Le Maroc, sa résilience, son élan pacifique et son rayonnement – Par Abdeljlil Lahjomri

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« État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité internationale, le Royaume du Maroc entend préserver dans sa plénitude et sa diversité son identité une et indivisible »

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Abdeljlil Lahjomri, Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc a été, avec l’ancien conseiller du président français François Mitterrand, Hubert Védrine,  de l’ancienne ministre française de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem, et du ministre marocain Younes Sekouri de l'Inclusion économique, de la Petite Entreprise, de l'Emploi et des Compétences, l’un des invités d’honneur du traditionnel dîner de gala organisé par le groupe Strapex en marge du  Salon international du Bâtiment au Parc d’exposition Mohammed VI d’El Jadida. Invité à faire un exposé sur le Maroc : sa résilience, son élan pacifique et son rayonnement, Abdeljlil Lahjomri a commencé par préciser que l’essentiel de la thématique choisie pour cette rencontre peut sembler hasardeuse tant il faut « dans un monde crispé, dominé actuellement par des médias de plus en plus incontrôlables et qui diffusent erreurs, mensonges récurrents, mobiliser toutes nos énergies pour une défense et une illustration militante du pays qui nous a vu naître ». Dans ce récit documenté, il remonte le temps et revient ensuite au présent pour démontrer comment le Royaume « a su par strates successives écrire un récit national (…) et bâtir une nation dont l’identité est séculaire et singulière (…) »

Si résilience, élan pacifique, résilience, rayonnement il y a, c’est parce le Maroc est l’héritier d’une grande histoire, histoire millénaire, tumultueuse certes mais qui a su par strates successives écrire un récit national, ou un roman national (les historiens ne sont pas d’accord sur l’appellation) et bâtir une nation dont l’identité est séculaire et singulière, étonnante dans sa singularité. Si vous voulez en avoir la preuve historique, visitez le site de Chella où l’accumulation de ces strates, de la période maurétanienne des Juba à la noble dynastie actuelle des Alaouites se révèle à vous comme un musée à ciel ouvert où s’illustre la profondeur historique qui fonde le Royaume du Maroc.  Il suffit aussi et surtout de se référer au préambule de la constitution marocaine de 2011 pour voir que cette succession de cultures a accouché d’une identité nationale marocaine étonnement inédite et féconde. Je ne pense pas exagérer en affirmant que cette constitution est une des rares constitutions dans le monde où est définie avec autant de vérité, d’objectivité, de sérénité, et de courage l’identité d’une nation. Dans cette brève allocution, je me référerai souvent à l’histoire, et parlerai d’identité.

Les Ottomans face à la légitimité religieuse de la monarchie marocain

 Rappelons l’essentiel : « État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité internationale, le Royaume du Maroc entend préserver dans sa plénitude et sa diversité son identité une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo hassani, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africains, andalous, hébraïques et méditerranéens » (fin de citation).  Si l’histoire a été déterminante dans la naissance, l’élaboration et la consolidation de cette identité toute remarquable dans son épanouissement, la géographie y a contribué sans aucun doute par un positionnement qui a permis au Maroc de bénéficier de deux espaces maritimes, l’Océan Atlantique, la mer Méditerranée. J’allais oser dire toutefois de trois espaces, parce que tant d’historiens considèrent le Sahara comme une mer, de sable, mais une mer, qui dans l’histoire de la nation marocaine fut constitutive de sa particularité, fut animée, alliant le Maroc à l’Afrique dans une connexion parfois permanente où circulaient l’or, le sel, les manuscrits et le savoir.

 Pour développer les trois concepts proposés à notre réflexion, je souhaiterai puiser en effet dans le récit de ce Royaume, que l’on appelait l’Empire fortuné, trois exemples qui en éclaireraient le premier :  sa résilience.   L’histoire de l’Afrique du Nord nous enseigne que c’est le seul pays à avoir résisté et échappé à la domination de l’empire ottoman. Un historien nous apprend, je cite, « A partir de la seconde moitié du XVIème siècle…  La Sublime Porte (c’est à dire l’empire ottoman) tente au prix de 13 guerres de s’emparer du Maroc » 13 chocs et il n’y est pas parvenu, pour des raisons géographiques (pays montagneux, Sahara), mais essentiellement parce que la légitimité religieuse fait de la monarchie marocaine un rempart infranchissable d’autorité spirituelle, fédérant le peuple marocain dans une cohésion interne forte. La résilience du Maroc trouve sa source et la puise dans la permanence de cette autorité spirituelle, sa stabilité et son unité.  Elle est le produit de l’ancestralité du Maroc, de sa mémoire collective dans l’endurance, et qui a généré au cours des siècles une patience impérieuse. 

Le deuxième exemple illustrant cette résilience fut sans aucun doute, sous le protectorat, la promulgation en Mai 1930 de ce qui a été appelé communément dahir berbère. L’historien dit que cette manœuvre « fut un contre sens sociologique » qui tentait « une partition tranchée au couperet entre Arabes et Berbères qui allaient discréditer toutes les études scientifiques… et (allait) préserver l’irrécusable singularité d’un peuple…) indivisible. Ce dahir de la division a été combattu par (arabes et berbères) ensemble, par tout un peuple que l’on croyait désuni. De ce « contresens sociologique » allait naître une courageuse gestation identitaire qui aboutira en Octobre 2001, au discours de Sa Majesté Le Roi que Dieu l’assiste à Ajdir et à l’adoption dans la constitution de la langue amazigh comme langue officielle. Aux gestionnaires maintenant, avec « l’Institut Royal de la Culture Amazigh (IRCAM) » de la rendre linguistiquement opérationnelle et sociologiquement plus active dans la vie économique, sociale, culturelle afin qu’elle ne reste plus visible que dans le domaine esthétique et artistique.

Le troisième exemple confirmant cette résilience nous vient d’un évènement proche de nous dans le temps, le séisme d’Al Haouz de 2023.  S’est exprimée conséquente à ce choc, une solidarité admirable et stupéfiante, toujours vivante aujourd’hui devant nous, allant jusqu’à refuser avec beaucoup d’élégance et de courtoisie diplomatiques toute aide étrangère.  On retient de ces trois exemples que ce qui nourrit et irrigue la résilience du Maroc dans le domaine politique ou économique, social, ce sont quatre atouts : un atout en matière de stabilité, un atout en matière de sécurité, un atout en matière de cohérence dans la gestion du pays, un atout en matière d’inclusivité. 

Une démarche de conciliation et un impératif de sécurité

Quels exemples pour illustrer le second concept d’élan pacifique, proposé à notre étude, élan qui anime le Royaume du Maroc et qui fait que le choix essentiel et primordial pour résoudre les crises, dépasser les difficultés intérieures, et éviter les conflits et les guerres sont la négociation, le dialogue, l’échange, le débat et la conversation dans le sens philosophique du terme en arabe المناظرة.  On peut, peut-être, y voir le produit de cette résilience, forgée par les épreuves de l’histoire longue de cette nation.  Nous venons de fêter le 49ème anniversaire de la Marche verte.  C’est mon premier exemple. Et que fut cette marche mémorable sinon un élan pour un engagement pacifique dans la région qui offrirait une vision stratégique pour un développement durable bénéfique pour tout le continent africain. Un appel à la paix, fondement d’une dynamique de dialogue, de compréhension et d’écoute dans l’acceptation et le respect mutuels. Plus qu’un appel c’est à une démarche de conciliation, inscrite dans le préambule de la constitution évoquée tout à l’heure, une démarche de sécurité, j’allais dire un impératif de sécurité, un engagement envers une région souvent marquée par les conflits et l’instabilité. Cet élan pacifique a comme corrélation la tolérance et la modération que prône une religion et une foi ardentes et essentiellement la lucidité, comme action qui en découlerait la médiation. L’exemple le plus récent dans cet élan pacifique constitutif de l’identité marocaine est la conviction que l’Afrique n’étant pas que terrienne, mais aussi maritime, il y a un défi à relever pour une ouverture plus diversifiée, plus enrichissante, plus favorable à un développement durable, plus propice à une stabilité régionale. Cette ouverture vers les océans n’est que la conséquence récente de cette marche mémorable, un appel pour que le développement de toute la région soit un appel de solidarité.

Le deuxième exemple éclairant cet élan pacifique concerne la mémoire, et la concorde qu’instaure une réconciliation nationale, décisive et majeure, pour un dépassement nécessaire dans cette initiative mémorielle des dissensions internes. L’histoire du Maroc, se lit comme une longue tentative de faire prévaloir la paix sur les conflits externes et internes. Le 7 Janvier 2004 Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste instaure « l’Instance Equité et Réconciliation (IER) », mécanisme de justice transitionnelle, processus visant, je cite : « à parvenir à une résolution juste et équitable des violations des droits de l’homme commises dans le passé. Sa création est notamment le fruit des débats entre divers acteurs dont la société civile, les victimes des violations et leurs familles ».  Si je ne me trompe, c’est la première commission de ce type dans les pays récemment indépendants, réconciliant le passé et le présent, qui panse les blessures, du passé pour apaiser le présent, qui garantit, interdit, empêche la non répétition des errements du passé, et intègre toute une génération meurtrie, la fait participer sereinement à  la construction d’un avenir de reconnaissance intérieure, en imposant le respect des droits de l’homme dans la sécurité indispensable à un essor, économique, social, culturel. Une histoire apaisée n’est-elle pas un atout déterminant, primordial, vital pour aspirer à une croissance, à une prospérité favorable à toutes les composantes d’une nation ?

Un rayonnement bannissant les extrémismes

Comment aborder le troisième concept proposé à notre appréciation, « Rayonnement », en évitant l’apologie et l’autosatisfaction, ou plutôt proposant un plaidoyer retenu des aspects évidents qui différencient le Maroc d’autres pays de la région et dans cette comparaison essayer de convaincre, que la représentation que le Maroc offre de lui-même se veut et peut être attrayante, captivante ?

Sa résilience et son élan pacifique nourrissent l’attractivité qui fait son rayonnement.  L’exemple de la récente prestance sportive, est le fruit d’une longue préparation dans le temps, une entreprise humaine et logistique soutenue par une patiente volonté, qui enseigne que le rayonnement se construit, s’édifie, et n’est en aucun cas inné.

Ce rayonnement est synonyme de résilience face aux défis mondiaux, là, sportifs, mais qui s’étend à d’autres domaines partenaires ou concurrents, antagonistes, dans le domaine du social, de l’économique, de l’industriel, du commercial, du technique, du scientifique, du culturel.  Comment ne pas voir que ce rayonnement est sans aucun doute synonyme d’un choix irréversible de modernité, soutenu dans l’aspiration à un développement durable par l’innovation qui se veut parfois téméraire et hardie ?  Citer les axes et les champs de cet engagement dépasserait le cadre de cette présentation.  Vous les connaissez mieux que moi : réformes structurelles et structurantes, transition écologique, stratégie énergétique comme l’investissement dans les énergies renouvelables, l'aéronautique, pour ne citer que ces champs, renforcement de l'Etat de droit pour une amélioration du climat des affaires, consolidation soutenue des relations diplomatiques, voie ouverte aux partenariats public-privé.  Mais ce rayonnement est surtout porté par le pari de la formation des jeunes et incontestablement par la réforme du code de la famille, initié en 2003, et en cours de révision depuis 2023, pour une égalité homme-femme, garante d’une sérénité plus confirmée dans la vie quotidienne d'une société rétive aux tensions et où l’équilibre entre la tradition et la modernité la ferait bénéficier d’un bienheureux avenir.

C’est en définitive un rayonnement synonyme de l’ouverture d’un pays dont le dynamisme est tourné vers l’avenir, offrant au monde une vision qui bannit les extrémismes idéologiques, religieux, favorisant les valeurs de dialogue, préservant son identité plurielle, diverse mais indivisible, protégée, immunisée par une centralité monarchique, fédératrice depuis plus de douze siècles contre les conséquences désastreuses des secousses tectoniques de régimes politiques artificiels et factices.

Il me vient à l’esprit pour conclure un vœu : celui que Jacques Berque exprima en conclusion de sa leçon inaugurale au Collège de France.  Il souhaitait voir, se réinventer, réapparaître, dans ce monde dérangé des « Andalousies renouvelées ».  Serait-ce prétentieux en conclusion de cette brève analyse d’affirmer que l’affluent « andalou » de la constitution marocaine est peut-être un signe précurseur au Maroc l’apparition de ce renouvellement civilisationnel : une Andalousie renouvelée.