Linguistique ferroviaire

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Il y a moins de trois mois, un train sortait de sa voie à Bouknadel. A peine si la presse algérienne ne s’en est pas réjouie. Une dizaine de morts, plusieurs blessés et beaucoup de sang l’ont contraint à la retenue.

Il y a trois jours, on signale un déraillement d’un train à Casa-port. Renseignement pris, il s’agit « d’une ZM dans les ateliers de maintenance lors d’une manœuvre à Roche Noire ».

Le souvenir est encore saignant pour ne pas saisir l’opinion publique qui, fidèle à sa nature, en rajoute. On précise que c’est un accident de manœuvre d’atelier et non du trafic, et c’est vrai. Mais un accident est un accident et cet incident fait mauvais genre, même si l’on signale qu’en la matière il y a une classification normalisée au niveau international qui va de pas grave à très grave etc.

Avant le déraillement de Bouknadel, le dernier accident de train remonte à septembre 1993 à Témara. Un quart de siècle. L’Agence presse service (APS), la très officielle agence algérienne, n’en a cure. Pour elle « les accidents de train sont fréquents au Maroc. » 

Le sublead de la dépêche est un cours anthologique de vérification de l’information et un matériau riche pour disciples de Barthes. Dans une correspondance datée du 4 janvier elle rapporte que « le train reliant Kénitra à Casablanca a déraillé au moment de son arrivée dans la capitale économique. Aucune victime n'est à déplorer dans l'immédiat »

Fort heureusement que ni dans l’immédiat ni dans l’après immédiat il n’y a pas eu une seule égratignure. Autrement on aurait eu droit à un déluge de correspondances cataclysmiques.