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Écrans et petite enfance : un danger silencieux pour le cerveau en développement

La lumière bleue, notamment, pose problème : "L’œil de l’enfant, jusqu’à 14 ou 15 ans, est très sensible à cette lumière, ce qui favorise les risques de myopie et dérègle la sécrétion de mélatonine, hormone clé du sommeil"
La Société française de pédiatrie tire la sonnette d’alarme : les enfants de moins de 6 ans ne devraient pas être exposés aux écrans. Dans une tribune soutenue par plusieurs sociétés savantes, des spécialistes alertent sur les effets durables et délétères des écrans sur le développement cognitif, émotionnel et physique des tout-petits.
Une alerte scientifique de grande ampleur
Paris - C’est une mise en garde sans ambiguïté : "Pas d’écrans avant 6 ans". La Société française de pédiatrie (SFP), appuyée par d’autres sociétés savantes comme la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ou la Société française de santé publique, lance un appel à actualiser les recommandations sanitaires face à l’explosion de l’exposition numérique des tout-petits.
Relayée par le quotidien français Le Monde, cette tribune, cosignée par la neurologue Servane Mouton et le professeur Hugues Patural, réanimateur néonatologue au CHU de Saint-Étienne, s’intitule sans détour : "Les activités sur écrans ne conviennent pas aux enfants de moins de 6 ans : elles altèrent durablement leurs capacités intellectuelles." Selon ces experts, les données scientifiques ne laissent plus place au doute.
Un impact profond sur le cerveau en développement
Contrairement aux idées reçues, y compris à propos des contenus dits "éducatifs", aucun format numérique ne serait adapté à un cerveau en construction. "Le cerveau d’un enfant de moins de six ans n’est ni préparé ni capable de traiter les stimulations massives, rapides et lumineuses des écrans", explique Mme Mouton.
Les études montrent des effets particulièrement néfastes sur l’attention, la mémoire, la régulation émotionnelle, le langage ou encore les interactions sociales. Une revue de littérature publiée fin 2024 évoque des troubles cognitifs et comportementaux de plus en plus visibles. En consultation, le Pr Patural constate quotidiennement ces conséquences : retard de langage, hyperactivité, difficultés à gérer les émotions, baisse de la capacité de mémorisation.
La lumière bleue, notamment, pose problème : "L’œil de l’enfant, jusqu’à 14 ou 15 ans, est très sensible à cette lumière, ce qui favorise les risques de myopie et dérègle la sécrétion de mélatonine, hormone clé du sommeil", précise-t-on.
Inégalités sociales et saturation des filières de soin
Les professionnels soulignent aussi un facteur aggravant : la surexposition aux écrans est bien plus marquée dans les foyers précaires, accentuant ainsi les inégalités sociales dès le plus jeune âge. "On voit des enfants très jeunes en hyperexcitation permanente, comme pris en otage par la cadence infernale des écrans", déplore M. Patural.
Résultat : les services d’orthophonie, de psychomotricité et de soutien au développement sont saturés, et les enfants en difficulté n’y accèdent pas toujours à temps. "Le facteur écran devient plus déterminant dans le parcours cognitif que des éléments aussi lourds que la prématurité", insiste le pédiatre.
Un appel à la prévention précoce
Les spécialistes plaident pour une information claire et généralisée, notamment dans le cadre des visites pédiatriques. "Les parents comprennent très bien quand on leur explique simplement que les écrans sont inadaptés au cerveau de leur enfant", souligne M. Patural. La prévention fonctionne, mais elle doit être amorcée tôt et relayée largement.
Face à ce constat alarmant, les sociétés savantes appellent à réviser les recommandations nationales : le carnet de santé préconise aujourd’hui d’éviter les écrans avant 3 ans — un seuil jugé désormais insuffisant. L’objectif : ancrer une prise de conscience collective sur la toxicité d’un usage précoce, même passif, des écrans chez les enfants.