Mario Vargas Llosa : une œuvre en héritage, une voix majeure de la littérature mondiale s’éteint

5437685854_d630fceaff_b-

L'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa est photographié lors d'une interview à son domicile de Madrid le 7 octobre 2009. Le prix Nobel péruvien Mario Vargas Llosa est décédé à l'âge de 89 ans le 13 avril 2025 à Lima, a annoncé sa famille. (Photo AFP)

1
Partager :

Par Quid

Maître du roman politique et de la fresque sociale, Mario Vargas Llosa s’est éteint à 89 ans, laissant derrière lui une œuvre foisonnante, lucide et profondément humaine. Prix Nobel de littérature, pionnier de la modernité narrative latino-américaine, il aura marqué son siècle par sa plume acérée, sa pensée libre et son engagement sans compromis pour la dignité de l’homme.

Lima - Le monde des lettres perd l’un de ses plus éminents représentants. L’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature 2010, est décédé dimanche soir à Lima à l’âge de 89 ans, entouré des siens. L’annonce a été faite par son fils, Alvaro Vargas Llosa, dans un message sobre mais chargé d’émotion : « C’est avec une profonde tristesse que nous annonçons que notre père est décédé aujourd’hui à Lima, dans la paix et en famille. »

Romancier, essayiste, dramaturge, polémiste, Mario Vargas Llosa fut bien plus qu’un auteur illustre. Il incarna une pensée littéraire en mouvement, forgée dans l’effervescence des luttes idéologiques, des passions politiques et des remises en question existentielles. Son œuvre, traduite dans des dizaines de langues, a donné à la littérature latino-américaine une portée universelle.

Une voix singulière de l’Amérique latine

Vargas Llosa appartient à cette génération d’écrivains latino-américains — aux côtés de Gabriel García Márquez, Carlos Fuentes ou Julio Cortázar — qui ont révolutionné le roman au XXe siècle. Mais à la différence de ses pairs, Vargas Llosa a souvent privilégié la rigueur réaliste à la magie baroque. Dans ses romans, c’est la mécanique des pouvoirs, la violence des institutions, la fragilité des utopies et l’âpreté des résistances humaines qui prennent le devant de la scène.

Son premier grand succès, La ville et les chiens (1963), dénonçait déjà avec une rare intensité la brutalité des systèmes militaires et éducatifs. Suivront des œuvres d’une profondeur remarquable : La Maison verte (1966), Conversation à La Catedral (1969), La guerre de la fin du monde (1981), Le rêve du Celte (2010), ou encore Temps sauvages (2021), dans lesquels il explore les mécanismes de domination, d’endoctrinement, et les failles de la condition humaine.

Une œuvre politique, une pensée libre

Engagé, Mario Vargas Llosa l’a toujours été, sans jamais se figer dans un dogme. Jeune homme influencé par le marxisme, il rompt avec le castrisme au milieu des années 1970, dénonçant les dérives autoritaires de la révolution cubaine. Dès lors, il deviendra une voix singulière dans le paysage intellectuel latino-américain, défendant le libéralisme politique et économique tout en conservant une acuité critique redoutable.

Sa candidature à la présidence du Pérou en 1990 — face à Alberto Fujimori — témoigne de son désir profond de lier l’action à la pensée. Battu dans les urnes, il n’abandonnera jamais la plume, qu’il considérait comme un instrument de combat autant que de beauté.

Une postérité incontestable

Loin de l’image figée du Nobel, Vargas Llosa est resté, jusqu’à ses derniers jours, un intellectuel en éveil, un amoureux de la littérature et un observateur impitoyable du monde. Son œuvre, par sa richesse thématique, sa cohérence intellectuelle et sa force narrative, reste une leçon de liberté, de lucidité et d’exigence.

Dans les rues d’Arequipa, sa ville natale, comme dans les grandes bibliothèques du monde, les romans de Mario Vargas Llosa continueront d’interpeller, de déranger, de faire réfléchir. Car au-delà des pages, c’est une certaine idée de l’homme — libre, faillible, mais digne — qu’il a défendue jusqu’au bout.

lire aussi