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Alexandra Pronina, une Russe sourde-muette et handicapée physique qui fait parler son art

Malgré les épreuves, Alexandra a refusé de se laisser enfermer dans les limites de son propre corps. À défaut de pouvoir dompter la douleur, elle l’a transcendée. Et c’est dans l’art qu’elle a trouvé refuge
Briser le silence, transcender la douleur, illuminer le monde : l’histoire d’Alexandra Pronina est celle d’une résilience hors du commun. Privée d’ouïe et marquée par un parcours semé d’épreuves, cette artiste russe fait de la broderie un langage puissant où chaque fil tisse une émotion, chaque motif raconte un combat. Mohamed Aswab racontre son miracle croisé à son exposition à la Myriem Himmich Gallery à Casablanca.
Par Mohamed ASWAB – MAP, Casablanca
L’histoire d’Alexandra Pronina a tout d’un miracle. A bien des égards.
Sourde-muette et atteinte d’un handicap physique, cette artiste russe, qui expose à la Myriem Himmich Gallery à Casablanca jusqu’au 22 mars courant, incarne un témoignage bouleversant de résilience et de créativité. Voici son histoire fascinante…
Née à Moscou en 1989, Alexandra Pronina a livré son premier combat à peine venue au monde. Atteinte de méningite virale juste après sa naissance, elle a dû lutter pour sa survie. Le diagnostic des médecins était sans appel : sa vie serait brève, quelques mois tout au plus.
Contre toute attente, elle s’est accrochée à la vie. Mais la maladie lui a laissé une trace indélébile : une hydrocéphalie, traitée par un médicament qui a endommagé son nerf auditif, la privant d’ouïe à jamais.
Et ce n’était que le début. Son enfance a été marquée par un combat incessant contre la maladie. Une hydrocéphalie diagnostiquée précocement l’a contrainte à subir de multiples interventions chirurgicales. Puis, à six ans, une scoliose sévère est venue s’ajouter à son calvaire, condamnant son corps à des souffrances perpétuelles. Les médecins russes ont baissé les bras.
Elle a alors été prise en charge à l’étranger, où un diagnostic de syringomyélie a été posé. Elle a subi de lourdes interventions chirurgicales, dont une reconstruction complète de la colonne vertébrale.
Malgré les épreuves, Alexandra a refusé de se laisser enfermer dans les limites de son propre corps. À défaut de pouvoir dompter la douleur, elle l’a transcendée. Et c’est dans l’art qu’elle a trouvé refuge. Sa mère, psychologue et passionnée de création, lui a transmis très tôt l’amour du dessin, de la couture et de la broderie.
En grandissant, la broderie est devenue son principal mode d’expression, un langage silencieux mais puissant, lui permettant d’exprimer ses émotions et sa vision du monde.
Toutefois, son chemin de vie recelait d’autres adversités à affronter. À cinq ans, elle voit sa mère, son principal soutien, lutter contre un cancer osseux. Pendant 18 ans, cette femme courageuse se battra avant de s’éteindre à 44 ans. Moins d’un an plus tard, son père succombe à une forme agressive de cancer, laissant Alexandra orpheline à l’âge de 22 ans.
Allait-elle baisser les bras, comme tant d’autres face à des épreuves moins cruelles ? Non. Au contraire, elle s’est plongée corps et âme dans son art, y trouvant refuge et réconfort. Ses broderies, foisonnantes de couleurs et de motifs hypnotiques inspirés de la nature, traduisent, pour qui sait les décrypter, son monde intérieur.
Son style unique fusionne patchwork et ornementation textile en une symphonie de formes et de nuances, où chaque point raconte une histoire et chaque couleur murmure une émotion.
Lors du vernissage de son exposition "Le Fil de Merveille", le 20 février dernier à Casablanca, Alexandra s’est tenue fièrement devant ses toiles, telle une étoile rayonnante, laissant son art parler pour elle.
À l’entrée de la galerie, une affiche raconte son histoire, invitant les visiteurs à découvrir l’artiste avant de plonger dans son univers fantastique.
"Alexandra Pronina est une artiste au talent exceptionnel, dont les œuvres traduisent une vision unique du monde. À travers ses compositions inspirées de la nature, elle nous invite à explorer un univers où l’art transcende les mots", a souligné Myriem Himmich, fondatrice et directrice de la galerie, dans une déclaration à la MAP.
Aujourd’hui âgée de 35 ans, Alexandra Pronina ne parle pas avec des mots, mais avec des fils et des couleurs. Son art est son langage, un moyen de transcender les épreuves et d’illuminer le monde.
Par son talent, Alexandra nous rappelle que l’art est une lumière capable d’éclairer même les parcours les plus tourmentés.