D’origine libanaise, Josef Fares, l'éditeur suédois qui bouscule les codes du jeu vidéo

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Siège de Hazelight Studios, une société suédoise de développement de jeux vidéo, située à Stockholm, en Suède. Le cinéaste suédo-libanais Josef Fares, devenu développeur de jeux, s'est donné pour mission de donner la priorité à la narration dans les jeux vidéo, dénonçant les conceptions motivées par l'argent qui étouffent la créativité. (Photo / AFP)

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Contempteur des modèles basés sur les micro-paiements, le créateur de jeux vidéo Josef Fares veut développer la culture narrative dans les jeux, s'appuyant sur son expérience de réalisateur de cinéma.

"L'argent, s'il est trop présent (dans le jeu vidéo), affecte la créativité", déclare M. Fares à Stockholm, dont le jeu "It Takes Two" a été un succès commercial et critique.

L'homme de 47 ans apprécie peu l'engouement de l'industrie du jeu vidéo pour des tendances telles que les microtransactions - où les joueurs sont encouragés à payer de façon répétée de petites sommes pour obtenir des objets virtuels dans le jeu.

Ce modèle fournit aux développeurs un flux de revenus après l'achat initial d'un jeu ou, quand le jeu est gratuit au départ, permet de le rentabiliser.

Dans certains cas, ce modèle est extrêmement rentable, reconnaît-il tout en soulignant: "nous n'aurons jamais ce genre d'articles dans nos jeux". "Je dis qu'il s'agit de +conneries+ parce que je le pense vraiment", s'exclame-t-il.

Pour lui, de tels mécanismes vont inévitablement affecter la façon de concevoir les jeux.

"Ces décisions ne devraient pas jouer sur les jeux vidéo. Cela ne devrait pas se traduire par des raisonnements du type: +Ok, changeons cela pour que vous payiez plus d'argent+".

Fares, qui a déménagé en Suède à l'âge de 10 ans pour échapper à la guerre civile au Liban, est connu pour la franchise de son discours et a marqué les esprits lors des Video Game Awards de 2017 en déclarant : "Fuck the Oscars !" ("Au diable les Oscars!").

Il a fondé Hazelight Studios en 2014, suite au succès de son premier projet de jeu vidéo baptisé "Brothers : A Tale of Two Sons".

Son studio basé à Stockholm, qui fonde ses jeux sur la coopération entre joueurs, a sorti deux jeux  et s'apprête à sortir un nouvel opus, Split Fiction.

La Suède est réputée pour la créativité de ses studios de jeu vidéo, avec des succès tels que "Minecraft".

L'amitié 

Selon Fares, les thèmes de ses deux premiers jeux peuvent se résumer chacun d'un mot.

Le premier, A Way Out (2018), dans lequel deux prisonniers s'échappent ensemble de la prison, portait sur la "confiance".

La suite, encensée par la critique, It Takes Two (2021), reposait sur la "collaboration". Elle raconte l'histoire d'un couple marié qui prévoit de divorcer mais est transformé en petites poupées, les obligeant à travailler ensemble pour éviter les périls de leur propre maison.

Le nouveau jeu "Split Fiction traite de l'amitié", explique Josef Fares.

L'histoire suit les écrivains en herbe Mio et Zoe, aux personnalités opposées, alors qu'ils sont piégés dans une simulation de leurs propres histoires et doivent surmonter leurs différences pour s'en sortir.

"C'est un peu comme un film de potes, que vous jouez évidemment", relève Fares.

Ancien réalisateur de cinéma, il estime cependant que la réalisation de jeux vidéo est très différente.

"Il faut comprendre qu'il s'agit de deux médias totalement différents, l'un étant interactif, l'autre passif".

Au cinéma, qu'il qualifie de média "passif", Fares explique qu'il y a beaucoup plus de temps "pour développer une histoire".

Dans le cas d'un média interactif, où le joueur choisit comment et quand procéder, les développeurs n'ont pas le même contrôle sur des éléments tels que le rythme ou l'endroit où le joueur se rend.

Raconter des histoires captivantes dans ce contexte reste un défi.

"Nous voulons participer à la réflexion sur la manière de raconter des histoires dans les jeux vidéo", souligne Josef Fares.

L'industrie du jeu vidéo a connu une année 2024 difficile, de nombreux studios ayant réduit leur personnel. Selon un rapport de la Game Developer's Conference (GDC), un développeur sur dix a été licencié au cours de l'année, la restructuration et la baisse des revenus étant les principales raisons invoquées.

Lui espère surtout que les développeurs vont se concentrer sur la création de jeux qu'ils souhaitent, plutôt que d'essayer de concevoir le prochain +blockbuster+.

"J'espère que la situation va s'améliorer, mais j'espère que les gens prendront plus de décisions basées sur ce qu'ils aiment et veulent faire", dit-il. (Quid avec AFP)

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