ment dans la documentation des pilotes.
Boeing a d?crit le MCAS comme un syst?me ne pouvant s'activer que dans des conditions anormales dans les premiers documents transmis ? l'autorit? am?ricaine de l'aviation civile (FAA) en vue de la certification de l'appareil.
Plus tard Boeing a amend? les crit?res?mais continu? ? minorer l'importance du logiciel jusqu'au moment de l'homologation, indique la compagnie Southwest, plus grosse cliente du MAX avec 34 exemplaires.
La FAA --pr?sente lors de l'incident en vol d'essai, selon une source gouvernementale-- a homologu? le MAX sans l'avoir inspect? ind?pendamment et sans tester le MCAS.
Gr?ce ? une proc?dure baptis?e ODA adopt?e en 2005 sous la pression du lobby a?ronautique, sur fond de d?r?gulation et de baisse du budget de l'agence, Boeing choisissait les ing?nieurs devant inspecter ses avions, la FAA apposait son sceau.
MCAS ??
Les employ?s de la FAA ne se sont rendu compte qu'apr?s l'accident de Lion Air fin octobre 2018 qu'ils ne connaissaient pas vraiment le fonctionnement du MCAS, dit ? l'AFP une source gouvernementale.
Il n'avait par exemple jamais ?t? mentionn? que le pilote pourrait avoir des difficult?s ? reprendre le contr?le de l'avion.
Au lieu d'ordonner alors l'immobilisation au sol du MAX, la FAA a ?mis le 7 novembre une consigne de navigabilit? rappelant aux pilotes les proc?dures d'urgence. Elle avait ?galement demand? ? Boeing de fournir un correctif sur lequel travaillait l'avionneur au moment de l'accident d'Ethiopian cinq mois plus tard.?
La FAA et Boeing d?fendent la proc?dure d'homologation du MAX, chacun r?p?tant qu'elle s'est faite dans les r?gles.
"La certification du programme 737 MAX a impliqu? 110.000 heures de travail de la part du personnel de la FAA,?y compris effectuer ou soutenir 297 essais en vol", a r?pondu ? l'AFP un porte-parole.
Le MAX est clou? au sol depuis mi-mars et des incertitudes entourent son retour dans le ciel. Boeing a menac? d'en suspendre la production. Des milliers d'emplois sont en jeu et des dizaines de milliers de vols ont d?j? ?t? annul?s jusqu'? janvier 2020.
Plusieurs enqu?tes sont ouvertes sur l'accident comme sur les proc?dures de certification et le d?veloppement du MAX. Boeing a mis en place un comit? pour ?valuer ses processus.
Changements?
Le d?veloppement du MAX ? compter de 2011 s'est fait dans un contexte difficile.
Airbus avait pris une longueur d'avance dans le segment lucratif des monocouloirs, avec l'A320 Neo, alors que Boeing connaissait des probl?mes avec le long courrier 747-8 et l'avion ravitailleur KC-46. Et surtout, le 787 accusait pr?s de trois ans de retard.?
A ceci s'ajoutait un climat social d?l?t?re, marqu? par une gr?ve in?dite de 58 jours des machinistes en 2008.
"Le message ?tait clair: il fallait ma?triser les co?ts", raconte un des deux ing?nieurs ? l'AFP, d?crivant une culture interne marqu?e par l'obsession du cours en Bourse, qui va finir par creuser le foss? entre ing?nieurs et direction.?
"Tout ?tait fait pour arr?ter de relayer les ?ventuels probl?mes ? la hi?rarchie", dit le second ing?nieur.
"Communiquer de mauvaises nouvelles ?tait g?n?ralement vu comme mauvais pour ta carri?re", rench?rit Richard Aboulafia.
Pour ce sp?cialiste de Boeing depuis plus de 30 ans, le PDG d'alors, Jim McNerney "n'avait qu'une priorit?: les actionnaires", explique t-il ? l'AFP.
Sous sa f?rule, de 2005 ? 2015, l'action Boeing est pass?e de 64,68 dollars ? 138,72 dollars.
Boeing a revers? 78 milliards de dollars ? ses actionnaires lors des 15 derni?res ann?es, contre 11 milliards d'euros pour Airbus, a calcul? Bank of America Merrill Lynch.
"Nous n'avons pris aucun raccourci ni sorti le MAX avant qu?il ne soit pr?t. La s?curit? est toujours la priorit? num?ro un", r?pond Boeing.
L'avionneur affirme ?galement ne pas privil?gier les actionnaires par rapport ? ses produits ou ses employ?s.
Au contraire, affirme Arthur Wheaton, enseignant ? l'universit? Cornell ? New York et sp?cialiste des relations de travail dans l'a?ronautique. "La culture de Boeing n'est pas de valoriser ses employ?s mais d'essayer de donner davantage de pouvoir, d'autorit? et d'autonomie ? ses dirigeants pour que le travail soit fait au meilleur co?t", fustige-t-il.
Depuis l'?clatement de la crise, des petits changements se dessinent.
Boeing s'est excus?, m?me si ce fut 25 jours apr?s l'accident d'Ethiopian.
"Je ne me souviens pas avoir entendu Boeing s'excuser pour un accident impliquant un de ses avions. Ils ont toujours bl?m? les pilotes", note Scott Hamilton, expert chez Leeham.
Jim Hall, l'ancien chef du bureau am?ricain enqu?te accident (NTSB), se souvient aussi de la r?ticence du groupe ? admettre un quelconque d?faut de conception lors d'accidents de 737 aux Etats-Unis en 1991 et en 1994.?
"Nous reconnaissons que nous n'avons pas toujours communiqu? au mieux avec les pilotes, les r?gulateurs et les clients. Nous allons nous am?liorer", promet Boeing.
C?t? FAA on promet d'int?grer "tous les changements qui am?lioreraient nos activit?s de certification".