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Algérie: entre espoirs et désillusion, les jeunes plus déçus que satisfaits de M. Tebboune
Des passants devant une bannière du candidat présidentiel cosmétique Abdelaali Hassani Cherif à Oran le 5 septembre 2024, avant les prochaines élections présidentielles. (Photo par AFP)
Entre espoirs et désillusion, le président sortant, Abdelmadjid Tebboune, favori d’une présidentielle joué d’avance, samedi en Algérie, est attendu au tournant par les jeunes, qui représentent la moitié de la population et un tiers des 24 millions d'électeurs.
"Les cinq dernières années n'ont apporté aucune nouveauté. Depuis 2019, nous n'avons rien obtenu de concret. Après notre victoire en Coupe d'Afrique des nations (de football en juillet 2019), tout a stagné", confie à l'AFP, Abdenour Benkherouf, coiffeur de 20 ans sur un ton ironique.
Bien qu'aucune donnée officielle ne soit disponible, les jeunes sont nombreux à ne pas vouloir voter samedi.
Ils formaient le gros des troupes des manifestants prodémocratie du Hirak qui demandaient un changement radical du système politique, un Etat civil et le cantonnement de l’armée dans les casernes, lors de la présidentielle de 2019, à laquelle l'abstention avait atteint un taux record de 60%.
Vêtu d'un tee-shirt du club de foot de Barcelone, Karim Beldjoudi, chômeur de 19 ans, est tout aussi désabusé que son ami coiffeur: "franchement, en cinq ans (de mandat Tebboune, ndlr), nous n'avons vu aucun progrès ni développement dans le pays, rien n'a changé dans notre situation".
S'adressant clairement à la jeunesse, Abdelmadjid Tebboune a promis lors d'un meeting pré-électoral à Oran (ouest) 450.000 nouveaux emplois et un relèvement de 13.000 à 20.000 dinars (133 euros) -- au niveau du salaire minimum -- de l'allocation chômage mensuelle, qu'il a créée en 2022 pour les 19-40 ans.
Mais pour Fouad Brahimi, un peintre de 22 ans, les jeunes veulent "des emplois, car cette allocation n'est pas durable".
L'économie qui croît au rythme de 4% par an, permettant actuellement de financer de telles aides sociales, reste en effet très dépendante des exportations de gaz naturel, dont les cours ont flambé depuis la guerre en Ukraine en 2022.
Pour le jeune artiste, il n'y a que "des répétitions dans les réformes, et rien n'avance vraiment. On peut dire que le président Tebboune a partiellement redressé le pays, mais il ne fait que continuer les projets lancés avant lui".
En Algérie, les moins de 30 ans représentent plus de la moitié de la population, soit environ 23 millions de personnes. Or le chômage touche près d'un jeune sur trois, pour une moyenne nationale d'environ 12%, selon des statistiques officielles.
Un rêve: "la harga"
Rencontré devant une permanence du candidat Tebboune, Sami Rahmani, 39 ans, hésite à s'exprimer en public, car certains le dépeignent comme "un traître au Hirak" dont il était "un élément actif".
Même s'il est sans emploi, il se déclare "satisfait" des "cinq dernières années, car le président a vraiment fait des efforts". "Les prochaines années, il en fera encore plus, et apportera du soutien aux jeunes marginalisés, car nous voyons des jeunes avec des diplômes mais sans emploi".
Chaque année, des milliers de jeunes diplômés ne trouvent pas un travail correspondant à leur formation. Ils sont nombreux dans de petits boulots précaires de l'économie informelle: coursiers, vendeurs à la sauvette, taxis VTC, etc.
Chadli Isshak, un étudiant de 21 ans, estime que le premier quinquennat "coïncidait avec la période du Covid-19, donc M. Tebboune n'a pas pu terminer les projets qu'il a commencés" même "s'il a créé des emplois et réduit la dette".
Interrogés un jour de chaleur caniculaire à Alger, Abdenour, coiffeur, et Karim, chômeur, sont pour leur part sans illusions.
Ils ont voulu discuter avec l'AFP dans un café appartenant à l'Union des sourds-muets d'Alger, disant sans moquerie, "préférer être en compagnie de personnes muettes que de gens qui parlent pour faire un tas de promesses sans les tenir".
Tous deux n'ont désormais qu'"un seul rêve: la harga", la traversée clandestine de la Méditerranée vers l'Europe.
Des centaines de jeunes algériens en proie au mal-être tentent chaque année la "harga". Pour les décourager, les autorités ont criminalisé les tentatives d'émigration illégale. (Quid avec AFP)