Un sommet de l'Otan dans l'ombre de Donald Trump

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Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin (G), accueille le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, au Pentagone, le 8 juillet 2024, à Washington, DC. (Photo par ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP)

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Par Léon BRUNEAU et Max DELANY (AFP)

Il n'y participera pas bien sûr mais c'est tout comme ou presque. L'ombre de l'ancien président américain Donald Trump, qui brigue à nouveau la Maison Blanche, planera sur le sommet de l'Otan, qui se tient de mardi à jeudi (9 et 10 juillet 2024) à Washington.

D'autant plus qu'à quatre mois de la présidentielle américaine de novembre, la campagne a pris une tournure radicalement différente, le débat raté de Joe Biden face à Donald Trump faisant vaciller la candidature du démocrate de 81 ans.

Un éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche, qui a dans le passé qualifié l'Alliance atlantique d'organisation "obsolète", inquiète à Bruxelles et dans de nombreuses capitales européennes.

"Il ne fait aucun doute que l'issue possible des élections américaines sera dans tous les esprits", juge Ian Lesser, du groupe de réflexion German Marshall Fund of the United States.

"Mais il n'y a pas que les élections américaines. Il existe aujourd'hui une extraordinaire confluence d'incertitudes politiques des deux côtés de l'Atlantique", ajoute-t-il.

"Le sommet sera fortement influencé par deux personnalités absentes à Washington: le candidat Trump et le président russe Vladimir Poutine", lance de son côté un diplomate de l'Otan sous couvert d'anonymat.

Dans un récent entretien à l'AFP, le secrétaire général sortant de l'Otan, Jens Stoltenberg, s'est voulu rassurant, disant s'attendre à ce que "les Etats Unis restent un allié solide de l'Otan, quel que soit le résultat des élections américaines, parce que c'est dans leur intérêt".

Mais la question de savoir quel serait l'impact pour l'organisation d'une nouvelle présidence Trump reste posée avec acuité.

Aussi bien concernant la continuité du soutien américain à l'Ukraine sur lequel l'ancien président républicain entretient le flou que sur l'avenir même de l'alliance militaire occidentale, qui fête ses 75 ans d'existence.

Fin de l'Otan ? 

Au cours de son premier mandat (2017-2021), le magnat républicain avait déjà eu maille à partir avec ses alliés européens, dénonçant leur ingratitude et le fait que les Etats Unis assumaient seuls le fardeau.

Donald Trump a depuis redoublé d'ardeur. Il a provoqué un tollé en disant qu'il encouragerait le président russe Vladimir Poutine à "faire ce qu'il veut" si un pays de l'Otan ne respectait pas ses engagements financiers envers l'alliance.

Cela revenait à ouvrir une brèche dans le sacro-saint article 5 du Traité de l'Atlantique Nord qui prévoit qu'une attaque contre l'un des membres de l'alliance est une attaque contre tous les alliés.

Les pays européens membres de l'Otan sont francs: ils ne pourraient pas combler le vide béant que laisserait Washington en quittant l'alliance militaire occidentale.

"Ce serait la fin de l'Otan si les Etats Unis se retiraient et ce serait la fin de la dissuasion", juge un diplomate européen.

Toutefois, nombreux sont ceux qui pensent que l'Otan pourrait sortir indemne d'un nouveau mandat de M. Trump à la Maison Blanche, d'où la nécessité pour eux de développer la défense européenne.

Les pays européens ont donné un coup de rein à leurs dépenses militaires. Le sommet de l'Otan devrait ainsi mettre en avant le fait que, cette année, 23 des 32 pays de l'Alliance devraient consacrer 2% de leur produit intérieur brut aux dépenses militaires.

Les alliés disposent potentiellement d'un autre atout, celui d'avoir confié les rênes de l'organisation à l'ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte, qui remplacera Jens Stoltenberg en octobre.

Affublé du titre de "Trump whisperer", l'homme qui murmure à l'oreille de Trump, il aurait joué un rôle clé pour calmer M. Trump lors d'un sommet de l'Otan en 2018 à Bruxelles.

Lors du sommet de Washington, les alliés s'efforceront aussi d'assurer leurs arrières, en "institutionnalisant" une partie de l'aide militaire occidentale à l'Ukraine.

L'Otan doit prendre, progressivement, la coordination de cette aide, manière de se protéger contre les aléas politiques des deux côtés de l'Atlantique, confient des diplomates.

Pour Rachel Rizzo, de l'Atlantic Council, un centre de réflexion, il n'y a pas péril en la demeure.

"Ce que je dis tout le temps aux Européens, c'est d'arrêter de paniquer à propos de Trump", dit-elle. "Vous avez fait cela pendant quatre ans, et devinez quoi? En fait, ce n'était pas si mauvais pour l'Europe".

D'aucuns notent aussi que Donald Trump est dans le transactionnel en permanence. "Si vous léchez les bottes de Trump avec suffisamment de persévérance, il sera content de vous", lâche un autre diplomate européen.

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