Une histoire chiante

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Barhrire, je n’ai jamais pensé qu’un jour on en ferait toute une tartine. Un met  au miel pour matin de fête. Comment le traduire en français, la pâte aux mille trous, comme l’a suggéré un internaute ? Un mille feuilles fait rêver, mais mille trous. Puisque c’est de la darija semble-t-il, comment le dire en arabe classique ? Je n’ai trouvé encore personne pour suggérer quelque chose qui tienne la route. Vous voulez la vérité, barhrire j’en ai mangé beaucoup, mais je n’ai jamais su ni cherché à savoir si c’était de la darija ou de l’arabe classique. Il me suffisait que ce soit bon. L’bri-ouate aussi, c’est joli l’bri-ouate, les petites lettres à la pâte d’amandes et au miel, de délicieux mots d’affection ou d’amour que l’on pourrait envoyer à sa fille ou sa dulcinée pour leur dire combien on pense à elles. Un éminent avocat de la capitale, qui n’a jamais conçu une plaidoirie qu’en arabe « pure », l’air catastrophé m’apostrophe dans la rue : Que penses-tu de cette histoire de barhrire ? Je hausse les épaules. Comment, on va enseigner barhrire à nos enfants et tu ne dis rien ? Du moment qu’ils en mangent sous ce nom sans que personne ne trouve rien à redire. Je sens naitre chez lui le désir d’engager la discussion, mais je n’avais aucune envie d’entrer dans ces débats qui s’attachent à expliquer qu’une langue se nourrit de son environnement, des hommes qui la parlent, des échanges avec les autres langues… Je lui parle de bissara qu’il faudrait bien introduire aussi dans les manuels scolaires. La bissara c’est un succulent plat de fèves asséchées, concassées et bouillies qu’on assaisonne d’huile d’olives et saupoudre de cumin. Le cumin c’est pour estamper les flatulences et faciliter le transit avant de passer aux toilettes publiques, de préférence celles de Casablanca à 60 millions. Une autre histoire, toute aussi chiante, sur laquelle je reviendrai une fois passée cette constipation linguistique qui nous a submergés.