Actu
Emmanuel Macron rattrapé par le ''sparadrap'' McKinsey
Photo prise le 16 avril 2022, le président français et candidat à la réélection de La République en Marche (LREM). Le Procureur national financier (PNF) a ouvert deux enquêtes en octobre 2022 pour des soupçons de "favoritisme" et sur les "conditions d'intervention des cabinets de conseil" des campagnes électorales 2017 et 2022 du président français Emmanuel Macron, dont le cabinet McKinsey. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
"Je ne crains rien", assure Emmanuel Macron. Après avoir parasité sa campagne présidentielle, le nom du célèbre cabinet de conseil McKinsey vient, par la voie judiciaire, rattraper le chef de l'Etat déjà fragilisé par une configuration politique complexe.
Le parquet national financier (PNF) a annoncé jeudi avoir confié à des juges d'instruction, fin octobre, deux enquêtes sur l'intervention des cabinets de conseil dans les campagnes électorales de 2017 et 2022. L'une porte sur des soupçons de "tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d'éléments comptables dans un compte de campagne", l'autre vise "des chefs de favoritisme et recel de favoritisme".
En clair, la justice cherche à savoir si des cabinets de conseil n'auraient pas indûment participé au financement des campagnes du candidat Macron, avant de bénéficier en retour de juteux contrats publics.
Le chef de l'Etat est protégé par son immunité pénale, prévue à l'article 67 de la Constitution. Et son nom ne figure pas dans le communiqué très technique du PNF sur ce point.
Mais c'est bien l'affaire du printemps qui ressurgit. D'autant que le Parquet national financier réagissait aux révélations du Parisien, qui venait de faire état de ces investigations pour financement illégal de sa campagne.
"Je ne crains rien et (...) je crois que le cœur de l'enquête n'est pas votre serviteur", a réagi Emmanuel Macron vendredi devant des journalistes, en marge d'un déplacement à Dijon.
"C'est normal que la justice fasse son travail, elle le fait librement, elle va faire justement la lumière sur ce sujet", a-t-il ajouté.
C'est dans la ville de Côte-d'Or, déjà, que le président-candidat avait tenté d'évacuer les premiers soupçons, fin mars, balayant les "bêtises" relayées, selon lui, par ses adversaires.
"Quand on veut aller très vite et très fort sur une politique, il faut parfois avoir recours à des prestataires extérieurs à l'État", avait-il insisté.
Il s'agissait de justifier le recours intensif par l'exécutif à ces cabinets privés, épinglé dans un rapport sénatorial qui avait fait l'effet d'une petite bombe pendant la campagne. L'opposition avait réclamé immédiatement une enquête sur l'éventuel favoritisme dont la puissante société américaine McKinsey aurait bénéficié de la part de la majorité macroniste.
"On a l'impression qu'il y a des combines, c'est faux. S'il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal", s'était aussi agacé Emmanuel Macron.
Voilà qui est fait. L'Élysée n'a pas manqué de relever que les deux informations judiciaires ont été ouvertes "à la suite notamment de plaintes d'élus et d'associations".
Connivence malsaine
"Cette affaire passe pour l'instant complètement au-dessus des Français, obnubilés par les questions économiques, énergétiques et sociales", a relevé Frédéric Dabi, directeur de l'institut Ifop. "Reste à savoir si elle peut devenir un poison lent pour la Macronie si les rebondissements judiciaires se multiplient".
Le camp présidentiel réagissait peu pour le moment. "Arrêtons de penser, parce qu'il y a une ouverture d'enquête, que c'est infamant", a relevé vendredi sur Europe 1 le président par intérim du groupe Renaissance à l'Assemblée Sylvain Maillard, appelant à laisser la justice "enquêter sereinement".
Le "McKinseyGate" a été érigé par l'opposition pendant la campagne en symbole d'une connivence malsaine avec les milieux d'affaires.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, n'a pas manqué vendredi d'accuser Emmanuel Macron d'avoir "confié la France à des liquidateurs". Les cabinets de conseils mis en cause "ne travaillent pas dans l'intérêt de la nation française et du peuple français", a-t-il lancé, regrettant une politique de "renvoi d'ascenseur".
Pendant la campagne présidentielle, les adversaires du chef de l'État n'avaient déjà eu de cesse de lui demander des comptes, dénonçant une "dérive totale", une bienveillance à l'égard des "lobbies" et de "l'évasion fiscale" supposée de certains cabinets, et même une "République McKinsey".
La Macronie s'était retrouvée sur la défensive. "Les oppositions ont réussi à en faire un sparadrap pour nous", s'alarmait alors un responsable de la majorité, avant que le président ne soit réélu en avril, avant d'être affaibli par des législatives décevantes face à des oppositions regaillardies. (AFP)