Destitution de Ramaphosa : les Sud-africains prennent leur mal en patience - Par Hamid AQERROUT

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Le président Cyril Ramaphosa à bien de soucis à se faire, mais la procédure de destitution est longue et pas sûre, mais elle affaiblit sérieusement son pouvoir

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Par Hamid AQERROUT - (Bureau de la MAP à Johannesburg)

Johannesburg - Les Sud-Africains devront prendre leur mal en patience et attendre encore un peu plus pour savoir si l'Assemblée nationale (Parlement) entamera la procédure de destitution du Président Cyril Ramaphosa, suite aux accusations criminelles portées contre lui dans le scandale de «Farmgate».

Bien qu’un panel indépendant, présidé par l'ancien juge en chef Sandile Ngcobo, ait conclu dans son rapport remis mercredi à la présidente du Parlement, Nosiwe Mapisa-Nqakula, qu’il ya suffisamment de preuves pour que l’Assemblée nationale passe à l'étape suivante du processus de destitution du chef de l’Etat, la procédure peut encore prendre du temps.

Le panel de trois membres a évalué si Ramaphosa avait violé son serment d'office en relation avec la dissimulation d’un vol de millions de dollars en devise dans sa ferme Phala Phala dans le Limpopo.

La procédure de destitution, une première

Dans son rapport, la Commission a conclu qu'il existe des preuves «prima facie» que le Président pourrait avoir violé les articles 96(2) de la Constitution avec le but de garder l'enquête sur le cambriolage «secrète». Ramaphosa a ainsi commis une «faute grave» en s'exposant à une situation impliquant un conflit entre ses responsabilités officielles et ses affaires privées, notent les rédacteurs du rapport.

Ils soulignent que "le président a abusé de sa position de chef de l'État pour faire enquêter sur l'affaire et demander l'aide du Président namibien pour appréhender un suspect".

Alors que le pays demeure en haleine à ce sujet, Mapisa-Nqakula a déclaré que le rapport, rendu public mercredi soir, sera débattu et voté par les députés. Une majorité simple sera alors requise pour l’adopter et lancer ensuite la procédure de la Commission de destitution.

Jamais auparavant le Parlement n'avait exercé ses règles de destitution pour destituer un président. C'est donc la première fois qu'un panel indépendant est nommé pour évaluer de telles preuves, ce qui pourrait marquer un tournant décisif dans l'avenir politique du chef de l’Etat qui brigue un deuxième mandat à la tête du Congrès National Africain (ANC), parti au pouvoir en Afrique du Sud depuis 1994.

La destitution, un processus long et ardu

Les conclusions du rapport pourraient donc avoir de graves implications politiques pour le chef d'Etat, qui est également président de l’ANC, surtout à l’approche de la Conférence nationale élective du parti prévue du 16 au 20 décembre courant à Nasrec.

La publication des résultats de l’enquête intervient trois semaines seulement après que l'ancien président Thabo Mbeki a averti que l'ANC devait réfléchir à ce que le parti ferait au cas où Ramaphosa serait destitué.

Une éventualité que les partisans de Ramaphosa au sein du parti au pouvoir refusent même d'envisager, surtout à la veille de sa conférence élective. Le président de la Ligue des anciens combattants de l'ANC, Snuki Zikalala, a déclaré à ce propos que le sujet était «tabou» dans les cercles du parti.

De son côté, le président national de l'ANC, Gwede Mantashe, a indiqué que les dirigeants du parti ne travaillent pas sur des projections et des hypothèses et refusent de se laisser entraîner dans des spéculations sur ce qui pourrait éventuellement advenir.

«Même si le panel a conclu qu’il y a des motifs pour lesquels le président doit répondre, la destitution est un processus long et ardu», a-t-il expliqué, arguant qu’un Comité ad hoc serait créé, un débat devrait avoir lieu et le président ne peut être révoqué qu'à la majorité des deux tiers.

La présidente de l’Assemblée nationale, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, une Commission indépendante qui a procédé à une évaluation préliminaire d’une motion de censure déposée par le Mouvement de transformation africaine (ATM) contre Cyril Ramaphosa. Selon cette motion, le Président sud-africain fait face à quatre chefs d'accusation liés à la dénonciation inappropriée du crime et au conflit d'intérêts personnels avec sa position officielle.

Le parti ATM a déposé la requête après que l'ancien chef du renseignement, Arthur Fraser, a déposé en juin dernier une plainte concernant la dissimulation d’un vol de millions de dollars américains commis en 2020 dans la ferme Phala Phala de Ramaphosa.

Selon la plainte de Fraser, des cambrioleurs s'étaient introduits en février 2020 dans une propriété privée du chef d'État, où ils ont volé des millions de dollars en espèce. La plainte accuse M. Ramaphosa d'avoir dissimulé le cambriolage à la police et l'argent au fisc, d'avoir organisé l'enlèvement et l'interrogatoire des voleurs, puis de les avoir soudoyés pour qu'ils gardent le silence.

 

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