Le Caftan marocain au Festival du livre de Paris : entre patrimoine et création vivante

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Les maîtres-artisans parlent de Perlage, sfifa, zouak, broderie et boutonnage deviennent autant de gestes transmis de génération en génération

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Projeté en avant-première au Festival du livre de Paris, le documentaire Caftan Marocain : un voyage à travers les mains de ses artisans, réalisé par Yohann Charrin, a transporté le public dans l’univers raffiné d’un vêtement emblématique de l’identité marocaine. À travers 52 minutes d’images, de témoignages et d’immersions dans plusieurs régions du Royaume, le film donne à voir bien plus qu’un habit : une mémoire vivante, un héritage artisanal, une esthétique en mouvement.

Une immersion dans les racines du savoir-faire marocain

Le documentaire retrace l’évolution historique du caftan, jadis réservé à la cour royale et aux notables, avant de se démocratiser pour devenir l’un des piliers du patrimoine vestimentaire marocain. De Fès à Oujda, de Tétouan à Azemmour, chaque région explore sa propre déclinaison de la coupe, des ornements et des couleurs. Le film met en lumière la diversité de formes comme le caftan Ntaa, la Tekchita, la Mansouria, la Dfina ou encore la Chedda, chacune révélant une expression unique du raffinement marocain.

Yohann Charrin donne aussi la parole aux véritables gardiens de cet héritage : les maîtres-artisans. Perlage, sfifa, zouak, broderie et boutonnage deviennent autant de gestes transmis de génération en génération, dans une quête de perfection et de transmission. Le documentaire souligne également les efforts consentis par l’État marocain et ses partenaires internationaux, notamment l’UNESCO, pour former de jeunes artisans et préserver ces savoir-faire menacés par la mondialisation et l’industrialisation.

Un art vivant transmis de génération en génération

Loin d’une simple ode au passé, le film explore également l’avenir du caftan. Il met en scène une nouvelle génération de stylistes marocains qui, tout en respectant les fondements traditionnels, s’emploient à moderniser la silhouette, les textures et les lignes, afin de propulser le caftan sur les podiums internationaux. À travers eux, le caftan ne se contente pas de survivre : il se renouvelle, dialoguant avec la haute couture mondiale sans jamais trahir son essence.

La projection a suscité des réactions enthousiastes. L’écrivaine et chercheure Mouna Hachim a salué une initiative qui valorise la richesse civilisationnelle du Maroc et alerte sur les risques d’appropriation culturelle. Elle espère que le film participera à "une dynamique de protection efficace" face aux marques internationales qui exploitent les symboles du caftan sans reconnaissance ni respect. Un avis partagé par Hind Joudar, autrice de Les Merveilles du Caftan, qui rappelle l’importance d’une telle diffusion dans un événement aussi visible que le Festival du livre de Paris, où le Maroc est cette année l’invité d’honneur.

Cette projection s’inscrit d’ailleurs dans un moment charnière. Le Royaume du Maroc vient tout juste de déposer un dossier en vue de faire inscrire le caftan sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité auprès de l’UNESCO. Ce documentaire agit ainsi comme un plaidoyer culturel et esthétique, un manifeste visuel en faveur d’un art ancestral en pleine réinvention.

À l’heure où l’industrie mondiale de la mode cherche de nouvelles inspirations, le caftan marocain, porté par sa profondeur historique et son ancrage artisanal, s’impose non seulement comme un habit de prestige, mais aussi comme un vecteur d’identité et de fierté nationale. Il incarne cette rare alchimie entre mémoire, beauté et créativité.

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