DES POUBELLES ET DES HOMMES… Par Soumeya Abdelaziz 

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Si dans son ensemble notre capitale est propre et rutilante, ses remparts pimpants et ses pelouses rasées de près, c’est loin d’être le cas pour son quartier le plus névralgique et exposé aux regards, celui qui nous porte jusqu’à la médina.

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Depuis quelques mois déjà, nous assistons à la transfiguration de notre capitale et de sa sœur aînée, Salé. Issue des deux villes, résidant dans l’une et visitant sporadiquement l’autre, j’ai le plaisir de voir tous les jours cette mise en beauté : Restructuration de certains espaces, mise en valeur des médinas, restauration des remparts, création d’espaces verts … Et si on ne peut que se réjouir et applaudir ceux qui les apprêtent, pour recevoir dignement nos futurs « diafs », en bénissant au passage le premier instigateur de ce branle-bas de réception, le Dieu des stades et des pelouses, à savoir le ballon rond …si ce n’était certaines choses qui font encore tâche en la demeure… 

C’est qu’il ne suffit pas quand on reçoit, des étrangers de surcroit, d’embellir et de peindre. Il faut aussi nettoyer.

Voilà le délicat sujet qui m’amène vers vous

En tant que citoyenne de ce beau pays, biberonnée au civisme le plus élémentaire, j’ai du mal à fermer les yeux sur des choses qui pourtant les agressent chaque jour que Dieu fait. Des choses qui ne semblent nullement déranger les honorables gestionnaires des deux villes, voire pire, ne même pas avoir retenu leur attention. 

Mais venons-en aux faits et commençons par Rabat, notre ville-lumière… 

Si dans son ensemble notre capitale est propre et rutilante, ses remparts pimpants et ses pelouses rasées de près, c’est loin d’être le cas pour son quartier le plus névralgique et exposé aux regards, celui qui nous porte jusqu’à la médina.

Pour constater de visu les outrages subis par elle, laissez-moi vous guider, et commençons votre promenade ne serait-ce qu’à partir de notre bonne vieille poste. Descendez jusqu’au bout de l’avenue Mohamed V, en restant sur votre gauche je vous prie, avant de longer le cinéma Renaissance, la librairie Kalila wa Dimna, et autre Bmce. Ignorez les appétissantes salades de fruits qui vous font de l’œil sur votre gauche, elles sont trop sucrées pour vous. Arrivé là, tournez résolument sur votre gauche et marchez jusqu’à Bab Al Had où au moins jusqu’au snack Inza. 

Tout le long de votre parcours, laissez donc vos regards courir sur les piliers des préaux, afin de mieux vous « délecter » des vomis et autres déjections qui les ont aspergés et surtout, surtout, sur les sols tartinés de crasse et constellés par milliers, de chewing gum noirs écrasés.  

La grande place, qui vous ouvre les bras à l’entrée de la médina, n’a rien à leur envier non plus, car si une machine vient régulièrement balayer au petit matin, le nettoyage ne semble pas de son ressort. 

Et qu’on ne nous dise pas que ni la mairie, ni la Wilaya ne peuvent se fendre de quelques millions, afin de s’équiper des machines adéquates (et créer au passage des emplois), pour nous épargner la vue et la honte de ce sol. Le sol du cœur de capitale du Maroc, classée au patrimoine de notre (triste) humanité…Ceci étant, pourquoi donc les gestionnaires de notre ville lumière sont aussi avares de poubelles ? 

Je vous défie d’en trouver ne serait-ce que trois sur sa plus belle avenue. Quant aux toilettes publiques, ça relève du rêve.

Le centre névralgique de Rabat, que sont la médina et ses environs, concentre sans doute le plus de commerces de bouche de la ville.  

Des milliers de personnes le fréquentent ou le traversent chaque jour, pour leurs multiples emplettes, se restaurer ou y prendre une collation et ce, jusque tard dans la soirée. Et nulle trace de poubelles ou de toilettes ! 

Devons-nous essuyer de nouveau l’humiliation de voir un jour des touristes japonais venir avec leurs sacs de plastique ramasser NOS ordures, comme c’est arrivé à Fès, il y a quelques temps ? Une question : Est-ce nous qui ne méritons pas des poubelles ou sont-ce les poubelles qui ne nous méritent pas ? C’est à se demander s’il arrive aux responsables, chargés par la mairie de l’hygiène de la ville, de faire un tour dans ce quartier ?! Est-il donc si insurmontable de mettre en place ces précieux récipients et de sanctionner enfin commerçants et clients qui continuent de jeter sur la voie publique ? D’autres pays y sont bien arrivés, pourquoi pas nous ?

Pour les chewing gum, dont je devine la récalcitrance à s’arracher de nos allées et trottoirs, (pour avoir vu quelques manœuvres, mandatés par un propriétaire de magasin, essayer de les décoller de devant son commerce) je me permets trois suggestions. Et c’est cadeau… 

La   première :  Equiper la ville de machines industrielles à vapeur ou eau chaude pour les décoller, tout en nettoyant le sol. 

La seconde, plus archaïque : Les faire décoller manuellement, au racloir (ce qui est, reconnaissons-le très fastidieux) avant de procéder au lavage des sols au moyen de machines…  

La troisième enfin, qui s’exprime en la répartition équitable des taches (élémentaire, mon cher Watson) est que nos irrésistibles moqquadems exigent des commerçants le nettoyage du carré devant leur magasin…!

Pour rester dans les poubelles, sans vouloir faire un désobligeant jeu de mots et sans quitter Rabat, poussons donc nos pas jusqu’à cette magnifique promenade dont on a pourvue sa côte, et laquelle fait notre bonheur de tous, petits et grands (ne soyons pas ingrats) …

Des milliards y ont été engloutis en pelouses, parcs de jeux, arbres et plantes… Mais point de poubelles ! …laissant les riverains indélicats, truffer les magnifiques espaces verts de bouteilles de plastique et autres détritus non biodégradables.  

Quant aux toilettes, laissons les rares cafetiers et restaurateurs alentours se faire harceler cent fois par jour, sans égard pour leur facture d’eau (8 à 10 litres par tirage de chasse…) se faisant à chaque fois copieusement insulter, s’ils refusent l’accès de leur établissement.

Mais revenons à présent au centre-ville de Rabat …

Depuis quelques mois, nous voyons se dresser des échafaudages pour le rafraichissement des façades de ses immeubles. Sauf qu’uniquement les façades. Si par malheur il vous prend de lever un peu les yeux, vous remarquerez que beaucoup d’entre eux, vieux ou neufs, ont leurs côtés dans un état épouvantable, (et ce, sans avoir jamais fait ciller les autorités de la ville de l’époque) !

D’autres, parce que n’ayant apparemment plus rencontré un rouleau de peinture depuis leur construction … Pire (mais mieux l’apprécier, il faut monter sur les terrasses des immeubles du centre-ville) certains ont leur cour intérieure qui sont de véritables taudis. Leurs murs, couleur caca d’oie, semblent abandonnés à leur sort, depuis la circoncision de Yacoub al Mansour, le victorieux.  

Nos décideurs n’ont-ils donc aucun pouvoir pour forcer les propriétaires à repeindre et restaurer ces immeubles, classés pour la plupart, comme ils parviennent si bien à forcer les gens à payer leurs impôts ? 

A présent penchons-nous sur notre vénérable Salé, qui n’a jamais eu elle, la part du lion côté budget, et commençons par Bab Lamrissa. 

Sa belle place, aménagée depuis peu, qui a dû aussi coûter un bras aux contribuables, commence aussi sa constellation de chewing gum, collés vicieusement au sol, côtoyant divers déchets ; parce que là aussi, nulle poubelle à l’horizon. Que dis-je ? Pardon… 

Deux ! Que l’on doit au tramway, de part et d’autre de sa station, pour les tickets !

Avant d’entrer allègrement à Salé intra-muros, voyons d’abord sa vitrine : 

Une marina rutilante où tanguent doucement les yachts flamboyants et hautains des nantis, sous les regards de luxueux cafés et restaurants, avec vue imprenable sur Rabat et le fleuve. Remontons à présent l’avenue qui longe sa muraille, magnifiquement restaurée et illuminée la nuit, qui nous emporte jusqu’à Bab Bouhaja. Une avenue bordée à droite de pelouses, clairsemées et mal entretenues, agrémentées de petites fontaines écornées, qui à peine nées, non contentes d’être stériles de la moindre goutte d’eau, perdent déjà leur zellige ! Le cahier de charges des travaux n’exige-t-il donc pas un contrôle et une garantie sur ces derniers ?

Le centre-ville de Rabat est doté d’immeubles quasi centenaires, dont le zellige des murs d’escalier et parties communes est encore intact… 

Des immeubles centenaires ! La nouvelle génération de nos artisans serait-elle frappée à ce point de tricherie ? Au fait, gardez surtout vos déchets à la main, car point de poubelles non plus sur cette avenue ! 

Mais ne nous décourageons pas et osons franchir les séculaires et hauts remparts, qui toisent, imperturbables, notre élégante marina...      

Si la kissaria et souk Laghzal ont vu leurs plafonds gratifiés d’une belle parure de bois, et leurs boutiques pourvues de jolies portes bien identiques, pour le reste, on revient à l’ancien et piteux adage « voilà Salé et voilà ses échoppes ! »  (Ha Sla, Ha houanatha) ! en d’autres termes, circulez, il n’y a rien à voir ! 

Et surtout, fermez les yeux en passant devant le marché central, qui s’avachit sur

un écrin d’ordures et dont les façades lépreuses et sales, semblent brouillées avec les peintres, depuis l’année des sauterelles ! Et de grâce, gardez-les bien fermés en longeant le jardin, ce petit poumon de Salé, qui sert aussi de misérable parc pour les enfants. Un jardin agonisant d’abandon et de négligence et tellement assoiffé, que même les herbes folles le traite avec mépris ! 

Alors monsieur le président de la commune (depuis des années), ne nous dites pas que vous ne les avez pas vus ces deux-là ?! Ils sont pourtant sous votre nez tous les jours ! Ce jardin meurt, à deux cents mètres à vol d’oiseau de notre rutilante Marina-vitrine, au son des clapotis des eaux du Bouregreg … 

Puisse Dieu et Sidi Ben Achir, le patron de Salé, vous pardonner ! Quant à nous, on va voir…

A bon entendeur…

Le 27/11/2024

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