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En Algérie, la présidentielle tunisienne suscite l'espoir et motive... à ne pas voter
Toujours mobilisés contre le "système" au pouvoir depuis l'indépendance, des Algériens ont suivi avec espoir la présidentielle qui a conforté chez le voisin tunisien une transition démocratique qu'ils réclament en vain pour leur pays.
Le scrutin exemplaire en Tunisie, qui a dynamité les clivages politiques traditionnels, renforce paradoxalement à Alger le refus de la présidentielle que veut imposer le haut commandement militaire le 12 décembre et qui ne vise, selon les contestataires, qu'à assurer la survie d'un "système" politique décrié.
Dimanche, les Tunisiens ont confortablement élu au second tour, avec une participation de près de 60%, un universitaire à la retraite quasi-inconnu jusque là sur la scène politique, Kais Saied, partisan de réformes politiques radicales.
Succédant au premier président élu démocratiquement au suffrage universel Béji Caïd Essebsi, décédé en juillet, M. Saied aura la lourde tâche de revitaliser la jeune démocratie tunisienne en répondant aux espoirs déçus de la population, nés de la révolution de 2011 contre le régime autocratique de Zine el Abidine Ben Ali.
"Ce qui se passe en Tunisie me motive encore plus à refuser cette présidentielle jouée d'avance" en Algérie, explique à l'AFP à Alger, Karim, un étudiant de 25 ans.
Alors que les jeunes Tunisiens ont contribué à la victoire de Kais Saied, en Algérie, où plus de la moitié de la population a moins de 30 ans, "les jeunes peuvent faire la différence en refusant d'aller voter" le 12 décembre, estime-t-il.
Né le 22 février, le "Hirak" algérien, mouvement de contestation inédit, est parvenu contre toute attente à contraindre à la démission le président Abdelaziz Bouteflika, depuis 20 ans à la tête de l'Etat. Loin de s'essoufler, il réclame désormais le démantèlement de l'ensemble du régime au profit d'institutions de transition.
Des revendications catégoriquement rejetées par le haut commandement militaire désormais aux commandes, qui exige l'élection urgente d'un successeur et agite le spectre du chaos.
La présidentielle tunisienne "est la preuve que l'on peut élire un président après une transition démocratique", estime Omar Bertoul qui manifeste chaque vendredi depuis le début du "Hirak".
Ce technicien informatique de 35 ans n'est "pas dupe" d'une présidentielle algérienne voulue par le pouvoir qui refuse toute transition pour "garder certains pions" et en "placer de nouveaux".
"Contente et déçue"
Comme en Tunisie, "on ne peut pas avoir chez nous la démocratie du jour au lendemain. Il faut une phase de transition pour changer la Constitution", qui fait actuellement en Algérie du président "un empereur", souligne Mustapha, étudiant en sciences politiques à Alger, où il manifeste ce mardi avec ses camarades.
L'exemple tunisien montre aussi que "le chemin reste long" en Algérie, note Mohamed Benachour, étudiant en biologie, lui aussi présent dans le cortège algérois.
Mais pour Yasmine, étudiante en biologie de 24 ans, il est surtout la preuve qu'une transition démocratique, même semée d'embûches, ne débouche pas forcément sur le chaos: la Tunisie a enchaîné trois votes en un mois dans le calme.
La jeune femme ne veut pas de la présidentielle du 12 décembre, mais rêve d'une élection avec, comme en Tunisie, un "débat télévisé entre candidats" et la possibilité de "choisir librement".
Après 20 ans de fraude électorale en Algérie, la récente modification de la loi électorale peine à convaincre que le scrutin sera libre et équitable, comme l'assurent les autorités.
A Alger, la personnalité du nouveau président tunisien, âgé de 61 ans et aux positions sociétales conservatrices, divise et tempère toutefois certains enthousiasmes.
"C'est un candidat indépendant qui a été élu. Comme en Tunisie, les Algériens ont en marre des partis", veut retenir Hamdi Asla, ingénieur en électronique de 35 ans.
Souhila Salhi, enseignante de 45 ans, est "contente et déçue à la fois".
"Contente pour l'aboutissement démocratique d'une révolte populaire et déçue car ils ont élu un président de plus de 60 ans et très conservateur", même si, reconnaît-elle, "l'autre (candidat, l'homme d'affaires controversé Nabil Karoui), aurait été pire pour les Tunisiens car acquis aux Occidentaux".
Pour quelques-uns, comme Bachir, diplômé au chômage de 33 ans, "la Tunisie n'est pas un exemple pour l’Algérie : le régime chez eux s'est régénéré, leur révolution n'a pas changé l'économie et les pauvres sont encore plus pauvres".
Et pour Hassan, commerçant de 56 ans, la présidentielle tunisienne, "franchement, on s'en fiche. On a suffisamment de problèmes à gérer ici".