chroniques
Le pari risqué de moi ou le déluge de Benkirane
Il y a aujourd?hui trois partis et un appendice qui jouent r?ellement sur le terrain ?lectoral?: Le PAM qui entend damer le pion au PJD, le PJD qui se voit d?j? en ?chec et mat, l?Istiqlal qui veut se refaire une virginit? et le PPS qui court sur ses petites pates derri?re le PJD. En chef d?orchestre, Abdalilah Benkirane, le patron du premier des partis donne le la et di?se la note de bien plus que d?un demi-ton. Sans s?en rendre compte qu?il refait du Mohamed Morsi, du nom de l?ex-pr?sident ?gyptien islamiste d?pos? par l?arm?e.
P?remptoire devant la jeunesse de son parti, Benkirane ne doute pas?: Dans la victoire du PJD, il y va, assure-t-il, ??de l?int?r?t de son parti, de l?int?r?t de l?Etat r?el [parce qu?il y a un Etat fictif mais op?rationnel?], c?est-?-dire l?Etat officiel [parce qu?il y a un Etat officieux??], c'est-?-dire encore l?Etat officiel que pr?side le roi Mohamed VI [parce qu?au Maroc il y a un autre Etat que ne pr?side pas Mohammed VI??] et non pas celui dont on ne sait d?o? il vient ni d?o? lui viennent ces d?cisions ou moins encore les nominations auxquelles il proc?de??. Je n?ai pas les comp?tences s?miologiques d?un Rolland Barthes, mais est-ce ? dire que le souverain ne serait dans toute cette farce qu?une marionnette?? Dieu me pr?serve de pareil outrage?!
Le discours benkiranien s?apparente de plus en plus ? celui du fr?re musulman Mohamed Morsi qui avait pourtant pris la t?te de l?immense Egypte avec plus de 50% des voix. Il ?tait si s?r de sa victoire qu?il s?est retrouv? disjonct? et d?connect? de la r?alit? et des rapports de force, permettant au mar?chal Abdelfattah Sissi de n?en faire qu?une bouch?e. L?impression que donne Abdalilah Benkirane est qu?il y a une grande confusion dans son esprit et une erreur dans l?appr?hension de ce qu?est l?Etat Marocain. A l?entendre, on croirait qu?il l?imagine coquille vide, ?difice inhabit?, terra nullius.
L?Etat, ou le Makhzen comme il plait ? d?autres de le d?signer, est un vaste maillage o? s?imbriquent cercles et centres de pouvoir, convergent et divergent des int?r?ts multiples, cohabitent diff?rentes forces dont les partis politiques ne sont qu?une infime composante au sein de laquelle le PJD n?est qu?une particule. Dans cette subtile construction, la monarchie, et en cons?quence le roi, constitue le ferment de cette coloc grandeur nature d?un pays et lui assure une dynamique qui n?est pas absoute de rat?es, soumet ses conflits ? des arbitrages pour pr?server les ?quilibres et le cas ?ch?ant tranche dans le vif, l?essentiel ?tant de garder le cap de d?veloppement sans verser dans le totalitarisme individuel.
En toute honn?tet? je ne crois pas que Benkirane ignore ces truismes. Mais dans le feu de l?action, il lui arrive de les perdre de vue dans une spirale de moi ou le d?luge qui risque de ne l?emporter que lui. Particuli?rement lorsqu?il succombe ? des illusions d?optique en croyant qu?il n?y a point de salut en dehors du PJD, seul ? assurer ? la transition marocaine sa cr?dibilit?. Mais contrairement ? ce que croit Benkirane, ce qui fait l?image du Maroc ? l?ext?rieur, et de la monarchie ? l?int?rieur, ce n?est pas la participation du PJD, bien qu?une de ses composantes ait jou? sa partition dans cette philharmonie, mais l?habilet? dont a fait preuve Mohammed VI dans la gestion de ce que l?on a appel? ? tort le printemps arabe. Jusqu?? preuve du contraire, la pr?sence du parti de Benkirane n?a permis ni la r?duction d?Al-adl wa al-ihassan, ni la r?gression du salafisme wahabiste, ni la d?croissance des candidats toujours en progression au da?chisme, ni les comportements publics de intol?rance soci?tale, bien au contraire. Par contre la temp?rance du roi a ?vit? au Maroc le pire.